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15 trésors cachés... du Black Metal français

mardi 21 janvier 2020
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Nostalmaniac: L'exception française se glisserait t-elle jusqu'au Black Metal ? Sans doute et c'est une de mes scènes préférées qui m'a tant passionné par le passé et encore aujourd'hui. Des albums comme Les blessures de l'âme de Seth en 1998, Dor-nu-Fauglith d'Osculum Infame en 1997 ou les premiers Blut aus Nord font partie des indispensables, en plus des nombreux méfaits des Légions Noires (pas seulement ceux de Mütiilation et Vlad Tepes mais aussi Seviss et Torgeist) et de la sulfureuse scène de Toulon dont la réputation et l'influence ont dépassé depuis longtemps les frontières de l'Hexagone. D'autres trésors sont plus enfouis...

Pas de Mütiilation, de Deathspell Omega ou d'Antaeus ici, mais des oubliés, des disques méconnus et même des démos de groupes qui méritent qu'on dépoussière un peu leurs oeuvres quand ce n'est pas carrément les exhumer et qu'on partage avec vous nos pépites noires comme pour célébrer aussi plus de 25 ans de Black Metal français. Et ce n'est bien sûr qu'une infime partie de trésors cachés dont la France regorgent. Voici donc ce qui est à considérer comme une première partie sans prétention écrite à plusieurs mains.

Nostalmaniac
 

1. VUCUB CAME Vomito Negro | Symbolic Prods / Masochrist - Maltkross (réédition)

Vomito Negro est l'une des deux manifestations de Vucub Came, un projet méconnu originaire des actuelles Hauts-de-France et dans lequel on retrouve le guitariste Partes Secanto qui avait auparavant sévi dans Amon Sul, autre projet Black Metal nordiste dont la démo Goat Mit Uns parue en 1995 est l'unique fait d'armes.

Sur cette démo K7, Vucub Came développe un Black Metal au son cru et sale qui nous nous noie inexorablement dans une ambiance haineuse et absolument malsaine. Leur Black Metal travaille les tripes jusqu'à faire apparaître une odeur immonde, quelque chose de répugnant et fascinant à la fois. Plus qu'une démo, c'est une oeuvre noire authentique certes imparfaite mais avec des compos diaboliquement ficelées et des vocaux hurlés avec rage et fiel.

 

 

2. IRHMGAAR Sado Terrorist (Ugly Devil's Worshipper) Heaven Ablaze

Side-project de Grimvald, guitariste/bassiste du sulfureux projet isérois Armaggedon, il pactise ici avec le vocaliste néerlandais Striid (LugubreMord) et en profite pour réénregistrer quatre titres issus de ses démos (Funeral Hate de 2002 et The Satanik War de 2003) et bien que je regrette la présence d'une boite à rythme, ça donne un coté méthodique à leur Black certes basique, mais sinistre, haineux et sans concession.


3. HELEL A Sigil Burnt Deep into the Flesh Debemur Morti Productions (CD) / Necrocosm (LP)

Si j'ai tendance à parler beaucoup de Black Metal dans ses formes plus traditionnelles, je ne suis pas insensible à d'autres formes de ténèbres sonores, plus industrielles. Blacklodge est un exemple évident, mais autant parler d'une formation moins connue et tout aussi intéressante : Helel ! La formation francilienne a sorti ce qui reste à ce jour son unique album : A Sigil Burnt Deep into the Flesh en 2009 ! Un véritable concentré de Black industriel avec sa rythmique froide déshumanisée où le sentiment de démence est tentaculaire que ce soit par les vocaux, les sonorités indus, les effets ou la rythmique, tous les éléments nous entraînent dans des méandres de folie, de confusion et de schizophrénie. Bien qu'il soit court pour un long format (27 minutes), c'est un album qui devient très vite addictif.


