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vendredi 18 novembre 2022

Opeth + Voivod @Paris

Salle Pleyel - Paris

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

En ce mercredi 16 novembre, la météo a enfin cessé son étrange jeu de girouette auquel elle s’adonnait depuis ce début d’année. C’est donc sous un temps très automnal que nous nous rendons au concert de ce soir. De la pluie, un ciel opaque, cela colle parfaitement avec l’univers d’un groupe comme Opeth. Le Trianon en 2015 et 2016, l’Olympia en 2019, et maintenant la prestigieuse salle Pleyel. Chaque année qui passe, la jauge et le prestige de la salle qui les accueille pour l’étape parisienne de leur tournée ne font que croître. Et ce, malgré une nouvelle période stylistique qui, si elle n’est plus vraiment sujette aux injures et au mépris généralisé, a tout de même laissé bon nombre d’amateurs des Suédois sur le carreau depuis une décennie.

Heureusement pour eux, cette tournée, mise en place pour fêter les 30 ans du groupe, sera l’occasion d’entendre une setlist avec un titre de chaque album, en fonction d’un vote effectué par les fans parmi plusieurs propositions par disque. De quoi satisfaire tout le monde et permettre de déterrer des vieilles raretés ? Ou bien illustration d’un fan service biaisant totalement l’aspect aléatoire d’une démarche « by request » ? Réponse d’ici trois heures, après avoir passé les portes et s’être émerveillé devant la beauté de la salle.

 

Voivod

Varulven : Salle longtemps dédiée à la « grande musique » oblige, un grande partie de la fosse de Pleyel est composée de places assises inamovibles. C’est donc avec une légère déception que je vais m’asseoir à ma place pour assister à un concert de techno thrash old school. Car oui, ce sont les Québécois de Voivod qui investissent la scène pour assurer la première partie. Si j’apprécie globalement le groupe, j’avoue avoir une connaissance assez légère de leur vaste discographie, se résumant à la période thrash technique de Killing Technology/Dimension Hatröss puis aux relents les plus metal/rock prog et expérimentaux de The Outer Limits et du dernier album.

C’est justement cette facette-ci qui sera mise en avant dans les huit morceaux joués ce soir. Alors oui, comme prévu avec Voivod, c’est difficile de trouver une facilité d’accroche, voire de compréhension de la musique jouée. Mes autres collègues de Horns Up en seront d’ailleurs vite fatigués (doux euphémisme). Mais pour ma part, je suis complètement pris dans l’enchevêtrement de riffs déstructurés et dissonants. Je suis ébloui par la propreté et la technique du guitariste Daniel Mongrain. Et je suis, malgré leur côté perfectible, assez réceptif aux lignes de chants et au jeu de scène de Denis Bélanger. Certes, ses mimiques et sa démarche de canard boiteux alcoolique peuvent être perçues comme à côté de la plaque, voire complètement gênantes. Je trouve personnellement qu’elles font sens en étant intégrées dans une musique aussi décousue et étrange.

Il en est de même pour les lignes vocales, souvent proches de la rupture, mais dont l’aspect nasillard m’évoque très naturellement la même couleur industrielle qu’une voix de robot. Et je crois que c’est ce qui me séduit le plus chez Voivod, sur album comme sur scène. Réussir à créer une musique qui évoque un monde déshumanisé, froid et futuriste en étant économes sur les artifices employés. C’est naturel, rockn’roll et cela fait du bien. Surtout dans une ère d’ultradémocratisation du metal technique et prog, joué par une ribambelle de groupes death technique voccodés aux pistes de guitares abusivement éditées, aux batteries surtriggées et aux productions recalées plastiques aussi organiques que des machines à coudre. C'est donc après une reprise de Pink Floyd à l'atmosphère Sci-Fi très prononcée que Voivod tire sa révérence. Parti sceptique et inquiet, j'en suis ressorti conquis et curieux de les revoir dans une configuration plus adaptée à une proximité avec les gens. 

Setlist :
1. Experiment
2. The Unknown Knows
3. Synchro Anarchy
4. Holographic Thinking
5. The Prow
6. Planet Eaters
7. Fix My Heart
8. Astronomy Domine (Pink Floyd cover)

 

Opeth

Circé : Il est vite l'heure d'accueillir Opeth sur scène pour cette tournée anniversaire avec une setlist “by request”. Un bon vieux Google form avait circulé il y a maintenant un bon moment, vu les deux ans de report de la tournée, sur laquelle chacun.e pouvait choisir entre trois morceaux pré-sélectionnés de chaque album. Le concert doit donc se composer d'un morceau de chaque album, un peu comme cela avait été le cas lors de la tournée anniversaire des XX ans, Blackwater Park en entier en moins. Il faut dire que le nombre d'albums sortis depuis promettait déjà un set bien rempli.

Une partie de moi osait espérer une vraie setlist de morceaux rares, l'autre partie de mon cerveau me rappelant que la masse est la masse, et qu'elle veut toujours entendre les mêmes tubes. Dure réalité confirmée dès les premières secondes, puisque c'est sur « Ghost of Perdition » que les Suédois entament les hostilités et sur « Deliverance » qu'ils les concluent. Etant beaucoup trop amoureuse du groupe et ne les ayant pas encore assez vus pour en être vraiment blasée, j'ai moins à me plaindre que celles et ceux les ayant déjà vus des dizaines de fois. Mais face à l'opportunité d'un concert anniversaire, occasion rare censée offrir des moments un peu spéciaux, je ne peux pas m'empêcher de rester sur ma faim en pensant à tous les merveilleux morceaux de Ghost Reveries et Delivrance auxquels on aurait pu avoir droit. Une vraie tournée de B-sides, laissez-moi donc un peu rêver.

