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mardi 26 janvier 2021

Heavystériques

Justine & Estelle

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Les podcasts consacrés au metal et aux musiques extrêmes en général ne manquent pas, mais l'arrivée de Heavystériques - sous-titré « Le podcast des hystériques d'une scène gangrenée par les mascus » veut instaurer un changement dans ce tableau en donnant la voix à celles et ceux qu’on n’écoute jamais. Après un premier épisode pilote en duo qui a permis de donner le ton, Justine et Estelle invitent chaque mois de nouveaux invité(e)s, sans jugement, pour discuter de leur vécu et aborder les sujets qui fâchent : racisme, sexisme et autres discriminations dans le milieu metal. Pour mieux comprendre ce nouveau projet ambitieux et engagé, Matthias et Dolorès ont posé quelques questions aux deux podcasteuses, dont la démarche s'inscrit entre passion musicale, bienveillance et critique d'une scène.

Propos recueillis le 18 janvier 2021.

 

Matthias : Comment est né le projet Heavystériques, quelle est sa genèse, et pourquoi le format podcast ?

Justine : C'est une idée qui m'est venue il y a environ trois ans, je venais d'emménager, j'étais dans mes cartons et je cherchais du contenu à écouter sur les musiques extrêmes. En cherchant, j'ai été frappée qu'il n'y ait que des mecs qui parlent, c'est incroyable ! Ça m'a soulée et l'idée m'a trotté dans la tête un moment. A la base je voulais faire des vidéos, mais en y réfléchissant, comme j'avais envie que ça traite aussi d’oppression et d'expériences personnelles, je me suis demandé quelle était la meilleure manière de garantir l’anonymat si quelqu’un me le demandait. En vidéo ça aurait été trop compliqué, et de toute façon je n'avais pas le matos. C’était plus simple à mettre en place avec un format audio.

Estelle : On en a discuté ensemble il y a un peu plus d'un an, lors d'un concert d’Implore dans un garage ! Justine m'avait dit qu'elle aimerait bien créer un truc pour discuter entre personnes qu'on n'avait pas trop l'habitude d'entendre dans ce milieu-là et qu'elle réfléchissait au format. Ça tombait bien car je travaillais dans le montage radio. L'idée du podcast nous est venue assez rapidement : c'était quelque chose de fluide, où on pouvait se laisser parler, tant nous que les personne qu'on invite. Et puis aussi, c'est tout bête mais quand on enregistre, on peut être comme on veut derrière notre ordinateur, on peut être crade, on s'en fiche ! On ne se sent pas observée par une caméra.

Justine : Oui, on peut donner plus de poids à ce qu'on dit et pas à ce dont on a l'air.

Matthias : Et le nom « Heavystériques », c'est venu comment ?

Justine : Ça c’est Estelle ! [rires]

Estelle : « Hystérique » c'est une insulte qu'on entend beaucoup vis-à-vis des femmes qui donnent leur point de vue ou qui s’énervent un peu et je l'ai souvent entendue pour moi, même si je donnais calmement mon avis. Un homme qui s'énerve ça parait normal, il fait ressortir ses émotions, mais une femme va être qualifiée d’hystérique. Je rappelle qu'à la base c'était considéré comme une maladie typiquement féminine. On n’était pas forcément parties sur ce mot, mais on cherchait quelque chose qui allait bien avec metal, heavy, et Heavystériques c'est tombé très facilement !

Justine : Et puis les jeux de mots c'est rigolo ! [rires]
 


Graphisme par @chloeprozano
 

Dolorès : Pour l'instant vous avez sorti deux épisodes, le premier est un peu un pilote mais dès le second on vous entend discuter avec deux personnes qui correspondent plutôt à des groupes fréquemment discriminés (femmes, personnes racisées, etc.). Comment construisez-vous et enregistrez-vous un épisode ? Est-ce que c'est le format définitif de Heavystériques, ou comptez- vous le faire évoluer ?

Justine : On a le squelette d'à quoi va ressembler l'épisode et on est chacune chez nous avec notre matos en fait, pareil pour les invitées. On utilise ZenCastr qui permet d'enregistrer directement les pistes et même d'ajouter des jingles, car Estelle est trop forte ! Pour le moment, on compte rester sur ce format un peu table ronde. On n’a pas spécialement d'autres idées pour l'instant mais à l'avenir pourquoi pas, si un autre format se présente et peut fonctionner, nous ne sommes pas fermées à l'idée.