4. GRIFFAR Of Witches and Celts ISO666 Releases / Non Serviam Records (réédition)

Formé en 1997, Griffar est une formation parisienne que j'ai pu découvrir par hasard en 2003 via le sampler du label ISO666 et qui m'a immédiatement marquée en un seul morceau qui figure sur ce magnifique Of Witches and Celts

Quatre pistes pour environ 48 minutes, cet opus est d'abord sortie en tant que démo et on aurait presque du mal à le croire car en plus de la duréé, la prod est relativement correcte pour le format. Griffar dépeint ici une fresque héroïque, païenne mais éminemment sombre. Les guitares sont mélodiques et épiques à foison avec une espèce d'aura médiévale majestueuse qui fait toute la différence autour de ces longues compos qui ne souffrent d'aucun temps morts comme les batailles légendaires que ça nous laisse imaginer. Indéniablement, le souffle épique est le moteur d'un tel album et "The Sanctuary of Cursed Warriors" est sans doute l'exemple le plus éclatant d'une vraie pépite méconnue du Black Metal français. 


5. DIAMATREGON  Blasphemy for Satan DMG Productions / Infernal Waves / tUMULt

Originaire de Grenoble, Diamatregon est un groupe dont on ne parle pas assez. En 2002, sortait Blasphemy for Satan, leur deuxième album, et il mérite qu'on s'y attarde car voilà un Black Metal agressif et réellement violent (et non bête et brutal), parfois mystique et atmosphérique aussi, où le mot Satan n'est pas vain. Les riffs agitent des flammes infernales soutenus par une batterie dévastatrice tandis que le rendu est brut et l'exécution sans compromis comme ces vocaux démoniaques qui me font encore plus adorer cet album. En campagne pour le Cornu, Diamatregon en est un formidable vecteur dans toute son horreur et ses tréfonds. A noter une reprise enragée et noire de Death Comes Ripping des Misfits

 

Hugo


6. TÜMËUR De l'hypnotisme morbide à la sublimation France d'Oïl Productions

Tümëur est un projet des années 2010 pour le moins confidentiel. Rien n’était disponible sur internet, et le seul moyen d’écouter les productions du groupe était d’acheter ses cassettes, chose rendue rare aujourd’hui. C’est en passant un jour commande chez France d’Oïl Productions, pris de curiosité, que je commande toutes les productions du groupe sans même avoir entendu une note de ce qu’il proposait. Alors ado, la magie prend quand j’ai l’impression d’être propulsé dans le monde Black Metal des années 90 et ses mailorders que je n’ai pas connu, en recevant ces quelques productions obscures. Au-delà de ça, ce fut une belle surprise que de découvrir là un projet vraiment convaincant. Loin d’un paquet de groupes lo-fi sans saveurs, Tümëur propose une musique tout à fait hypnotique a priori sincère, qui semble tant s’inspirer d'un Drudkh des débuts que d’Apollinaire. On a donc ici un mélange que l’on pourrait qualifier d’« anarcho-dépressif » (cf. Sédition et ses paroles), marqué par de longs riffs répétitifs, desquels émergent parfois des percées mélodiques bienvenues. À écouter un soir de janvier avec un bon Côtes-du-Rhône.



7. SA MEUTE 50 contre 1 | Diaphora Produktion

Sa Meute est définitivement culte pour les quelques initiés adorateurs du projet. Pour les autres qui ne connaîtraient pas encore, vous avez là un Black Metal du Sud de la France, qui va largement chercher son inspiration en Grèce antique et mythologique. Les compositions, aux relents Doom Metal, sont impressionnantes, portées par la voix si particulière d’Animal (leader du groupe). On a comme l’impression de dominer un champ de bataille depuis une falaise, les cheveux au vent et l’épée vers le ciel. Quelques interludes plus aériens, acoustiques, et définitivement moins belliqueux, ponctuent l’album efficacement. Pour autant, le tambour de guerre est omniprésent tout le long de l'opus, et l’intensité est à son paroxysme avec le dernier morceau éponyme. Sept titres, puissants tel une « armée tellurique […] visible depuis la lune », composant ce qui est à mon sens un monument du Black Metal français des années 2000, dont la singularité n’a d’égal que la grandiosité.



