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« Créer un Netflix du metal : » The Pit voit les choses en grand

jeudi 28 octobre 2021
Pingouin

Death metal et science-fiction : une oreille dans les étoiles, une autre dans les enfers.

Vous avez peut-être vu passer une pub sur Facebook ou reçu des messages d’ami-es intrigué-es par cette nouvelle plateforme de VOD dédiée à l’audiovisuel metal français. Coup d’épée dans l’eau ou petite révolution ? J'ai posé quelques questions à Jean Vilgrain, le fondateur de la plateforme.

« Ce que je voudrais, c’est créer un Netflix du metal, mais au niveau mondial. » Et avec The Pit, l’entrepreneur de 35 ans s’en donne les moyens. Il reste vague sur les investissements de départ mais évoque une première levée de fonds de 350 000 euros il y a quelques mois. En plus de 11 000 euros récoltés également via un financement participatif grâce à 252 contributions sur Ulule.

Derrière The Pit, le spectre d'Une Dose 2 Metal

Dans l'audiovisuel et la VOD, Jean Vilgrain n'est pas un lapin de six semaines. A l’époque de l’Énorme TV (aujourd’hui ça s’appelle l’Enorme, et si j’en avais quelque chose à faire je serais bien en peine de vous expliquer ce que devient cette chaîne), il est le community manager de l’émission Une Dose 2 Metal, la seule véritable case metal du PAF au début des années 2010. L’émission périclite, de même qu’une partie de la télévision française. Après quoi Jean Vilgrain a toujours gardé l’envie « de refaire un projet autour du metal, mais plus avec des usages digitaux modernes, pas forcément avec une émission télé. » Et comme il a les droits sur la page Facebook d’Une Dose 2 Metal, et qu’il s’y connaît en VOD, il renomme la page au moment de monter sa boîte. Aujourd'hui The Pit Edition c'est Jean Vilgrain à la barre et deux salariés pour faire tourner la plateforme.

Le 14 octobre, la plateforme est mise en ligne. Avec un catalogue initial fort d’une soixantaine de productions. Il y a des documentaires produits il y a plusieurs années par Une Dose 2 Metal, récupérés gratuitement par la plateforme. Des contenus de Maxwell, qui à l’époque a aussi filé des coups de mains sur des tournages d’Une Dose 2 Metal. Le reste des productions sont des live, des making-of, des reportages achetés auprès d’ayants-droits : la plateforme Spicee, Century ou Universal.

Le tout disponible sur abonnement mensuel, pour la maudite somme de 6 euros par mois, ou de 66,6 euros par an. Dans la fourchette de ce que propose Amazon Prime, quelques euros en-dessous de l’abonnement Netflix. Pour l'instant ça fait cher, mais la plateforme prévoit de mettre en ligne deux à trois contenus chaque semaine pour ses premiers mois.

En partenariat avec Séquence Prod et le CNC, Jean Vilgrain travaille également sur des productions originales. « On essaye de créer une série de documentaires autour des groupes français, on va être plus sur la scène moderne autour de Betraying the Martyrs ou Rise of the North Star. » Des noms plutôt classiques dans le metal français. « On essaye de créer soit des reportages qui vont suivre le groupe en tournée, soit de faire un documentaire sur la création d’un nouvel album, par exemple de Betraying the Martyrs. » 

Le metal vient chercher son chèque

Sur la ligne éditoriale, le chef d’entreprise botte à moitié en touche (« on n’est pas un média à proprement parler »), avant de préciser sa vision des choses. Jean Vilgrain veut attirer des abonnés sur sa plateforme, et dans son business-plan il se heurte à un obstacle, il le dit sans prétention : son public-cible.« Le metal est un style tellement segmenté entre chapelles, ç’a été une grosse problématique en termes de direction artistique, entre le fan de black, de glam, de néo de death, tout le monde peut s’apprécier mais tout le monde peut aussi s’envoyer des fions. » La passion, le maillot, tout ça. Résultat des courses, il opte pour une DA sombre et sobre, qui accompagne un projet éditorial metal, mais généraliste. Il prend l’exemple de son père, fan « d’AC/DC, Deep Purple, Led Zeppelin, » mais « pas un fan de metal à proprement parler, pour lui c’est trop violent. Ce que je voulais c’est que ces gens-là, dans un an ou deux on puisse les séduire, en mettant des docus qui soient pas forcément axés metal. »

Le projet éditorial, il l’affinera plus tard. Ce qui a surtout préoccupé Jean Vilgrain, c’est son modèle économique. « C’est pas parce que c’est du metal qu’il faut faire les choses en amateur, pas dans le côté qualité du travail, mais je voulais faire un projet qui soit pro, avec des ambitions internationales et qui soient portées sur le metal, parce que je pense que le metal mérite ça. » Les fans méritent mieux, les artistes et les créateur-ices de contenus aussi. « Je pense qu’on est arrivé à un boulevard dans les usages digitaux aujourd’hui, où les gens se rendent compte que YouTube, Twitch, ce sont pas des outils qui sont forcément rentables, c’est pour ça qu’il y a autant de plateformes SVOD qui se montent. » Avoir un salaire dès le premier jour ou attendre d’avoir 500 000 abonnés pour payer son loyer, le choix est fait chez The Pit. 

Avec des ambitions pareilles, le plafond est haut. Jean Vilgrain vise 10 000 abonnés d’ici un an. Il est convaincu que c’est jouable, le financement participatif et le bouche-à-oreille ont déjà apporté près de 400 abonnés à la plateforme. L’avenir, The Pit le voit en grand et sur abonnement.