Estelle : On a juste une plateforme en ligne, pas besoin de s'inscrire ou de télécharger quoi que ce soit, même si c'est payant pour nous. Chaque personne reçoit un lien et peut enregistrer sa piste de son côté avec une bonne qualité, moi je les récupère et je m'occupe du montage. A chaque fois, c'est un peu thématique en fonction des personnes qu'on invite : dans le deuxième épisode c'était des musiciennes et sur les prochains ce sera d'autres métiers ou rôles dans la scène. On va voir que les choses vécues par les minorités dans les scènes extrêmes sont vécues quel que soit le rôle de la personne, que ce soit sur scène, derrière une console ou un ordinateur, ou comme journaliste. Mais on verra à l'usage ! On expérimente encore, sur nos méthodes d'enregistrement par exemple.

Matthias : Je rebondis sur la volonté de donner la parole aux minorités de la scène : vous avez une ligne éditoriale claire à ce sujet ?

Justine : La seule limite qu'on se met pour l'instant c'est de ne pas interviewer d'homme cis car ce sont les gens qu'on entend le plus dans la scène.

Estelle : On a comme but de servir de porte-voix à des femmes, mais aussi des personnes de la communauté LGBT, des personnes racisées ou en situation de handicap qui n'ont pas forcément accès aux médias. Je ne vais pas dire qu’on fait un média qui leur ressemble car on reste aussi des femmes blanches avec certains privilèges, mais on essaye d'y réfléchir pour nos invités. Pas mal de personnes nous ont contactées après le premier épisode et seraient ravies de venir discuter avec nous dans l'émission. Ça fait très plaisir, et on va essayer de varier les profils de parole pour offrir un espace de témoignage. Le but c'est pas de faire la promo de quelque chose, mais de parler des violences vécues ou observées d'ordre sexiste ou sexuel dans ces scènes-là, mais les personnes invitées racontent ce qu'elles veulent.

Justine : On n'a pas forcément envie d'inviter des gens parce qu'elles font partie d'une minorité, c'est plutôt « comme nous, tu aimes les musiques extrêmes et tu participes à cette scène d'une manière ou d'une autre, et il se trouve que tu es racisée, en situation de handicap, ou queer ». Du coup leur expérience ne sera pas la même que celle des personnes qu'on entend toujours. Notre but c'est de discuter avec des gens qui ont les mêmes intérêts que nous et aimeraient pouvoir en parler. C'est la personne en elle-même, pas « une personne parce qu'elle est noire ». On veut parler à des gens qu'on entend d'habitude pas du tout.

Estelle : Dans le premier épisode, on a parlé juste toutes les deux et on a reçu plein de messages de soutien de gens heureux d'entendre autre chose. Je ne dirais pas qu'on a fait ça pour nous, mais ça fait vraiment du bien de raconter toutes ces choses et de discuter avec des gens qui peuvent nous comprendre dans ces expériences. Ça fait plaisir d'avoir ces moments de discussion, de confiance et de partage. On n'est pas là pour dire qu'on comprend ce que ça fait de vivre la situation d'une autre, je ne comprendrai jamais la situation d'une femme racisée ou d'un homme trans dans la scène, c'est pas notre but, mais c'est juste de faire comprendre qu'on est une plateforme qui sert aussi à trouver d'autres gens pour discuter, comme une parole d'entraide. Si tu as besoin de parler de ce genre de chose, on est là et si tu veux juste écouter Heavystériques parce que ça te fait du bien c'est déjà ça, même si tu ne te sens pas de témoigner. Faire le pas d'aller vers l'écoute, je pense que ça aide beaucoup de personnes qui ont subi des violences à se reconnaître. Et pour nous la représentation dans la scène c'est super important : prouver que deux femmes sont capables de parler de musique extrême, ça montre à d'autres femmes qu'elles sont aussi légitimes sur le sujet ; il n'est pas réservé aux mecs !

Dolorès : Personnellement, j'avais bien compris en écoutant les deux premiers que c'était aussi une manière pour quelqu'un qui écoute de se dire qu'il ou elle n'est pas seul(e). Est-ce que vous avez un public-type ou est-ce que vous visez d'autres publics que celui qui se peut se reconnaître dans ces propos ?

Justine : Dans les contenus existants, le sujet des femmes dans le metal n'est abordé que par des hommes, du coup c'est toujours biaisé. Ce qui nous tient quand même à cœur, c'est d'apporter une vision de personne concernée à des gens qui se posent des questions, qui ont envie de réfléchir un peu différemment. On vise pas un public-type : on a envie de créer du contenu qui ressemble aux personnes qui vont l'écouter ; fournir des expériences, des partages qui parlent au maximum de gens, ce que je ne trouvais pas ailleurs. Qui a envie de nous écouter nous écoute ! S'ils ont envie de se faire une opinion et d'élargir un peu leur horizon, on est là mais on ne cherche pas forcément à joindre ces gens.

