Chronique Retour

Album

13 avril 2021 - ZSK

Mānbryne

Heilsweg: O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy

LabelMalignant Voices / Terratur Possessions
styleBlack Metal
formatAlbum
paysPologne
sortieavril 2021
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Il y a un peu plus d’un an sortait The Harrowing Of Hearts, le cinquième album de Blaze Of Perdition où le groupe polonais, parti d’un Black/Death orthodoxe et intense, faisait un pas dans la direction de Tribulation et consorts avec un disque aux accents « gothiques ». Pas de nouvel album du collectif blessé et meurtri ici, mais nous allons avoir le droit à un petit retour en arrière et à une forme de fondamentaux avec ce premier opus de Mānbryne. Qui est tout simplement le side-project de Sonneillon, chanteur de Blaze Of Perdition, où il est accompagné de son bassiste Live, Wyrd, ainsi que du batteur Priest (Massemord, Odraza, Voidhanger) et d’un certain Renz aux guitares. Co-signé par Malignant Voices (pour les CDs) et Terratur Possessions (pour les LPs), ce projet qui existe depuis 2017 voit donc réellement le jour directement avec ce premier méfait. Heilsweg: O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy nous promet évidemment du Metal 100% polonais. Qui sera, sans surprise, pas si éloigné de Blaze Of Perdition, le chant possédé si particulier de Sonneillon étant bien sûr là pour appuyer cette affirmation. Bien évidemment aussi, il ne va pas être question ici de poursuivre les aspirations « gothiques » de The Harrowing Of Hearts, mais bien de revenir à un Black/Death autrement plus classique aux accents forcément orthodoxes. Est-ce que cela annonce que Mānbryne sera le refuge extrême de Blaze Of Perdition qui va définitivement prendre un virage gothique, seul l’avenir nous le dira. Pour l’instant, Blaze Of Perdition est Blaze Of Perdition et Mānbryne est Mānbryne, même si les deux formations sont liées par leur line-up et leur style reconnaissable. 5 morceaux et 41 minutes pour faire le pont entre la période Towards The Blaze Of Perdition/The Hierophant et Near Death Revelations/Conscious Darkness de Blaze Of Perdition, c’est le raccourci facile mais évident que l’on peut faire de Heilsweg, pour le plus grand bonheur des amateurs d’une des nombreuses sous-branches du Black-Metal polonais.

Un long sample ouvre l’album avec "Pustka, Którą Znam" - tiré du film « Les Diables » de Ken Russell mais l’album est dédié à la mémoire de l’acteur Max Von Sydow - et l’on se retrouve déjà dans une ambiance forcément BM orthodoxe. Avant qu’un mur de blasts et de trémolos ne nous accueille et lance Mānbryne sur un registre Metal attendu. Sans surprise, Heilsweg déroule dès ces premiers instants un Black-Metal assez intense, porté par la voix toujours délicieusement possédée de Sonneillon, et proposant directement un souffle plutôt épique assuré par un paysage malgré tout assez mélodique, relevé ici et là par quelques envolées de leads. Sans pour autant partir dans une atmosphère de messe noire qui serait cliché au possible, Mānbryne assure, sans réinventer la poudre, avec une certaine classe et suffisamment de verve et d’inspiration pour entraîner son auditoire. Il sait aussi bien gérer ses transitions vu que "W Pogoni Za Wiarą" s’ouvre avec une splendide introduction acoustique, dont le schéma reviendra lors de beaux breaks s’installant entre deux séances de blasts et d’incantations vocales dont Sonneillon a le secret, de même que les incantations mélodiques du duo Wyrd/Renz. "Ostatni Splot" poursuit le périple occulte de Mānbryne avec toujours quelques compos bien senties et des passages vocaux assez impressionnants, avec une nouvelle fois une transition formidable pour finir (j’ai même cru reconnaître les notes du thème des Skywalker, ce qui serait assez osé si ça serait vraiment le cas mais j’en doute). Malgré tout, la recette de Mānbryne est il est vrai assez attendue, et sachant qu’aucun des 5 morceaux de Heilsweg ne passe sous la barre des 7 minutes, on pourra peut-être trouver le temps long. Mais l’inspiration est bien là, et "Majestat Upadku" est un morceau particulièrement épique et réussi, avec un ensemble de mélodies très prenantes et même quelques passages plus terreux et « groovy » assez surprenants et bien amenés. Mānbryne récite les écrits d’un certain Black-Metal avec une grande rigueur, froide et immuable, mais il tient parfaitement son office.

Le revers de la médaille, c’est qu’on fait tout de même vite le tour de cet Heilsweg, que l’on connaisse la discographie de Blaze Of Perdition sur le bout des doigts, que l’on trempe dans la scène polonaise que ça soit du versant Mgła/Kriegsmaschine qui a le vent en poupe ou d’un versant plus cru, ou même que l’on soit un fin explorateur de toutes les orthodoxeries en pagaille. Mānbryne relève un peu l’ensemble en clôturant Heilsweg par un "Na Trupa Trup" plus offensif, aux compos plus râpeuses et mordantes et aux blasts terrassants, mais qui laisse toujours échapper ces fumerolles mélodiques. Sans atteindre l’intensité de Near Death Revelations de Blaze Of Perdition - album qui restera probablement intouchable et qui sera à jamais unique au vu de son contexte, Heilsweg fait le job dans un registre peut-être plus « aéré ». Difficile de savoir quel public trouvera Mānbryne au-delà de ceux qui l’ont découvert lorsqu’il a été forcément présenté par les réseaux de Blaze Of Perdition, mais Heilsweg est un album qui mérite un minimum le détour par son application, en plus de sa forme irréprochable. Il y a eu des dizaines et des dizaines d’album du même genre plus ou moins réussis, ce premier opus de Mānbryne s’en sort bien, surtout par le biais de la performance encore très remarquable de son vocaliste Sonneillon, sans révolutionner aucunement le genre. Il ne faut donc rien rechercher d’autre qu’un bon album de Black-Metal polonais tendance orthodoxe, parfois furieux, souvent mélodique, toujours possédé. Qu’impliquera le plus « classique » Mānbryne, s’il est un projet pérenne plutôt qu’un one-shot, pour la suite de la carrière et la direction musicale de Blaze Of Perdition, nous n’avons pas encore la réponse (peut-être rien après tout ?) mais nul doute qu’on en saura plus bientôt. En attendant, voilà de quoi contenter les amateurs de la scène polonaise. Qui, s’ils cherchent plus original, peuvent aussi guetter le premier album de Angrrsth dont on va reparler très bientôt dans ce mois d’avril marqué par la bannière blanche et rouge…

 

Tracklist de Heilsweg: O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy :

1. Pustka, Którą Znam (8:46)
2. W Pogoni Aa Wiarą (8:13)
3. Ostatni Splot (7:00)
4. Majestat Upadku (9:22)
5. Na Trupa Trup (8:01)