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Album

16 juin 2022 - ZSK

Carpenter Brut

Leather Terror

LabelNo Quarter Prod
styleSynthwave-Electro-Rock-Indus
formatAlbum
paysFrance
sortieavril 2022
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Si vous êtes devenu un amateur de Synthwave depuis le boom soudain du genre il y a quelques années, vous vous êtes forcément penchés sur le duo référentiel et infernal du genre : Perturbator et Carpenter Brut. Cocorico, nos deux projets français sont vite devenus les porte-étendards du style. Même s’ils ont chacun suivi leur propre voie et leur propre évolution. Perturbator a enchaîné les albums dans un style plus dark, quitte à finir volontairement dans l’« anti-Synthwave » pour Lustful Sacraments (2021), album plus épuré et gothique qui en a laissé plus d’un sur le carreau après les bombes Synthwave qu’avaient été Dangerous Days (2014) et The Uncanny Valley (2016). Malgré tout, James Kent avait livré pour moi un potentiel chef-d’œuvre qui mérite plus d’attention mais passons. Carpenter Brut, de son côté, livrait quelque chose de plus tubesque, étalé d’abord sur 3 EPs sortis entre 2012 et 2015, avec déjà quelques morceaux cultes ("Le Perv", "Turbo Killer"...), et une imagerie assez travaillée qui lui a permis de collaborer avec le monde du cinéma indépendant (notamment le fameux Seth Ickerman). Un premier véritable album s’était alors fait attendre et c’est ainsi que le très conceptuel Leather Teeth déboulait en 2018. Avec son imagerie de films d’horreur du siècle passé, nous contant l’histoire du rockeur Leather, Carpenter Brut posait vraiment un univers particulier. Mais suivant l’enthousiasme des 3 premiers EPs (regroupés sur Trilogy en 2015), Leather Teeth ne m’avait pas convaincu. Encore trop calqué sur une Synthwave assez « puriste » notamment dans la forme, le projet du producteur Franck Hueso (Hacride, Klone, Yorblind…) devait encore creuser sa personnalité malgré la présence d’une identité visuelle forte, et faire exploser son plein potentiel (notamment sur la base de l’exceptionnel "Inferno Galore"). 4 ans plus tard, il est temps que Carpenter Brut montre, en studio, ce dont il est réellement capable. Même si les fans, à l’instar du virage de Perturbator, ont du passer par quelques doutes, notamment dès la parution du single assez… doux ? qu’était "Fab Tool" en 2020. Synthwave Is Dead, chez Carpenter Brut aussi alors ?

"Fab Tool" ne fait finalement pas partie de Leather Terror, album qui comme on pouvait s’en douter suit l’« histoire » de Leather Teeth, tel une séquelle ou ce qu’on appelait il fut un temps un « 2 ». Et Carpenter Brut va donc repartir sur d’autres bases. Celle d’une Synthwave qui, cette fois, va vivre avec son temps et de la plus belle des manières. Et s’élargir un peu à d’autres horizons. Là aussi, à l’instar de Perturbator, vers quelque chose de plus épuré ? Non, Carpenter Brut garde son aura résolument plus tubesque mais va l’exprimer autrement, avec plus d’influences, plus de modernité, plus de variété. A tel point que là aussi, on s’éloigne parfois de la pure Synthwave pour pencher vers d’autres courants Electro, presque Electro-Indus et même un peu « Rock » (on croirait entendre des guitares, mais rien n’est crédité comme tel ici). On reconnaîtra toujours le touché « synth » de Carpenter Brut, mais force est de reconnaître qu’il s’est bien étoffé. Et dès "Straight Outta Hell", on constatera aussi qu’il est ici particulièrement offensif, pour plaire encore plus au public metalleux diront certains mais peu importe, ça fonctionne à mort et on sent surtout que Franck est inspiré comme jamais. Leather Terror est donc fin prêt à enchaîner les pépites, plutôt que les « tubes » car ici, Carpenter Brut ne va jamais faire deux fois la même chose ou quand il va le faire, c’est pour mettre en place une certaine continuité. D’ailleurs, il y a aura ici pas mal de chant, sur la moitié des titres tout simplement, et par des invités de renom en plus. On commence déjà par le single iconique "The Widow Maker" avec Alex de Gunship, qui est vraiment tout le symbole du Carpenter Brut v.2022, frais et renouvelé, moderne et grandiose, efficace et classieux. Puis l’autre single "Imaginary Fire" avec Greg Puciato (The Dillinger Escape Plan), où il y a déjà un petit virage vers quelque chose de plus Rock-Indus en mode gros blockbuster, avec des synthés à nouveau très agressifs, mais une structure résolument tubesque. Deux singles qui résument déjà bien un Carpenter Brut qui s’est laissé porter par un vent de nouveauté et qui est en pleine réussite dès ce premier essai de déviation de la pure Synthwave. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises car Leather Terror est un film plein de rebondissements, comme les années 80 et 90 savaient nous en offrir…