Estelle : On veut aussi montrer que les violences sexistes et sexuelles existent dans tous les milieux et c'est un podcast qui peut aussi être écouté par des gens qui n'écoutent pas du tout de metal. Ça montre aussi aux gens extérieurs que le metal n'est pas un truc hyper négatif ; il y a quelques années, une étude interrogeait les français sur leurs goûts musicaux et il y avait trois types de réponse : « Je connais et j'aime », « Je connais et je n'aime pas », et « Je ne connais pas et je n'aime pas ». Le metal était le premier style dans « je ne connais pas et je n'aime pas ». Comment est-ce qu'on peut ne pas aimer ce qu'on ne connaît pas ? Le milieu militant féministe a beaucoup de podcasts, de contenus et c'est super, il manquait quelque chose sur le metal pour montrer que le metal s'intéresse aussi à ces questions-là. Ce n’est pas une scène avec que des mecs qui n'en ont rien à faire, il y a plein de gens qui s'y intéressent. J'ai aussi reçu des messages de gens qui n'écoutent pas du tout de metal et qui ont écouté quelques morceaux de notre playlist de fin d'épisode. Notre podcast n'est pas que pour les femmes ou les personnes de la communauté LGBT, c'est pour tout le monde qui s'intéresse à la question.

Matthias : Justement, je crois comprendre le besoin de témoigner et d'entendre des témoignages, mais vous n'avez pas peur de vous concentrer sur un public de gens convaincus ? Avec un tel sous-titre (« Le podcast des hystériques d'une scène gangrenée par les mascus ») vous n'avez pas peur de ne jamais attirer de gens qui ne sont pas 100% d'accord avec vous ?

Justine : On a avant tout une ligne militante : rien que le fait qu'on n'ouvre pas le témoignage à des hommes cis, c'est un parti pris militant. Les contenus sur la musique extrême ou le metal sont faits par des hommes, bien souvent cis et blancs. Ils ont pignon sur rue. On est parfois amenées dans le podcast à faire de la pédagogie, mais on n'est pas censées expliquer ce que sont les oppressions vécues par les personnes en minorité. Il y a déjà énormément de contenu là-dessus. Nous, on veut vraiment discuter avec des personnes concernées. Les gens qui ont envie d’élargir leurs pensées sur le sujet sont bien entendu les bienvenues, mais si t'as pas envie d'écouter ne le fais pas, pas de problème. On ne va pas bouger de notre ligne directrice pour caresser dans le sens du poil des gens qui pourraient se sentir un peu malmenés par le terme « mascus » et ça va écrémer ceux qui n’écouteraient que pour critiquer. C'est pour ça qu'on avait envie d'une phrase un peu forte pour se définir. Dans la scène metal comme dans la société, si tu fais partie d'une minorité tu vis des violences au quotidien. Pourquoi ferait-on l’effort d'être gentilles ou moins rentre-dedans avec des gens qui, eux, ne font pas l'effort de se dire que ces minorités existent et qu'ils ont les mêmes droits qu'eux ?

Estelle : On a été très impressionnées par le nombre de retours positifs pour un podcast fait maison, on se pensait écoutées par nos six potes ! Si des gens ne nous écoutent pas, moi ça ne va pas me chafouiner. Si quelqu'un me dit qu'il ne se sent pas représenté dans notre podcast et bien c'est pas grave, moi je ne me sens pas représentée dans plein de choses et je ne vais pas aller chouiner, je vais aller chercher d'autres contenus. Effectivement, on ferme la porte à certaines choses, mais c'est notre ligne directrice et notre volonté d'offrir cet espace à des gens qui n'en ont habituellement pas.

Matthias : Je ne suis pas certain que quelqu'un de « tiède » puisse se remettre en question avec votre podcast. Si Jean Warblack, 17 ans, cherche à se remettre un peu en question, on ne lui conseillerait quand même pas de commencer par votre podcast… [rires]

Justine : Il peut ! Mais il ferait peut-être mieux de commencer d'abord par un contenu plus pédagogique !

Estelle : On essaie d'aborder ça avec humour et on n'est jamais dans l'insulte. Bon, on est des fois un peu vulgaires, un peu pouet-pouet, mais on ne va pas chercher l'insulte ou la provocation. Quand on dit « ce n'est pas pour Anthony, 36 ans, qui prend les paroles de Rammstein au premier degré », c'est de l'humour, mais malheureusement ce sont des gens qu'on connaît ! On fait comprendre dès l'intro que ce podcast est certes pour tout le monde, mais si quelqu’un arrive en se disant « dans la scène les filles n'ont pas de problème » alors je suis d'accord avec toi, c'est pas la meilleure entrée pour changer d’avis !



 

Dolorès : Si vous rencontriez quelqu'un de totalement néophyte qui débarquait dans la scène metal, qu'est ce que vous lui diriez ? Quels comportements est-ce que vous conseilleriez de ne pas reproduire ? A l’inverse, comment agir respectueusement ?

