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Album

03 décembre 2022 - Dolorès

Lisieux

Abide!

LabelThroatruiner Records
styleDark folk électronique
formatAlbum
paysFrance
sortiedécembre 2022
La note de
Dolorès
9/10


Dolorès

Non.

Entrez, entrez. Une voix s'élève alors que les portes s'ouvrent, laissant la place à une lumière dorée et enveloppante. Le chemin se dessine, Cindy nous invite à la suivre le long du parcours qui s'étend sur neuf titres. Alors que se clôt « Révolution », le morceau introductif du nouvel album de Lisieux aux faux airs de chanson de film d'animation Disney, on ne sait plus bien où on vient de mettre les pieds. Clairement, le projet toulousain aime brouiller les pistes et se jouer de nous.

Après un EP et, surtout, un excellent premier album qui a sorti le groupe de l'ombre en 2019, Abide! sort chez Throatruiner Records en cette fin d'année 2022 (en attendant le vinyle prévu début 2023), juste à temps pour s'inscrire dans les tops albums de tout le monde. Clairement, Lisieux a toujours l'intention d'envoyer de malicieux clins-d'œil à l'imagerie médiévale et catholique (« Lys Noirs », « Haut-Beffroi ») tout en ancrant bien plus une affiliation à l'extrême inverse de ce qui pourrait être attendu. Le mot d'ordre : briser les chaînes. C'est d'ailleurs ce que semble raconter la pochette réalisée par Hugo, membre originel aux côtés de Cindy. A contre-courant, c'est bien la ligne directrice de ce deuxième album qui reprend de nombreux codes, tant esthétiques pour les détourner que musicaux pour mieux les fracasser.

La vibe neofolk, guitare acoustique surmontée de lignes vocales simples sur une rythmique martiale, le groupe l'avait déjà bien exploitée avec Psalms of Dereliction, bien que déjà à leur manière. Ici, on la retrouve parfois, toujours aussi pertinente (« Lys Noirs » et son chant qui coule comme du miel, « Abide! » et son crescendo mémorable, le refrain fédérateur de « Chant de Fer »). La nouveauté, c'est toutefois la tendance électronique, avec l'ajout de nombreuses pistes de synthés qui sortent violemment le projet de la case dark folk basique. Du solennel « The Wake » au délicat « Herb Harp », le panel est large. Les références aux scènes des années 80 sont évidentes (origines de la dark folk et neofolk, dream pop, post-punk) avec un crochet par le revival folk seventies, tandis que les sonorités d'orgue, dans une approche moderne et atmosphérique, me rappellent les piliers Menace Ruine et Anna von Hausswolff.

L'atout principal, le chant de Cindy est quand même toujours justement dosé. C'est quand même elle qui m'a prouvé que j'avais tort lorsque je croyais que seules les voix masculines avaient leur place dans cette musique. Malgré mon envie toujours présente de voir plus de femmes dans les scènes qui me sont chères, je n'arrivais malheureusement pas à trouver de chant féminin pertinent dans celle-ci. Perdue au milieu des lignes pseudo-lyriques qu'on trouve parfois pour contrebalancer, en duo, les chants graves masculins, la voix assurée de Cindy se distingue. Son timbre, sa technique tout comme les textes qu'elle véhicule donnent une véritable identité à Lisieux.

Un tel pas a été sauté, avec Abide!, que lors de ma première écoute je me suis dit que je n'arriverais pas à chroniquer l'album tant il ne m'a pas plu. C'est bien la première fois que cela m'arrive : la tendance s'est immédiatement inversée lors de la seconde écoute où est venu, cette fois-ci, le coup de cœur. Bien que le dernier titre, « Inner Hero » qui sonne littéralement comme un générique de dessin animé, ne me plaise toujours pas, j'ai largement trouvé mon compte dans les huit autres titres. Mention spéciale à « Déluge » dont la construction m'apparaît absolument parfaite et dont l'éraillement de la voix masculine de Matthias (Fange/Throatruiner Records) qui vient s'ajouter me déchire à chaque fois.


Tracklist :
1. Révolution
2. Lys Noirs
3. Déluge
4. Herb Harp
5. Abide!
6. The Wake
7. Chant de Fer
8. Haut-Beffroi
9. Inner Hero