Mais les fondamentaux ne sont pas perdus pour autant, et sur ses vieilles bases, Carpenter Brut continue à exceller. C’est bien simple, l’enchaînement des classiques "Day Stalker"-"Night Prowler" cartonne tellement qu’ils enfoncent à eux seuls une bonne partie du précédent album, dans la lignée de l’excellent "Inferno Galore". C’est dire que Carpenter est inspiré ! Et enchaîne ensuite avec la grosse surprise du disque qu’est "Lipstick Masquerade", un morceau… Electro-Disco qui est juste un banger absolu, porté par la chanteuse Persha. Et après ce voyage dans le passé, retour vers le futur avec une fin d’album où Carpenter Brut va continuer d’explorer de nouveaux horizons, à commencer par "Color Me Blood" qui prend des accents davantage Electro-Indus que Synthwave, avec pas mal de réussite. Cela nous amène doucement à la conclusion de Leather Terror qui se fera par 3 pistes se suivant sans interruption tel un chapitre final. Il est introduit par le plus atmosphérique "Stabat Mater" accompagné par les vocaux de Sylvaine, passe par "Paradisi Gloria" qui lui aussi joue sur un pont subtil entre Synthwave et Electro-Indus ; avant de se finir en fanfare sur le très percutant morceau-titre, avec les synthés les plus « gras » et « Metal » du disque et l’intervention d’un dernier guest inattendu, Jonka de Tribulation. Le générique de fin peut passer sous les applaudissements du public, Carpenter Brut a livré un grand film, passionnant et avec un script rempli de twists. Après un Leather Teeth qui ne s’éloignait pas trop des bases du genre, on ne s’attendait pas à ça, mais 4 ans de production après, Carpenter Brut a largement progressé et livre un album digne de son grand potentiel. Il peut encore faire mieux et l’œuvre actuelle est parfois quelque peu inégale (j’avoue systématiquement zapper le très posé "…Good Night, Goodbye" malgré sa belle atmosphère et l’intervention de Garm - invité rescapé de Leather Teeth - pour conserver l’intensité du reste), mais le travail d’ensemble est très riche, plein d’influences inattendues et donc de perspectives intéressantes. Si Perturbator est passé dans un délire plus intimiste, Carpenter Brut lui prend le contrepied en livrant quelque chose de bien plus flamboyant. Chacun son trip mais les deux sont réussis, et le duo franco-français de Synthwave a su dépoussiérer le genre bien vite, chacun à sa manière. Savourons donc cette baffe qu’est Leather Terror et préparons le pop-corn en attendant le « 3 » !

 

Tracklist de Leather Terror :

1. Opening Title (2:08)
2. Straight Outta Hell (3:21)
3. The Widow Maker (3:55)
4. Imaginary Fire (4:21)
5. …Good Night, Goodbye (4:11)
6. Day Stalker (3:44)
7. Night Prowler (2:59)
8. Lipstick Masquerade (4:11)
9. Color Me Blood (3:39)
10. Stabat Mater (4:11)
11. Paradisi Gloria (4:05)
12. Leather Terror (4:13)