Estelle : J'ai envie de dire que ça nous est tous arrivés ! Au début on est impressionné par la violence visuelle et auditive, car c'est ce que dégagent ces scènes-là au premier regard. Mais suffit de checker un peu autour de soi que les limites soient respectées. C'est tout bête hein, mais tu ne mets pas une olive à quelqu'un au supermarché, donc tu ne mets pas une olive à un concert. Ne pas insulter, ne pas assumer des choses parce que la personne a un genre particulier ou une tenue vestimentaire particulière, ce sont des choses très simples. En gros, le conseil c'est d'être autant bienveillant avec la personne en face de toi que tu veux que cette personne soit bienveillante avec toi. Voilà. Si tu veux aller mettre des pains dans la fosse, pas de souci, avec grand plaisir ! Si c'est de commun accord de se mettre des pains, vas-y ! Ça se voit par la gestuelle : si un mec ou une meuf a l'air de pas savoir quoi faire en plein milieu, tu vas pas frapper ! Il faut vraiment qu'on fasse le travail de prendre en compte l'autre, surtout dans un espace aussi violent côté physique et auditif. Quand des gens extérieurs me disent qu'ils trouvent le metal violent, je leur demande s'ils ont déjà vu un concert : tu tombes, et on te remet debout tout de suite ! Je travaille comme bénévole au bar pour des concerts et je n'ai jamais vu des gens aussi gentils. Il faudrait arriver à la marche au-dessus, l'être avec tout le monde, et pas juste avec ceux qui nous ressemblent.

Justine : Si on a entrepris ça c'est aussi pour en finir avec les clichés de la « grande famille du metal » et les gros nounours du metal. Quand tu es néophyte, soit tu perçois une image de gens violents et élitistes - bref l’attitude Black Metal -, soit tu as celle de la grande famille, des gros nounours, tout le monde il est poli, beau et gentil. En fait c'est beaucoup plus gris, il ya des gens qui vont être supers, mais à côté de ça il y a d'immondes connards, sexistes, racistes, et violents pour rien. Du coup on essaie aussi de détricoter un peu ces clichés pour avoir une image un peu plus réaliste de ce qui se passe.

Matthias : J'ai aussi remarqué ce mythe du gros nounours, surtout chez des femmes qui ne sont pas dans la scène metal : pour elles, le metalleux rassure. Il est un peu bourru, mais moins considéré comme une menace. D'où vient ce cliché du metalhead ultra rassurant, alors que c'est loin d'être une généralité ?

Estelle : Si les filles ont cette image-là, c'est parce qu'elle est renvoyée par les mecs : c'est ce qu'ils veulent qu'on pense d'eux. J'en connais plein des gros nounours metalleux très gentils, mais les ours sont des connards dans la vraie vie ! Les ours ça tue ! Ça hiberne et c'est grognon ! [rires]

Justine : Il y a aussi ce penchant malsain : je te dégage une image rassurante mais à côté je ne suis pas spécialement bien intentionné. C'est une blague qu'on a entre nous : « Tu as l'air très mature pour ton âge, viens chez moi et bois dans ma corne à boire », ça existe ! Dans la société en général d'ailleurs, il y a des groupes sociaux qui sont valorisés ainsi, comme les geeks vus comme un peu cons mais très gentils. C'est pas toujours vrai en fait.

Dolorès : Depuis tout à l’heure, on parle d’une scène qui est vue comme violente, notamment de l’extérieur. Pour beaucoup, la scène Black Metal, par exemple, est violente, non-inclusive et haineuse par essence (et devrait le rester sous peine d'être dénaturée). Qu'est-ce que vous pensez de cette affirmation ? Comment vous positionnez-vous avec Heavystériques ?

Justine : Cette scène est effectivement très problématique et personne ne fait quoi que ce soit frontalement. On dit qu’il faut qu’elle reste non-inclusive, un truc de mecs blancs, parfois de meufs, mais pas trop non plus. Il y a toute une frange du Black Metal qui est nazie et ça n'a l'air de ne poser de problème à personne. A côté de ça il y a une autre frange qui est le RABM (Red Anarchist Black Metal), d'extrême gauche, mais c'est toujours là qu’on va retrouver des arguments de « pas de politique dans le metal ». Tu te rends compte que ces gens-là n'ont absolument aucun problème à écouter quelque chose qui va se revendiquer d'extrême droite en se disant « oui mais moi j'écoute pour la musique » et quand c'est un groupe qui se revendique d'extrême gauche, la politique va poser problème. Il y a une scène qui existe, qui est antifasciste, qui fait du Black Metal, qui a tendance à être réduite au silence avec ce sacro-saint argument que la politique n'a rien à faire dans la musique. Mais à côté de ça, on laisse presque pignon sur rue à des gens qui ont une pensée complètement nauséabonde en se disant « je fais pas attention à l'univers autour, je suis là pour la musique ». Avec cet argumentaire-là, on laisse pas du tout de droit de réponse à l'autre côté, c'est ce qui me dérange.

