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Album

21 janvier 2023 - ZSK

Saturns Cross

Cheat Death

LabelAvantgarde Music
styleColdwave
formatAlbum
paysCanada
sortieaoût 2022
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Le « Post-Punk » de manière globale (qui regroupe donc un peu tous les sous-genres attenants comme ce qu’on appelle la « Coldwave » ou certains pans du rock gothique) est un genre qui a le vent en poupe chez pas mal de metalleux depuis quelques années. On peut bien évidemment lier ça au succès de Beastmilk puis Grave Pleasures, mais beaucoup n’ont pas attendu l’émergence folle du groupe de Kvhost & cie. D’ailleurs en France, au début des années 2010, Soror Dolorosa a eu son petit moment de gloire. Mais la culture était déjà présente, pas que dans le public goth, après tout on peut compter pas mal de monde qui s’est intéressé aux cultes comme Joy Division ou The Cure et qui a un peu suivi tout ce qui se faisait un nom, dans les sphères metal tout du moins. Il n’est donc pas étonnant de voir certains musiciens plus ou moins phares du metal extrême s’y mettre. Par exemple Dis Pater du très apprécié projet de black sympho Midnight Odyssey, qui explorait des sonorités goth/synthpop à sa manière avec Death Comes Crawling dès 2017. Voilà un nouveau challenger en la personne de Sebastian Montesi, canadien de son état, chanteur/guitariste du groupe de black/death ténébreux Auroch, mais aussi chanteur/bassiste de Mitochondrion depuis 2012… bien qu’il n’ait pour l’instant enregistré qu’un morceau avec eux, remontant à un split de 2016 avec… Auroch. Laissons tout ceci de côté pour aborder le cas de Saturn’s Cross, qui sera donc à l’instar de quelques autres, son nouveau projet orienté post-punk/coldwave. Qui se présente sous la forme d’un duo, Sebastian laissant le micro et la basse à un dénommé 1908. Un premier deux-titres, The Punishment Of Sorcerers, sera présenté en février 2022, avant qu’Avantgarde Music ne s’intéresse à la chose et la prenne en charge pour un premier album dénommé Cheat Death. Reprenant les deux morceaux du premier EP avec 8 autres compositions, Cheat Death va donc nous proposer une vision personnelle et singulière du genre coldwave.

Dès le plutôt court « Fasting from Mercy » qui ouvre cet album généreux (47 minutes), l’atmosphère est posée et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle sera particulière. La coldwave de Saturn’s Cross est très électronique, sans pour autant donner dans de la pure darkwave à la Diary Of Dreams. On sent quand même là-dedans un fort esprit 80’s, voire même fin 70’s, avec le côté hyper froid des premiers disques estampillés post-punk. Mais l’enrobage est tout de même assez moderne, trouvant bien vite un équilibre finalement déroutant, tel un nouveau disque anachronique mais qui sait vivre avec son temps. Le départ de l’album nous permet aussi de découvrir la voix très éthérée mais accrocheuse de 1908, tandis que l’ambiance est inquiétante et mystique à souhait, bien mise en exergue par le mixage sonore d’ailleurs. Saturn’s Cross évolue tout de même dans plusieurs tableaux car si « Hell to Pay » est légèrement plus lumineuse et catchy, « Last Night We Said a Great Many Things » lui prend le contrepied avec des instrumentations beaucoup plus agressives et saturées, juste contrebalancées par des passages vocaux plus doux et cotonneux. L’univers sonore de Saturn’s Cross semble imprévisible et torturé, et l’on est donc pas au bout de nos surprises. Et on s’en rend compte avec le morceau-titre qui… atteint presque les 10 minutes (!) en explorant toute une farandole de passages électroniques plus ou moins expérimentaux, qui posent une atmosphère presque apocalyptique très lancinante, aliénante mais pourtant hyper entraînante car l’on tient déjà tout simplement un des moments les plus marquants du disque, quand bien même le chant est quasiment absent de l’équation à part pour quelques sursauts étranges. Bizarre mais accrocheuse, telle est la mixture de Saturn’s Cross, qui n’est pas un bête copycat de quelconque succès incontestable du post-punk/coldwave mais a bien tenté de faire quelque chose de personnel, bénéficiant de la même aura sombre et chaotique que peuvent avoir Auroch et Mitochondrion… mais appliquée à un genre musical totalement différent.

On a pourtant passé que 4 morceaux mais il y a encore de quoi faire, et les humeurs seront encore changeantes. Des très éthérés « The Violence » et « The Prostitute’s Son » au passionnant « Vicious Gods of Night » en passant par le très électro-catchy instrumental « Exit Visas », le plus brumeux « The Past Is Never Dead » ou l’étrange « You Must Honour the Pact » (avec des sonorités très originales et travaillées), Cheat Death regorge de choses intéressantes. La performance de 1908 au chant est d’ailleurs remarquable tout du long, sa voix étant finalement un modèle du genre, avec tout ce qu’elle peut avoir d’androgyne, d’émotions contenues ou de malaisant dans le bon sens du terme. Avec son atmosphère ultra froide, forcément nocturne mais presque urbaine par moments, limite dans un esprit cyberpunk uchronique, Saturn’s Cross ne cherche de toute façon pas à vous mettre à l’aise mais vous transporter dans une cité coupe-gorge où les dangers sont nombreux, où les substances altérant le comportement rôdent. Apprécier Cheat Death est donc finalement une question de ressenti, tant Saturn’s Cross a ici façonné quelque chose de singulier sur base d’influences assez évidentes. L’esprit coldwave des 80’s plane à chaque instant, surtout dans la forme il est vrai, à part quelques sonorités modernes le projet étant presque jusqu’au-boutiste de ce coté tant il reproduit assez volontairement les approximations qu’il pouvait y avoir à l’époque : le mixage est parfois brouillon, certains snares grossiers, le chant sature ici et là et il y a même quelques glitchs à signaler. Tout ceci est étudié, maîtrisé aussi, abouti, c’est une autre question à trancher. En seconde partie de disque, des longueurs apparaissent, certains pans de la musique se répètent, passées les premières compos intrigantes on est moins surpris. Cheat Death n’est pas à mettre entre toutes les oreilles et, finalement et paradoxalement, pas à celles qui s’attendaient à une collection de tubes à la Grave Pleasures parce que ce n’est pas franchement ce qui est au programme ici. Un projet de « coldwave » fait par un metalleux, un de plus, mais celui-ci est très différent des autres malgré les mêmes bases. A vous de voir si cet univers électronique froid et repoussant mais accrocheur et déroutant vous intéresse, mais attention, vous risquerez bien de vous y perdre et de finir noyé dans votre propre sang…

 

Tracklist de Cheat Death :

1. Fasting from Mercy (2:54)
2. Hell to Pay (3:44)
3. Last Night We Said a Great Many Things (3:20)
4. Cheat Death (9:50)
5. The Violence (4:42)
6. The Prostitute’s Son (6:30)
7. Exit Visas (2:50)
8. The Past Is Never Dead (3:32)
9. You Must Honour the Pact (3:30)
10. Vicious Gods of Night (5:45)