8. SAATKRÄHE To the French Fields of Inspiration | Les Créations Clandestines

Saatkrähe est en quelques sortes le projet précédant Sale Freux, mené par le musicien Dunkel. La musique du groupe est profondément froide et nonchalante, voire hostile. L’ambiance générale est presque effrayante, donnant à l’auditeur l’impression de marcher dans un champ de nuit, à peine éclairé par la lune tant le brouillard est présent. À titre personnel, j’ai toujours été très touché par la musique du Breton depuis mon premier contact avec le Black Metal (français). Saatkrähe va pour moi de pair avec son autre projet plus ambiant Drakonhail, tant ils réussissent chacun à me donner la chair de poule. La saturation des guitares est quasi-constante mais jamais impertinente, et contraste avec une basse plus « ronde », dont les notes contribuent grandement à créer toute l’atmosphère lugubre de ces productions. La boîte à rythme, quant à elle, est toujours très identifiable mais reste effacée, comme pour permettre à la voix de Dunkel de transpercer cette mélasse noire et de nous attaquer frontalement. À écouter seulement si l’on n’a pas trop peur des ténèbres.

 

S.

 

9. MURMUÜRE Murmuüre | Cold Void Emanations / Paradigms Recordings

Dans le paysage musical, il y a parfois des entités sorties de nulle part, qui posent un album, puis repartent dans l’anonymat en laissant derrière elles une oeuvre majeure. Murmuüre est de celles-là. Paru il y a presque dix ans, l’album éponyme se révèle être un véritable OVNI sonore tant l’individu derrière ce projet redistribue les cartes. On y retrouve l’aspect Black Metal, bien sûr, mais aussi du Dark Ambiant, une dose d’Indus, un aspect Noise... un florilège de genres que l’artiste marie à la perfection. Les titres sont denses, immersifs et captivants. L’aspect brutal n’y est pas du tout présent, on est plutôt sur un registre assurément mystique, globalement atmosphérique, sombre, possédé, voire psychédélique. L’album est certes court, environ une demi-heure, mais rien n’est à jeter, du début à la fin. On n’est plus dans le simple fait d’écouter un disque, on est dans l’expérience auditive. Du génie.


10. SINISTER OATH - Sinister Oath | Odi Profanum Vulgus et Arceo

C’est dans une quasi clandestinité que les Grenoblois de Sinister Oath ont sorti leur seule et unique production à ce jour, éponyme, en 2013. On ne sait d’ailleurs rien des membres qui composent ce projet, ce qui accentue tout le mystère entourant cette formation. Au niveau du contenu, Sinister Oath propose un Black Metal occulte et orthodoxe, dans la veine des groupes nordiques tels que Behexen ou encore Dødsengel. La pochette de l’album illustre parfaitement l’atmosphère émanant des compositions, qui se révèlent sombres, oppressantes et mystiques. Bien qu’il s’agisse d’une démo, l’oeuvre avoisine les quarante minutes, avec une production tout à fait acceptable, ce qui permet de s’immerger pleinement dans l’univers du groupe. Mention spéciale au titre “De Ritibus Hostis Animarum”, qui surclasse clairement tous les autres avec son final plongeant l’auditeur dans un tourment abyssal...


11. SPHERE - La symphonie des sphères | Les Création Clandestines / Transcendance

Darkspace a “popularisé” la thématique astrale dans l’univers du Black Metal. De nombreux projets ont fleuri peu après, la plupart conférant à leur musique une version enjolivée et poétique de l’espace, alors qu’il s’agit en réalité d’un endroit hostile et sans vie. C’est sous cet angle plus réaliste que Sphère a sorti son premier album en 2016, en cassette limitée à 50 exemplaires chez Les Créations Clandestines, puis réédité en CD chez Transcendance. L’opus s’articule autour de six titres, pour une durée totale dépassant les soixante dix minutes. Les morceaux sont alors relativement longs, afin de développer des ambiances sombres et énigmatiques, forgées par une production volontairement rugueuse, difficile d’accès, avec un clavier tout en sobriété. Ce dernier donne toute la dimension cosmique à l’œuvre, par ses sonorités à la fois cristallines et mystérieuses. La voix s’intègre également parfaitement à l’ensemble, en étant toutefois assez en retrait, pour mieux hanter les compositions par son côté lointain et inhumain.
Si un titre devait être retenu, ce serait assurément “Les vents stellaires”, le plus intense émotionnellement parlant, avec ses mélodies profondément aériennes et transcendantales.