Je suis une très grande fan de Black Metal, c'est le style qui me plaît le plus. C'est un des premiers trucs auxquels j'ai pensé quand on a mis en place Heavystériques : est-ce qu'on va pas se faire spotter tout de suite par des fafs qui se diraient que notre ligne directrice politique n'a rien à faire dans le metal ? C'est quelque chose qui me trotte souvent dans la tête, mais je vois pas pourquoi on laisserait toute la place à d'autres qui ont des idées nauséabondes alors qu'on est pas d'accord avec ça. Je suis peut-être naïve mais pour moi, tout peut toujours évoluer en bien. C'est ce qui me semble important, pouvoir « redorer le blason » des gens qui essaient et qui, tout de suite, se font réduire au silence. Faire de la musique, c'est politique, de base... Se voiler la face là-dessus, je trouve ça déjà un peu débile.

Estelle : Tu parlais de violence, Dolorès, mais pour revenir sur ce qu'on disait dans notre premier épisode : c’est aussi ce qui nous plaît dans ces scènes-là. Je choisis consciemment, de ma propre personne, d'écouter ou de me rendre à des concerts de musique dite violente. On ne veut pas du tout l’enlever de ce milieu-là, mais on essaie d'amener un débat sur la violence choisie et pas subie, imposée. Si je vais en concert, je mets mes petits bouchons d'oreille, si je veux me mettre à un endroit où je veux un peu plus me faire bousculer, je choisis moi-même d'aller me confronter à cette violence. On n'a pas un message anti-violence au sens « on veut que tout soit calme, que les gens restent à un mètre de distance en mode covid et personne se touche pendant les concerts ». On veut que la scène soit là, mais qu'elle soit safe ! J'ai fait des concerts d'une violence inouïe mais où je ne me suis jamais autant sentie en sécurité. Tu trébuches pendant un circle-pit, les gens te reprennent. Tu te fais valdinguer dans tous les sens et surtout dans les concerts qui sont plutôt hardcore et metalcore, tout le public finit sur la scène. C'était super, et c'est ça aussi qui nous fait vivre et palpiter, mais c’est une violence qu'on a choisie. Soit de regarder de loin, soit de vivre.

La violence d'une main aux fesses, d'un frotteur, d'une olive, d'une insulte, on ne l'a pas choisie et on n'en veut pas. Les agressions sexuelles, verbales, physiques, racistes... On fait la distinction avec cette violence qu'on n'a pas demandée.

Justine : Ce qu'on aimerait, c'est que personne ne se dise « je peux pas aller à cette date parce que... ». Parce que tel genre de personne sera là, parce que je sais que je vais me faire agresser, sexuellement ou physiquement, parce que je vais avoir peur ou que je ne vais pas me sentir en sécurité. C'est très empirique mais, d'expérience, aucun de mes potes mecs n'a jamais eu à se poser cette question de : je peux pas y aller parce que je vais rentrer trop tard, parce que je sais qu'il y aura tel mec et qu'il va me faire chier...

Estelle : Et comment je peux m'habiller au concert ?

Justine : J'en discutais avec mon copain et un des premiers trucs qui l'a frappé sur le racisme qu'on peut vivre dans la scène metal, c'est qu'un jour vers 17-18 ans, il a demandé à un de ses potes s'il venait à telle date, et son pote, qui était noir, lui a répondu « bah non, je viens pas à cette date parce que je sais que je vais me faire casser la gueule ». A l'époque, ça ne lui avait pas du tout effleuré l'esprit qu'on pouvait avoir cette problématique. Notre but c'est de se sentir autant en sécurité que n'importe quel mec lambda blanc hétéro et cis, d'être peinard et peinarde quand on va à une date et de ne pas avoir à se poser la question.

Le Black Metal c’est aussi un peu le sous-genre qui va être vu comme le plus « pur ». Tu peux pas être plus Satan que Satan, donc un ado ou un néophyte qui a tout de suite envie d’être pris au sérieux va s’intéresser à ce qui lui paraît tout en haut de l’échelle, d’où l’intérêt rapide vers un Black Metal qui paraît être la musique la plus extrême, la plus sale, la plus dure, la plus « trve ». Ce style-là, qui paraît le plus pur, est le plus réfractaire au changement, à la discussion et à la remise en question.
 


La pochette de la compilation Antifascist Black Metal créée par les membres de Dawn Ray'd


Dolorès : En parallèle de ce qui se passe sur les réseaux sociaux par exemple, quand des femmes ou des personnes de groupes minoritaires prennent la parole, est-ce que vous recevez des réactions qui vous disent que les témoignages sont importants, mais qu'ils n'ont rien à faire dans un podcast et qu'ils devraient être amenés à la justice ? Qu'en pensez-vous ?

