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Album

04 février 2020 - Mess

Ho99o9

United States of Horror

Label999 Deathkult, LLC
styleHorrorcore/Indus/Punk
formatAlbum
paysUSA
sortiemai 2017
La note de
Mess
8.5/10


Mess

T'façon, je préfère Aphex Twin.

De leurs premiers tâtonnements sporadiques comme une rencontre Public Enemy/Anthrax jusqu’à sa banalisation avec le nu-metal (qui nous laisse un goût amer de projet inachevé), les musiques extrêmes et le hip hop semblaient ne pas avoir vécu la lune de miel qu’on leur présageait. Fort heureusement, internet a brisé les dernières barrières entre les genres musicaux et l’heure est à la débauche. Une invitation pour chaque artiste à repousser les limites de l’expérimentation et du mélange sans se soucier des (parfois trop vieux) pré-établis culturels. Mais aussi un tout nouveau défi de surpassement de soi-même pour offrir quelque chose qui s’extirpera de la masse, à une époque où (presque) tout le monde peut créer de la musique avec un tant soit peu de volonté.

Et lorsqu’on invoque, sans se forcer, des artistes comme les légendaires Bad Brains ainsi que les rois du rap expérimental Death Grips, tout ça dans un seul et même album, on admet très facilement que le duo Américain Ho99o9 (prononcé Horror) possède une sérieuse carte à jouer avec ce United States Of Horror.

Alors qu’une petite fille nous offre un serment d’allégeance au « burning flag of the united states of horror » dès les premières secondes du disque, on comprend qu’en plus d’un brûlot sonore programmé pour les 46 prochaines minutes, c’est également un pamphlet punk qui nous sera récité tout du long partheOGM et Eaddy. Et pour mieux répandre leurs constats d’une société à l’agonie (avec ses politiciens pour principaux accusés), les deux compères ont bien compris que la musique punk et le rap partagent cette même énergie contestataire qui, liées correctement ensembles, forment une bête sonore inarrêtable, taillée pour la bagarre en concert et avec un réel message social et politique en toile de fond.

Ho99o9 nage, avec une agilité déconcertante, dans un punk-hardcore invoquant l’énergie simple et directe du style « période 80 » tout en l’agrémentant d’une expérimentation hip-hop ultra abrasive et ultra moderne qui rappelle, sans forcer, des groupes comme clipping ou Death Grips, deux des porte-drapeaux d’un rap presque, osons le dire, avant-gardiste, bruyant et volontairement déconstruit. Alors que des titres comme « Street Power » ou « City Rejects » font encore régner le spectre d’un punk-hardcore qui n’a pas pris la tangente testostéronée et parfois bi-neuronale de ses petits enfants, on replonge, grâce à ses guitares incisives, dans un son qui a fait le succès de Washington DC, il y a 40 ans maintenant. La rapidité et l’efficacité au service d’un message que la musique punk peut invoquer lorsqu’il s’agit de jouer les trublions face à la bien-pensance. Bad Brains sait de quoi je parle.

Mais Ho99o9 ne pouvait pas se contenter d’être juste un autre faire-valoir d’un style délaissé par la nouvelle audience hardcore. En grandissant autour d’artistes comme DMX ou Three 6 Mafia, theOGM et Eaddy ont très vite compris que le rap avait lui aussi cette possibilité de catalyser les foules. Des refrains hip-hop accrocheurs invoquant la lourdeur groovy et lancinante d’un $uicideboy$ comme sur le titre Hydrolics jusqu’aux drops de gros subs remplaçant sans honte les traditionnels breakdowns du hardcore, le rap trouve aussi bien sa place que le hardcore sur ce disque. Il la trouve d’autant plus lorsque le duo impose son phrasé aboyé sur des boîtes à rythmes godflesh-ienne comme sur Bleed War ou Face Tatt, refroidissant toujours plus le son et la viscéralité de l’énergie bourrée à la frustration transposée sur ce disque.

Névrosés, aliénés, agressifs et apeurés, Ho99o9 semblent nous indiquer la route pour l’enfer lors de la première écoute. Mais en choisissant de fusionner le mélange improbable de punk-hardcore, de trap/rap expérimental et d’un soupçon de lacérations industrielles, le duo cristallise ses angoisses d’une société au bord de l’apocalypse pour se relever et asséner quelques uppercuts que l’on pourrait lire comme les derniers intenses relents de rage qui animent Ho99o9. Une rage sincère et surtout bienveillante à l’égard d’individus issus d’un monde dont ils sont les spectateurs de son triste déclin.

 

 

 

Tracklist:

1. U.S.H
2. War Is Hell
3. Street Power
4. Face Tatt
5. When Death Calls - Interlude
6. Bleed War
7. Moneymachine
8. Splash
9. Knuckle Up
10. Dekay
11. Sub-Zer0
12. Feels Like... - Interlude
13. City Rejects

14. Hydrolics
15. New Jersey Devil
16. United States Of Horror

14. Blaqq Hole