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Album

31 mars 2021 - ZSK

Autarkh

Form In Motion

LabelSeason of Mist
styleMath-Metal extrême
formatAlbum
paysPays-Bas
sortiemars 2021
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Venu du cœur des Pays-Bas, Dodecahedron était un groupe très prometteur dans le registre du Black-Metal complexe et chaotique. « Était » car après deux albums, Dodecahedron (2012) et Kwintessens (2017), l’aventure s’est déjà arrêtée. Notamment après le malheureux décès de leur chanteur Michiel Eikenaar en 2019, bien que ce dernier n’était plus dans le groupe passé Kwintessens. Mais une partie de l’âme de Dodecahedron s’est éteinte avec lui, assurément. Le groupe subsistant entamera donc une transformation, qui aboutira à la création d’une nouvelle entité, Autarkh. Même si cette nouvelle formation semble assumer la filiation et même la suite de Dodecahedron, les choses seront quand même assez différentes. Les deux seuls membres restants seront les deux guitaristes Michel Nienhuis et Joris Bonis (également chez Ulsect), accompagnés de David Luiten (Extremities, Inferum) et Tijnn Verbruggen qui va se charger des sons « synthétiques ». Restant chez Season of Mist, Autarkh va donc, à sa manière, assurer l’héritage et la continuité de Dodecahedron. Mais pas forcément de la manière dont on pouvait s’attendre. Après l’intro ambiante "Primitive Constructs", "Turbulence" lance les hostilités de Form In Motion avec des trémolos furieux qui nous placent directement dans la lignée du Black chaotique de Dodecahedron. Mais de suite, les compos vont changer un peu de ton et vont finir de complexifier les choses. C’est bien simple pourtant. Si dans cette galaxie néerlandaise, Dodecahedron était le groupe de « Black » et Ulsect le groupe de « Death », Autarkh lui sera maintenant le groupe disons « moderne ». Season of Mist nous présente la formation comme faisant du « Contemporary Extreme Metal » et c’est une étiquette plutôt pertinente. Car Autarkh a finalement pas mal de caractéristiques propres et particulières qui vont faire de lui un groupe plus singulier et personnel qu’il n’y paraît.

Déjà, notons que le groupe… n’a pas de batteur, Joris Bonis et Tijnn Verbruggen se chargeant de pas mal de programmation. Cela va donner un côté résolument synthétique, et totalement assumé, à la musique de Autarkh. Si quelques relents électroniques à base de glitch/drum’n’bass peuvent apparaître en toile de fond, Autarkh reste quand même ancré dans un Metal extrême relativement complexe, même si le groupe fait le choix de l’accroche et de l’efficacité, la plupart des morceaux bien que longs comportant d’ailleurs de véritables refrains. Passé le départ tambour battant et blackisant de "Turbulence", Autarkh dévoile alors sa vraie nature et ses autres influences en alourdissant ses guitares, et en les accompagnant d’un chant déclamé et vindicatif, qui se fait plus aigu et élancé sur ces fameux refrains. On frôle donc plutôt une forme de « Math-Metal », avec quelques fulgurances et passages blastés qui maintiennent un lien avec un Metal forcément extrême. Et d’ailleurs dès "Cyclic Terror", on est presque en plein dans du Meshuggah. Avec des moments de folie et un fond électro-bruitiste, mais ce n’est plus vraiment ou même plus du tout du Dodecahedron. Même des leads dissonants à la Thordendal font leur apparition ! Rien d’étonnant finalement quand on sait que Extremities, le groupe de David Luiten, donne dans du Math-Metal à la Textures. On se retrouve donc avec du Meshuggah entre Chaosphere et Nothing avec des relents extrêmes, et un chant ici très halluciné. C’est ainsi que va se poser Autarkh sur Form In Motion, même s’il est vrai que "Cyclic Terror" est assurément le morceau le plus Meshuggesque de l’album. Après un nouvel interlude bruitiste, "Impasse", on embrayera déjà sur ce qui est une des sensations de Form In Motion, l’énormissime "Introspectrum". Entre des compos Math-Metal vraiment jouissives, un chant vraiment entraînant (que ça soit pour des couplets mystiques ou pour un refrain enjoué) et une ambiance sombre et aliénante à souhait, c’est une merveille et cela montre vraiment toute l’originalité et les talents d’Autarkh.

Le très froid et solide single "Lost to Sight", englobé dans une atmosphère lourde et inquiétante et encore porté par des vocaux inimitables ; le pétaradant "Clouded Aura" avec ses « blasts » assourdissants et un Nienhuis qui donne tout ce qui reste de sa voix ; et le plus lumineux mais toujours possédé "Alignment" qui fait la part belle aux effets électroniques, complètent le riche tableau de ce Form In Motion. On peut lui reprocher de petites longueurs, un côté brouillon dans le son quand les éléments « synthétiques » s’emballent, les interludes peut-être dispensables de même que certains pans de la musique qui ne feront pas l’unanimité (le chant tout de même particulier, les emprunts plus ou moins évidents à Meshuggah), mais ce premier album d’Autarkh constitue tout de même une belle performance. On s’attendait à avoir affaire en quelque sorte à un simple troisième album de Dodecahedron sous un autre nom, mais c’est bien quelque chose de différent qui nous est concocté par Michel Nienhuis et consorts. Et quelque chose qui sort quand même des sentiers battus, à tel point qu’il donne un sacré fouillis quand il s’agit d’étiqueter la bête (je vois un peu partout poper de l’« Industrial Metal », ce qui pour moi est totalement hors de propos). Autarkh révolutionne donc la galaxie Dodecahedron/Ulsect en proposant une autre approche, mais aussi un pan du Metal contemporain qui trouve ici un album qui ne ressemble à aucun autre. Et rien que ça, c’est déjà à saluer. Sorte de Math-Metal extrême qui utilise à bon escient un apport de sonorités électroniques/bruitistes, mis dans une ambiance froide et futuriste et porté par un chant au minimum intéressant (les passages les plus déclamés sortant vraiment du lot), cet album est une curiosité diablement réussie. Complexe et prise de tête, mais vite irrésistible, grâce notamment à des morceaux comme "Turbulence" et "Introspectrum", étudiés pour être accrocheurs malgré le côté oppressant du propos. Kwintessens de Dodecahedron n’aura jamais de confirmation en bonne et due forme mais Autarkh a gardé ce chaos pour le soumettre à une autre dimension musicale, et le résultat est étonnant et tout aussi jouissif. Et Form In Motion est un des albums les plus excitants de ce premier trimestre de 2021. Faites votre plus belle tête façon « gif de Zach Galifianakis qui fait des équations » et apprivoisez ce monstre en puissance.

 

Tracklist de Form In Motion :

1. Primitive Constructs (1:23)
2. Turbulence (6:43)
3. Cyclic Terror (5:17)
4. Impasse (1:50)
5. Introspectrum (5:20)
6. Lost to Sight (7:39)
7. Metacognition (2:47)
8. Clouded Aura (7:25)
9. Alignment (6:39)
10. Zeit ist nur eine Illusion (2:27)