Justine : Que si la justice était performante à ce niveau-là, ça se saurait ! Une personne qui est victime de violences, elle en témoigne devant qui elle veut. Si elle a envie de n'en parler à personne, c'est son droit, si elle a envie d'en parler à la Terre entière, sur un blog, dans un podcast, c'est son droit et si elle a envie d'aller devant la justice, c'est son droit. Je pense que si tu n'es pas la victime de cette agression, tu n'as pas à dire comment la personne devrait témoigner. Personnellement, je trouve que c'est des conneries de dire « ça n'a rien à faire en place publique ». Déjà, ceux qui arrivent avec cette critique-là, qu'est-ce qu'ils en savent que la personne n'a pas déjà porté plainte ? Que l'affaire n'a pas été déjà étudiée, classée ou que l'agresseur a été condamné ?

Estelle : Je suis d'accord avec Justine. Laisser la justice faire son travail... Je sais plus ce qu'ils disaient dans La Cité de la Peur ?

Justine : Laissez la police faire son travail ! [rires]

Estelle : En fait, si la justice faisait bien son travail dans ce genre de cas, on serait au courant. Par exemple, les affaires de viol... Oui, on va parler des affaires les plus sympas, enfin il n'y a pas de degré dans le trauma. Dans ces affaires, c'est quoi les chiffres déjà ? On les avait rappelés dans le podcast. Ils sont absolument incroyables et très très peu de personnes sont condamnées même quand c'est avéré (N.D.L.R : on dit souvent que seul 1% des affaires mène à une condamnation mais le calcul à l'origine de cette affirmation est contesté, toutefois les chiffres montrent que la majorité des affaires concernant un viol, une agression ou du harcèlement sont classées sans suite).

Moi par exemple, toutes les agressions dont j'ai pu parler dans le podcast et d'autres que je n'aborderai pas, je n'en parlerai jamais à la justice parce que je ne fais pas forcément confiance et je sais que ça retombera plus sur moi que sur l'agresseur. Quand je disais tout à l'heure qu'on fait aussi ce podcast pour nous, c'est aussi que ça me fait extrêmement de bien de pouvoir parler de ce qui m'est arrivé et de ressentir un soutien derrière. Il y a des personnes qui pensent qu'un podcast n'est pas une cour de justice, mais à un moment il faut assumer ses agressions et, ensuite, ça ne leur ruine pas la vie aux agresseurs. Toutes les personnes qui m'ont agressée, elle a l'air plutôt pas mal leur vie, elles ont pas perdu leur emploi et j'ai l'impression qu'elles dorment très bien la nuit. 

J'ai lu, concernant une autre affaire, une comparaison entre la délation des personnes ayant agressé et la délation des voisins juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale ! C'est vrai que c'est la même chose !

Matthias : Je crois qu'il y a un réalisateur de cinéma fort bien récompensé qui serait parfaitement d'accord avec cette thèse...

Estelle : Certes, je ne laisse pas l'opportunité aux gens de se défendre, de faire respecter leur nom... Enfin comme tu dis, il y a un certain réalisateur que ça n'empêche pas de gagner des Césars, il a été accusé et les faits ont été reconnus aux Etats-Unis, c'est pour ça qu'il met plus les pieds là-bas... Pour revenir au sujet, je pense que c'est une question super importante que tu poses Dolorès. On a eu de la chance, au début on s'est dit avec Justine qu'on allait se manger des trolls et des trolls et que ça allait être horrible. Et en fait pas du tout ! Je touche du bois, mais on n'a pas eu beaucoup de gens qui sont venus nous dire en face ou par message ce qu'ils pensaient de notre méthode.

Il y a des comptes, sur les réseaux sociaux, qui marchent très bien en ce moment, comme Balance ton tatoueur ou un qui est sorti récemment, Paye ton opéra. Comme on dit dans le podcast, ces violences ne sont pas inhérentes au milieu, elles existent dans tous les genres de musique, c'est juste que là on voulait parler plus particulièrement du genre que nous, on affectionne. J'ai quand même reçu des messages de gens qui me disaient « oui mais, au bout d'un moment, la chasse à la sorcière, ça va » et les personnes qui me disent ça ont des choses à se reprocher... Ça ne ruine pas de vie, à part celle des personnes qui sont agressées.

Matthias : Tu as anticipé ma question qui concernait les retours que vous avez eus sur le podcast. Donc, apparemment, beaucoup moins de retours négatifs que ce que vous attendiez. C'est un sujet, même un ensemble de sujets, sur lesquels d'autres voix commencent à s'élever, en tout cas dans le paysage metal francophone. Je pense à des gens assez actifs sur les réseaux sociaux comme Le Petit Metalleux Illustré qui a partagé vos podcasts d'ailleurs. C'est peut-être très minoritaire, mais est-ce que vous avez l'impression qu'il y a quand même d'autres personnes qui prennent la parole, une tendance un peu générale à ce que le milieu du metal fasse son mea culpa ?

