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Album

28 octobre 2020 - Matthias

Auðn

Vökudraumsins fangi

LabelSeason of Mist
styleAtmospheric Black Metal
formatAlbum
paysIslande
sortieoctobre 2020
La note de
Matthias
7/10


Matthias

Punkach' renégat hellénophile.

Parmi les rameaux de l'arbre colossal qu'est progressivement devenue la mythologie du metal extrême nordique, la scène black islandaise moderne incarne sans doute une des branches les plus jeunes, qui s'est octroyée une visibilité non négligeable depuis le tournant des années 2010. Depuis, les Islandais ont peaufiné une recette fort reconnaissable, tant il semblerait que, quand on n'est que 300.000 sur une grande île volcanique isolée et constamment battue par les embruns, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que d'écrire des romans policiers ou de composer du black metal pour exorciser ses propres névroses. Ou bien de les rentabiliser, au choix.

En trois albums sortis avec une régularité toute nordique, Auðn s'est hissé très haut sur ce glacier qu'est devenu le black insulaire, en particulier depuis que les vétérans de Solstafir, actifs depuis 1995 quand même, ont délaissé la place d'honneur pour conquérir d'autres sommets aux confins du post-metal. Depuis un Farvegir Fyrndar sorti en 2017, le groupe de Hveragerði s'est forgé un style propre, unissant dans son creuset le chant tout en thérapie primale de Hjalti Sveinsson avec une instrumentation tantôt languissante et tantôt lourde de la puissance des éléments déchaînés dans la nuit subarctique.

Avec Vökudraumsins fangi, le groupe reprend la structure d'une recette éprouvée, mais semble avoir choisi de quadrupler les doses d'épices déjà fort présentes auparavant. Dès "Einn um alla tíð" et son instrumentation façon black horrifico-dépressif classique mais efficace, la voix de Hjalti atteint un niveau de crucifixion vraiment remuant, et encore magnifié par les sonorités de la langue islandaise. Mais malgré quelques riffs étonnement brutaux sur "Eldborg", la suite de l'album ne surprendra pas l'initié : les soli de guitare s'envolent sur des plages atmosphériques très belles, certes, tandis que le chanteur continue de démontrer la grande maîtrise qu'il a de sa voix : il éructe, il grogne, il tente de vomir son âme, et il faut bien avouer que c'est lui qui choisit et légitime les moments de gloire de ce troisième album, même si l'alchimie particulière avec les musiciens s'opère encore. Comme sur ce "Drepsótt" court et brutal qui nous surprend en s'achevant en plein climax, ou encore "Horfin mér" et sa nuit de dépression interminable.

Seulement voilà : avec 10 pistes sur 55 minutes, Vökudraumsins fangi paraît vite fort long, pour ne pas dire répétitif. Qu'on se rappelle, pour comparer, que le premier album éponyme Auðn se satisfaisait de 36 minutes réparties en une poignée de pistes aussi directes que percutantes. Attention, ce nouvel album ne franchit pas la limite du "too much" mais on finit quand même par l'écouter distraitement plutôt que de le vivre de la première à la dernière note. Trop d'exigences du label, le très imposant Season of Mist ? Ou symptôme typique d'une scène insulaire qui souffre déjà d'un syndrome avancé de standardisation, tant les formations locales se retrouvent en fait autour de quelques membres communs. Jusqu'ici, Auðn avait plutôt bien résisté à ce mal endémique. Je reste donc un peu sur ma faim, et c'est dommage, car restent quelques très belles mélodies qui résonnent sur les falaises déchiquetées.

 

Tracklist:

1. Einn um alla tíð (08:15)

2. Eldborg (04:08)

3. Birtan hugann brennir (05:33)

4. Verður von að bráð (05:50)

5. Drepsótt (03:16)

6. Næðir um (05:03)

7. Horfin mér (06:42)

8. Á himin stara (03:47)

9. Ljóstýra (05:54)

10. Vökudraumsins fangi (06:43)