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Album

10 septembre 2020 - S.A.D.E

Lares

Towards Nothingness

LabelArgonauta Records
styleSludge / Doom
formatAlbum
paysAllemagne
sortiejuin 2020
La note de
S.A.D.E
9/10


S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Dans les vastes confins des musiques poisseuses et denses, l'enchevêtrement sonore peut être tel qu'il devient difficile d'étiqueter sans embarras un groupe piochant dans un large panel de sous-genres. Le quatuor berlinois Lares se place en bon exemple de cet épineux problème de la classification : doom aux sonorités abruptes ? Sludge psychédélisant ? Et ces ambiances froides que le groupe égrène autorisent-elles à coller un blackened dans l'intitulé ?

Vous l'aurez compris, Lares se distingue par une formidable capacité à ratisser large pour composer une musique qui demeure cohérente, et ce, dès leur premier long format (qui fait suite à un EP sorti en 2017). Towards Nothingness, de son petit nom, se pare d'un très bel artwork signé Mariusz Lewandowski (dont on a vu d'autres œuvres chez Bell Witch ou encore Atlantean Kodex), artwork qui nous plonge d'emblée dans la tourmente que nous fera traverser la musique des Allemands : le ciel apocalyptique, la mer coléreuse et le bâtiment lugubre et mystérieux en arrière-plan dessinent un paysage aussi grandiose qu'il est inquiétant.

Dès le premier titre, It Burns, on sent un tiraillement entre la pesanteur d'une rythmique bien posée sur son assise et une échappée potentielle vers des sphères plus haut perchées, avec des guitares riches en effets et ces voix incatatoires presque comme noyées dans le mixage. Et c'est d'ailleurs entre ces deux pôles que s'épanouit la musique de Lares, d'un côté une certaine approche du psychédélisme, celle sombre et peu recommandée qui frôle la folie sans jamais s'y frotter tout à fait, donne de sublimes ambiances assez difficiles à qualifier (le début de SN1987A Sace Altertion Machine, Catacomb Eyes) tandis que sur l'autre versant, on tombe dans une noirceur mouvante où rampent malfaisance et désespoir. Souvent, la batterie s'appuie sur une lente mais implacable course de double pédale pour renforcer la densité d'une séquence, et ce, pendant que les cordes délivrent des riffs plus étranges qu'il n'y paraît au premier abord. Difficile également de ne pas mentionner la basse qui fait un boulot souterrain mais ô combien crucial : ronde, saturée et sauvage la plupart du temps, il arrive parfois qu'au détour d'un break elle se fasse plus légère, comme jouée aux doigts. Enfin, quelques mots sur le chant : avec un growl pas trop grave, plein de réverb' et un peu en retrait, le dénommé Flavio donne un surplus de noirceur à l'ensemble, sorcier moitié fou moitié sage hurlant du fond des âges.

Dans sa construction générale, Towards Nothingess est également très bien agencé. Par exemple, les courts interludes instrumentaux (Theiaphobic Ansia et Oumuamua) offrent des espaces de respiration bienvenus et salvateurs au milieu de cette perpétuelle densité sonore. L'ensemble de l'album donne une sensation de progression (au travers, peut-être, des éléments déchainés présentés sur la pochette), le sentiment d'aller quelque part, d'être guidé par quelque chose. Et quand on arrive finalement au travers du néant, au dernier morceau éponyme, un instrumental long d'à peine deux minutes mais suffocant au possible, cet étrange parcours que l'on vient de suivre nous appelle de nouveau.

Blackened psych sludge ? Doomed sludge ? Post sludgy blackened doom ? À votre guise. Lares synthétise une flopée de genre qui ont, certes, le vent en poupe mais encore faut-il être capable de faire avec brio et maîtrise. Et d'un bout à l'autre de son premier album, Lares montre et démontre son savoir-faire.

Tracklist de Towards Nothingness :
01.It Burns
02.Theiaphobic Ansia
03.Cursed With Embodiment
04.SN1987A Space Alteration Machine
05.Grey Haze
06.Oumuamua
07.Catacomb Eyes
08.Towards Nothingness