Justine : Il y a des gens qui ont des convictions qui « sortent de la voix générale » : anti-oppression, alliés féministes, féministes, antiracistes, etc. On en a vu pas mal avec la création du compte Instagram, ils nous ont suivis. Je dirais pas que c'est majoritaire et c'est dommage, mais c'est chouette qu'il n'y ait pas qu'une seule voix qui existe.

Estelle : MusicToo a fait un super travail pour recueillir les témoignages pendant plusieurs mois, anonymes ou pas et les personnes pouvaient ensuite être mises en contact pour apporter un dossier commun devant la justice. Tout ce mouvement-là, qui commence à faire un balayage, j'ai hâte qu'il arrive aussi dans le milieu du jazz, par exemple, qui est extrêmement contrôlé par les hommes.

On est extrêmement ravies quand on reçoit des messages qui nous disent : « merci, moi aussi j'ai vécu ça », à la fois ça rend triste de voir ce qui a pu arriver à d'autres et à la fois on se dit qu'on n'est pas seul(e). Beaucoup de personnes ont partagé nos épisodes en disant que ça leur faisait du bien d'entendre d'autres voix, d'autres supports. Notre but, ce sera d'inviter de nouvelles personnes pour pouvoir offrir de nouvelles voix, de nouveaux témoignages. Plus nos épisodes vont passer et plus on verra une vague de prises de parole, aussi, dans ce milieu-là. C'est tout bête mais sur nos comptes persos et sur le compte de Heavystériques, il y a des groupes qui nous suivent ! On était heureuses de voir des groupes qu’on aime, qu’on va voir en concert et dont on achète du merch, partager notre contenu, nous envoyer des messages pour nous dire « merci, c’était top », sortis de nulle part !

Matthias : Quelque chose qui revient beaucoup dans votre podcast c’est qu’il y a toujours ce besoin constant de la part des femmes de devoir justifier leur place, devoir montrer patte blanche dès qu’elles sont dans une scène musicale, qui plus est extrême. Quel que soit le rôle, que ce soit sur scène, devant la scène, en régie, au bar, des deux côtés du bar d’ailleurs…

Justine : C’est vrai, c’est un sujet qu’on a un petit peu abordé plus en détail et plus longuement dans le deuxième épisode, parce qu’on a pu en discuter avec Camille et Lysie. Le mec random qui demande que tu cites quatre chansons de tel groupe parce que tu portes leur t-shirt... On a constaté que ça nous est toutes arrivé au moins une fois. C’est pareil quand t’es musicienne, ou quand t’es technicienne. C’est ce que Camille expliquait  dans son témoignage, c’est arrivé que des personnes pour qui elle faisait le son sur certaines dates lui demandent si elle était en stage alors que c’était elle qui gérait tout. Une fille qui fait du son c’est forcément un hobby pour eux, c’est mignon, mais ça peut pas être sérieux...

Estelle : Camille donnait un autre exemple que j’avais adoré. Elle était bookée, avec son projet, sur un festival et au moment d’aller récupérer ses tickets boisson, on lui a dit que c’était seulement pour les musiciens et pas pour leurs copines. Ils avaient supposé qu’elle ne pouvait pas être sur scène. On le voit, on le constate, on le montre et toutes les musiciennes avec qui on en a discuté nous le confirment. Moi-même, le nombre de fois où on m’a dit que je jouais bien pour une meuf ou encore le typique « ah vous l’avez pas prise parce que c’est une meuf mais parce qu’en fait elle joue pas trop mal » ! Oui, en fait, je fais de la musique. Est-ce que j’ai besoin de montrer mon diplôme de conservatoire ?

Justine : Tu le retrouves à tous les niveaux, même moi qui ne suis pas musicienne mais qui suis juste consommatrice de musique, c’est arrivé plein de fois que j’aille à des concerts toute seule et qu’on me demande « ah mais il est pas là ton mec ? ». Donc soit c’est lui qui m’a montré soit je fais ça pour lui faire plaisir, et pas parce que c’est quelque chose qui me plaît à moi. C’est un énorme problème de sexisme et de misogynie en fait. On est pas prises au sérieux parce qu’on est des meufs.

Estelle : C’est bien expliqué dans le deuxième épisode. Camille et Lysie arrivent à parler de ça avec humour et avec beaucoup de recul alors que des fois ce sont des propos hyper violents.

 

 
Toul En Ihuern (Camille) et Télémaque Delta (Lysie), projets des invitées du deuxième épisode
 

Matthias : Vous n’avez pas de briefing, pas de contrôle en amont, vous les laissez « en roue libre » ?