 

 

Traleuh

12. DRASTUS Serpent's Chalice - Materia Prima | End All Life Productions

Dix ans avant un retour dans le dépouillement de la flamme avec La Croix de SangDrastus, le crotale de l'art noir, était fait d'un magma pur. Un magma tailleur de canyons onyxiens, se ployant, se déployant à l'envie, à l'instar de quelque ophidien, adoptant des formes plurielles, piochant dans un arsenal symbolique de haine - archétypes blasphématoires, figures de néant ; qu'importe si la qualité sacrilège est de mise. C'est une rage antique, saurienne qui bout dans le sang de Drastus, comme si la carcasse impie, le feu profanateur intrinsèque et inextinguible du Black Metal se tordait à la volonté serpentine du maître. Un squelette réptilien, courbé vers le néant ; l'alpha et l'omega, la materia prima du genre en une Géhenne parfaite, la France couronnée d'un diadème de mort. Drastus est ce rempart d'écailles face aux soliloques spécieux du genre, s'imposant avec une vigueur nietzschéenne, surplombant altièrement la roture ; ce rempart d'obsidienne aux veines fielleuses, supérieur parce qu'il le désire, que son désir se fait chair, une chair tonale acérée, de son et de sang.


13. ELHAZ Malemort | Raven Circle Productions

Dans ce dossier-sonde à la gloire de la scène française, Elhaz n'a pas tant l'allure auguste d'un trésor enfoui, dont la bouche déborderait en topazes et améthystes, que celle d'un secret ne circulant qu'entre le creux de l'oreille. Et du secret, Elhaz en a le charme presque féminin, cette enivrante intimité que l'on retrouve dans les productions françaises d'alors, Celestia en tête, cette proximité sacrale du secret que l'on veut préserver, ces élégies vermeilles dont on a, par quelque miracle, la précieuse exclusivité. Malemort a tout le mystère gracile d'une cérémonie illunée ou d'un bréviaire apocryphe, dédié à Hécate, une atmosphère figée dans une catalepsie liturgique que l'on voudrait jalousement enfouir en notre sein, aussi profondément qu'une tombe. Car si il est besoin de le rappeler, tout l'intérêt de notre démarche hiérophantique est d'initier aux mystères de l'Art noir, en aucun cas d'en décacheter le voile.


14. HIRILORN Legends of Evil and Eternal Death | Drakkar Productions

Il est difficile de ne pas se poster en prophète quand il s'agit d'aborder le cas Hirilorn. Le prophète d'un destin impie, d'un oracle monstrueux annonçant la naissance d'une engeance ignoble. Et pourtant Hirilorn est bien cet instinct inné convergeant irrémédiablement vers l'enfer, ce baptême enflammé avant la profession de foi, baptême dont il aurait toute la naïvité, ainsi la ferveur pure du sentiment. Legends of Evil and Eternal Death se déploie, comme Emperor, tout en théâtralité, dans une amplitude presque boréale ; il étend ses ailes de feu, et nous dispense ses envolées mélodiques de son éther nauséabond. Car déjà Hirilorn avait inversé ciel et terre et s'envolait pour Sheol, son ultime voyage ; un voyage aux proportions mythiques, parcourant cette métaphysique invertie, s'enfonçant toujours plus profondément dans la chair. Un voyage de perversité, carné dans l'immatériel, un voyage que seul Hasjarl, dans sa fournaise, a continué de graver, et grave toujours, à même l'anthracite.

Dolorès

15. FORBIDDEN SITE - Sturm Und Drang | Solistitium Records / Those Opposed Records (réédition)

On peut difficilement faire plus éloigné, et en même temps si proche de ses racines que Forbidden Site. Rien que qualifier le groupe de « Black Metal » semble audacieux, tant le groupe s'en éloigne à bien des égards. Sur Sturm Und Drang (1997), le chant vogue entre clarté romantique et hurlements torturés, dans un élan théâtral qui vient compléter les compositions. Les instruments se font parfois agressifs mais on trouve également beaucoup de mélodies et une ambiance largement mise au premier plan, entre poésie et cauchemar gothique. En même temps, le lys et la langue française dont celle de Victor Hugo ne font que rappeler que les Grenoblois tiennent à leur patrimoine hexagonal, tandis que le titre de l'album évoque l'art pré-romantique allemand où plane l'ombre de Wagner. Un bijou sous-estimé, un concentré de passion, avec ses imperfections et ses délires.

Il a bénéficié d'une réédition récente (LP et CD) chez Those Opposed Records, en même temps que le second album et la première démo.


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