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Raton et la bagarre #1

lundi 9 décembre 2019
Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

Bienvenue à tous dans ce nouveau format qu'il me tardait de vous présenter !

Fort du constat que Horns Up se soit toujours présenté comme un webzine "metal et HxC" ou "spécialisé en musiques extrêmes", mais que les sphères punk hardcore n'occupent qu'une infime partie de notre ligne éditoriale, je me suis dit qu'il était plus que temps de lancer une rubrique sur l'actualité hardcore.

Je vous présente donc la sobrement intitulée "Raton et la bagarre" qui essaiera de couvrir mensuellement (ou bimestriellement selon l'engouement et l'actualité) l'actualité dans les dérivés du punk hardcore. J'essaierai d'être aussi varié que possible et de chroniquer autant du hardcore "dur" (metalcore, beatdown, mathcore), que la partie plus émotive du genre (screamo, post-hardcore, midwest emo) et les styles plus anciens (New York hardcore, crust, HxC classique).

Je vous laisse donc avec ma première sélection, qui couvre les mois d'octobre et de novembre et qui devrait - je l'espère - renfermer au moins une sortie pour chaque sensibilité.

 

Counterparts – Nothing Left to Love
Metalcore mélodique / Metalcore – Canada

En l’absence de concurrents sérieux, les Canadiens de Counterparts sont devenus (aux côtés de Defeater) les nouveaux petits prodiges du hardcore mélodique avec une discographie régulière et consistante.

6e album en moins de 10 ans, « Nothing Left to Love», prend toutefois un tournant plus metalcore sans pour autant se départir de ses racines Hxc mélo à la Have Heart. L’intro est déjà culte avec son fédérateur “Will you still love me, when there’s nothing left to love” scandé avec désespoir. Les codes metalcore qu’ils adoptent sont certes bien plus dans l’air du temps, mais Counterparts les utilisent en y insufflant toute leur identité.

Pourtant, je ne peux tout de même m’empêcher de penser parfois que ça ne leur ressemble pas et que ça frise le racoleur, avec des titres moins percutants et alourdis par des tics de composition à l’instar de « Imprints » ou « Cherished ». Malgré des breaks efficaces comme sur « Your Own Knife », cet album manque à mes yeux de véritables titres marquants (pourtant, l’EP « Private Room » de 2018 annonçait du très lourd). Loin d’être leur meilleur mais tout de même au-dessus de la majorité de la production metalcore mélo de ces 10 dernières années.

 

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Frail Body – A Brief Memoriam
Screamo – USA

Après une poignée d’EPs et de splits, Frail Body se sont fait remarquer par les patrons du core-game, Deathwish Inc. C’est donc sur cet inévitable label qu’ils sortent leur premier album. Screamo classique, intense et abrasif, « A Brief Memoriam » offre 21 minutes de hurlements rêches pour les fans de Frail Hands (vu la proximité des deux noms, j’ai du mal à ne pas y voir un hommage), Lord SnowState Faults ou encore Loma Prieta.

À noter, un jeu particulier sur les guitares mélancoliques qui donnent un aspect plus nostalgique et amer au screamo des Américains. Très intéressant pour ceux qui souhaitent découvrir le genre ou approfondir son approche moderne, mais les amateurs n’y trouveront pas grand-chose de neuf.

 

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Pen Name – S/T
Midwest emo – UK

Sommes-nous revenus à Seattle, à la fin des années 90 et personne ne m’a prévenu ? Le premier album, éponyme, de Pen Name nous propulse 20 ans en arrière à l’époque de la sortie des premiers Sunny Day Real Estate ou American Football. Arpèges scintillants, lignes de chant plaintives, paroles nostalgiques et adolescentes : tout y est pour rappeler les grandes heures du midwest emo. Plus précisément, Pen Name convoque les grands noms de l’emo apaisé, celui qui se concentre sur des atmosphères apaisantes et une intensité contenue, à l’instar d’American Football ou Mineral.

Rien de révolutionnaire mais une très bonne proposition pour un genre sur le déclin depuis des années.

 

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Une misère – Sermon
Metalcore – Islande

Comme le disait si bien Niska le poète : « méchant méchant ». Descriptif laconique mais tout à fait approprié pour la musique des Islandais de Une misère (surprenant de voir à quel point le français est à la mode dans les sphères HxC). Metalcore « tough », tout à fait dans l’air du temps (Code Orange, Jesus Piece, Harm’s Way, etc.), le groupe n’est pas tout à fait en quête de subtilité, de finesse et de petits crescendos. Dès la première mesure, le ton est donné et il est rêche, sale et impitoyable.

Une lourde sensibilité black metal et hardcore se fait sentir à travers le disque, pour un résultat au comble du nihilisme et de l’efficacité (mais ça reste du metalcore donc ils ont mis de la reverb et doublé la voix sur les refrains, on ne se refait pas).

Je regrette toutefois une production Nuclear Blast classique (pas fous, ils ont capté les tendances les coquins) qui manque du relief nécessaire pour le plein épanouissement du metalcore (ça m’a évoqué parfois les derniers Behemoth).