Opeth nous réserve tout de même de belles surprises : le teasing de « Black Rose Immortal », qu'on préfèrait prendre avec des pincettes vu la tendance au trolling de Michael Åkerfeldt, se révèle être véritable. Les Suédois nous balancent ces vingt minutes témoignant des premiers essais prog extrême du compositeur, qui en plaisante d'ailleurs en nous racontant son obsession pour la longueur du morceau lors de son écriture, tout en faisant un petit name-drop de ses influences. Outre la joie d'entendre ce fameux riff initial, il est intéressant de se plonger dans ces vieux morceaux à côté des nouveaux. « Black Rose Immortal » a ses imperfections, on sent encore la composition hésitante sur les transitions entre les différentes parties donnant cet effet un peu raccommodé entre elles... Mais à aucun moment le morceau ne traîne en longueur, proposant des idées toujours plus intéressantes mêlant chant clair et chant guttural, empruntant au death comme au black le plus épique pour ses riffs avec cette patte progressive pour lier le tout. « Black Rose Immortal » tient toujours fortement bien la route, nous emmenant de passages pour headbang à des plages mélodiques pleines de contemplation. Le groupe a d'ailleurs décidé de ne pas jouer les morceaux dans l'ordre chronologique, ce qui donne au concert un côté un peu décousu, dans le sens où l'on passe de ballades purement prog des derniers albums aux morceaux les plus death metal du début de carrière. La confrontation est plus directe, plus déroutante, que de se plonger dans l'évolution du style du groupe album par album. Mais cela donne clairement un concert vivant au rythme changeant, qui leur permet de jouer bon nombre de morceaux calmes sans perdre les fans de la première heure, la transition directe « Black Rose Immortal » / « Burden » est un exemple frappant s'il en est. « Burden » fait d'ailleurs partie des autres bonnes surprises de cette setlist. Les rires et éclats de joie se font aussi bien entendre dans le public lorsque les Suédois nous offrent « The Moor », Still Life étant très rarement joué ces derniers temps, « Windowpane » et bien sûr « Harvest » de Blackwater Park. Je n'ai pas retenu mes larmes ni mon chant sûrement très faux sur ce dernier titre, et je suis loin d'être la seule. Un choix des morceaux pour une bonne moitié prévisible donc, mais complètement jouissif pour l'autre. Quel bonheur de vivre enfin en live ces morceaux !

Malgré la taille de la salle, il y a quelque chose d'intime dans le set d'Opeth, sûrement dû à l'occasion spéciale et au parterre clairement rempli de fans connaisseurs. Tout le set-up donne également un show extrêmement immersif, que ce soit par les deux grandes “marches” donnant de la profondeur à la scène et surélevant les claviers et la batterie, les superbes jeux de lumières ou le grand écran proposant des projections plus ou moins abstraites, des paysages, des clips ou des aplats de couleurs psychédéliques. Opeth n'abuse pas de cette dimension cinématographique, mais elle apporte dans le même temps clairement un aspect grandiose ; je pense en particulier à « Allting Tar Slutt » du dernier album, où la vue de la planète Terre qui s'éloigne peu à peu renforce le côté fantastique du morceau. Le groupe expérimente d'ailleurs un canon sur la fin entre Michael et Fredrik qui fonctionne super bien. C'est la troisième fois que je vois Opeth depuis la sortie d'In Cauda Venenum, et ce morceau semble en voie de devenir un des réguliers des setlists, à mon grand plaisir.

Outre la célébration, cette tournée est aussi l'occasion de découvrir Waltteri Väyrynen, nouveau batteur du groupe après le départ de Martin Axenrot en fin d'année dernière. Après avoir tourné en 2022 avec Sami Karppinen, batteur de Therion, il semblerait que le groupe se soit fixé sur un autre finnois comme nouveau batteur à temps plein. Passé par Bloodbath, Paradise Lost et quelques gros noms de la scène finlandaise à même pas 30 ans, on n'y perd franchement pas trop au change. Il fait particulièrement bien ses preuves en live et semble s'être vite approprié les morceaux, autant à l'aise sur les parties les plus violentes et chaotiques d'un « Demon of the Fall » ou « Under the Weeping Moon » que sur les rythmiques jazzy / rock prog des derniers albums. Et à en juger par son sourire, il a l'air tout aussi heureux que nous d'être là. On peut en dire de même pour les autres membres du groupe, et Michael nous abreuve de ses habituelles demi-vannes délivrées d'un ton toujours aussi égal. Il oublie par contre sa traditionnelle présentation des membres du groupe, mais nous offre dans sa grande générosité une sublime cover de « You Suffer » de Napalm Death à la demande de certains membres fort vocaux du public (un concert by request jusqu'au bout, dîtes donc).

Après un final très prévisible sur « Deliverance », les plus de 2h de jeu auront semblé bien trop courtes mais bien riches en émotion. Opeth est plus carré que jamais, que ce soit au niveau du son ou de l'exécution musicale, sans en perdre en chaleur humaine et communication avec le public. Un sans faute, si on oublie le côté fort prévisible d'une partie de la setlist ; quel dommage que les fans ne se soient pas aventurés à demander des titres plus rares. Est-ce possible de ressortir encore plus fan de mon groupe favori que je ne l'étais déjà en entrant ? C'est peut être bien le cas.

Setlist :
1. Ghost of Perdition
2. Demon of the Fall
3. Eternal Rains Will Come
4. Under the Weeping Moon
5. Windowpane
6. Harvest
7. Black Rose Immortal
8. Burden
9. The Moor
10. The Devil's Orchard
11. Allting tar slut
12. Sorceress
13. You Suffer (Napalm Death cover)
14. Deliverance

Nos remerciements aux groupes et à Garmonbozia, pour l'invitation et le pass photo.

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