Justine : Non. Comme on l'expliquait, on a un déroulé avec la structure de l’épisode mais sinon c’est : t’as envie de nous parler bah on discute.

Estelle : Elles ne nous disent pas à l’avance « je vais vous raconter, il m’est arrivé ça, ça et ça, j’en parlerai pendant le podcast ». On veut aussi garder des réactions spontanées.

Justine : On ne joue pas la réaction qu’on a face aux propos que vont avoir les invité(e)s. On ne sait pas ce qu’elles vont raconter, on réagit sur le vif. Ça permet quelque chose qui est beaucoup plus naturel pour nous comme pour la personne qui raconte, on a une véritable discussion. Si on te raconte le truc avant, t’as le temps de le digérer, de préparer tes réactions.

Dolorès : Vous n’avez pas « peur » - mais ce n’est pas forcément le bon terme - qu’un jour un(e) invité(e) commence à pleurer, à insulter quelqu'un, etc ? Comment est-ce que vous réagiriez par rapport à ça ?

Justine : Ça peut arriver, mais on voit ça comme une discussion entre ami(e)s aussi. C’est sûr que quand on aborde des sujets sensibles, on doit s’y préparer. On n’est pas parfaites, évidemment, mais notre but c’est d’être bienveillantes avant tout. Si une personne se sent trop bouleversée par ce qu’elle nous raconte et qu’elle pleure ou s’énerve, forcément on lui demandera si elle veut qu’on le garde ou pas, qu’on s’arrête, qu’on fasse une pause.

Estelle : La personne a un droit de regard avant la sortie de l’épisode. Moi je fais un montage pour tout cleaner, éviter les prises de parole les unes sur les autres ou les problèmes extérieurs de bruit : un chat qui miaule… Même si les chats qui miaulent on les garde ! [rires] C’est arrivé qu’on nous parle d’une expérience ou qu’après une phrase on nous dise « en fait, enlève ça ».

Je sais qu’à chaque fin d’épisode, il faut que je joue à Animal Crossing pendant une heure et que je sois calme. J'en tremble, il ne faut pas me parler. Il faut un temps pour redescendre. On entend des choses qui sont parfois très dures. Si la personne ne se sent pas bien, on lui demande si elle préfère qu’on arrête ici, qu’on arrête tout l’épisode et qu’on n’utilise pas l’enregistrement. On n’est pas encore tombées sur ce cas-là mais ça peut arriver. On fera toujours en sorte que la personne se sente en sécurité, respectée et en contrôle de ce qui sera publié. Que la personne nous raconte une main aux fesses, une agression verbale, ou autre chose, nous, on va recueillir ce témoignage avec autant de considération et de légitimité que n’importe quel autre. On leur précise bien que c’est pas une course au trauma : ne te dis pas que tu vas raconter une histoire absolument horrible parce que tu te dis que ça va faire plus de likes, plus de vues et que ça va plus nous intéresser… Pas du tout. Toute prise de parole est précieuse.

Matthias : On a déjà abordé tout à l’heure les possibles évolutions du podcast, etc. Si vous souhaitez rebondir sur quelque chose ou ajouter quelques mots, n’hésitez pas.

Estelle : On est toujours ravies de recevoir aussi des témoignages par écrit, par message, mail ou même audio. On enregistre un prochain épisode qui devrait sortir début février. Ce qui est bien c’est que même si on se refait confiner, nous on peut toujours faire nos épisodes.

Justine : C’est l’avantage du podcast à distance !

Estelle : Même avec le couvre-feu à 18h, « t’es libre à 19h ? » c’est assez pratique ! Pour le troisième épisode, on est très contentes parce que ce sont des personnes qui nous ont contactées ou qui ont repartagé le podcast, on leur a demandé si elles voulaient venir témoigner et elles étaient ravies. On sait aussi d’avance qui souhaitera sans doute participer, on ne va pas demander à des personnes au hasard. Camille et Lysie, ce sont des musiciennes qu’on connaissait déjà personnellement. C’était une porte d’entrée plus facile pour nous et le podcast nous fait du bien à nous aussi, c’est valorisant. Ça nous conforte dans l’idée que oui, il fallait bien une plateforme pour avoir ce genre de discussions, que Justine a eu le nez pour ça !

Justine : Et voir que les gens sont enthousiastes, déjà de voir que la plateforme existe, et ensuite à l’idée de participer quand on leur propose. Pour l’instant on n’a pas vraiment de détracteurs et c’est cool, mais on a quand même eu écho de personnes à qui ça plaisait pas. Et si à ces personnes, ça ne leur plaît pas, ça veut dire que nous on fait notre truc correctement !

Dolorès : Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé, je pense que ça répond à nos interrogations mais aussi aux questions que d’autres personnes pouvaient se poser.

Justine : Merci beaucoup d’avoir voulu parler avec nous !
 

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