 

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Varials – In Darkness
Metalcore – USA

Les Pennsylvaniens de Varials font partie de la catégorie poids lourds bas du front dans le metalcore US avec notamment Knocked Loose ou Kublai Khan. Leur premier album, « Pain Again » paru en 2017, propulsait déjà des parpaings par dizaines (écoutez le titre « The New Damnation »), mais pour moi n’apportait pas grand-chose dans la scène, si ce n’est encore plus de violence décérébrée.

Sur cet album, ils se payent le luxe d’inviter Brendan Murphy, le chanteur des tauliers du metalcore mélodique, Counterparts (ils avaient déjà invité les chanteurs de Knocked Loose et For the Fallen Dreams sur l’opus précédent).

Si les breaks sont légion, que l’attitude tough-core est omniprésente et qu’on ne peut nier l’efficacité d’une bonne partie des morceaux, l’album sombre à une vitesse folle dans le répétitif. À défaut d’être aéré et varié, « In Darkness » devient pénible après la moitié et souffre cruellement de sa longueur (41 minutes, ça devrait être interdit).

 

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Ghost Spirit – Hourglass
Screamo – USA

Je pourrais presque dire pour Ghost Spirit la même chose que j’ai dit pour Frail Body, à l’exception près que Ghost Spirit travaille bien plus sur les textures lourdes et les paysages post-apocalyptiques. Le travail scintillant de Frail Body sur les guitares est ici remplacé par une démarche lo-fi plus agressive.

Dans une année marquée par le retour en force du screamo rêche et hargneux (Senza, Nuvolascura, Lord Snow, Shin Guard), les Californiens de Ghost Spirit viennent ajouter leur pierre à l'édifice avec ce deuxième album solo.

Popularisé dans la scène screamo par leur split avec Frail Hands l'année dernière, Ghost Spirit semble s'affirmer comme une figure montante du skramz. Là où beaucoup des groupes cités ci-dessus prennent un parti plus emoviolence ou au moins plus radical, Ghost Spirit convoque les esprits du post-hardcore et du screamo originel avec des passages en voix claire et des arpèges amers et nostalgiques sans jamais toutefois se départir de passages bien bas du front comme on en raffole.

 

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Wolfbrigade – The Enemy: Reality
D-beat / Crust – Suède

Pour ceux qui ont du mal à suivre dans le fond, petit récapitulatif stylistique. Le crust, c’est un sous-genre qui incorpore au hardcore plus de vitesse et un son radicalement plus sombre et métallique tout en gardant les structures de l’anarcho-punk et du hardcore traditionnel. Le D-beat, quant à lui, est extrêmement proche du crust et repose surtout sur un pattern de batterie reconnaissable et sur l’imitation du groupe prophète : Discharge.

Wolfbrigade se situe donc entre les deux, car le groupe ne se contente pas de copier la patte Discharge et emprunte une voie bien plus mélodique et accrocheuse en rupture avec le son cru de la première vague. Ils se démarquent également par une fascination incommensurable pour les loups. Je ne comprends même pas comment ils ont encore des choses à dire sur ces bestioles, tant ils les ont utilisées dans tous les sens.

Certaines pistes sont dans le plus pur héritage de Discharge (écoutez l’intro de « The Wolfman » pour avoir une démonstration de la batterie typique du D-beat, ou « Sum of All Vices »), alors que d’autres s’en détachent plus (« Hammer to the Skull », « Nightmare of Wolves »), mais toujours livrées avec une interprétation impeccable et une foultitude de plans inspirés et adaptés à la démolition.

En bref, si vous avez toujours rêvé que Motörhead soit bien plus punk que metal, que vous aimez bien Deströyer 666 mais que vous avez besoin de quelque chose de plus sourd et rentre-dedans ou que vous voulez tout simplement taper du pied dans votre perfecto trop petit, Wolbrigade vous tend les pattes.

 

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M.O.R.O.N. – Dom
Metalcore – Pologne

Metalcore efficace avec la particularité de proposer un chant en polonais. Le groupe adopte un parti-pris résolument moderne mais qui ne cède pas aux sirènes du metalcore racoleur : pas de breaks faciles, ni de phrasé de neuneu edgy. Les ambiances sont travaillées avec des petites intros pétillantes qui sombrent vite dans le martelage hystérique des cordes graves pour faire valdinguer tables et armoires.

Je regrette toutefois le manque de versatilité dans le jeu de guitare et un jeu de batterie qui pourrait être plus original. « Dom » est un album à écouter surtout pour sa particularité linguistique, la musique qu’il livre étant de fait assez générique.

 

Et si vous voulez perdre quelques neurones de plus, il y a aussi les nouveaux Coilguns, Lionheart, Deez Nuts, Fit for an Autopsy (que ZSK avait mentionné ici), Gideon, The Devil Wears Prada (ou comment gâcher un magnifique artwork de Dan Seagrave), etc.