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mardi 26 novembre 2019

Year Of No Light + Monarch! + Lethvm + Absynth @ Bruxelles

Magasin 4 - Bruxelles

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Ah, mais qu'est-ce que je l'attendais cette date ! Year Of No Light, Monarch!, Lethvm et Absynth se produisaient sur la scène du Magasin 4 samedi dernier dans le cadre des Nuits Plasma qui mettent à l'honneur les salles et artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. De toute évidence, le Magasin 4 est bel et bien un lieu incontournable de la culture alternative et underground bruxelloise qui souffle cette année ses 25 bougies. Et même si le M4 va devoir changer de lieu d'occupation pour la troisième fois de son existence suite à un nouveau projet urbanistique le long du canal où il est installé depuis septembre 2009, il est impensable de voir disparaître ce nom tant il est devenu important, aussi bien pour les amateurs de Metal extrême, que de punk ou de musiques plus expérimentales. 

Quoi qu'il en soit, le Magasin 4 accueillait donc un solide plateau entre Stoner, Sludge, Funeral Doom et Post-Metal : les Bordelais de Year of No Light, les Bayonnais de Monarch! et les locaux de Lethvm et d'Absynth qui ouvraient la soirée. Et il faut le noter, tout ça pour la modique somme de 10€. Une soirée... hypnotique ?

 


 

Absynth est une jeune formation originaire du Pays Noir (Charleroi), dans laquelle on retrouve Douglas (ex-Krig), que je suis depuis leur premier (et unique à ce jour) EP en 2017 mais que je n'avais pas encore pu voir en live. J'étais donc curieux surtout qu'ils ont pu mûrir en quelques années. Devant un public déjà bien compact et emballé, le quatuor va dérouler son Stoner/Doom très british façon Electric Wizard, c'est du moins l'influence la plus évidente, mais il ne serait pas honnête de résumer Absynth à un Electric Wizard-like. Rien que la vidéo projetée derrière le groupe donne une saveur particulière à leur show avec un espèce de collage loufoque sur ton vert de vidéos d'archives (guerres, procès, émeutes, violences, etc) et de films (comme l'Odyssée de l'Espace) sans grand lien si ce n'est le côté étrange et dérangeant mis bout à bout sur fond de trip psychédélique. Dans le chaudron musical des Carolos, on retrouve une grosse pincée de psychédélisme. Certains passages me font penser à Mythic Sunship par exemple, mais ce que je retiens surtout durant ce set où je ne me suis pas ennuyé, c'est la lourdeur qu'arrive à apporter le groupe et une certaine intensité sur chaque morceau qui relève un vrai effort de compositon et ce même si on peut parler d'un manque d'identité, ce qui est plutôt logique pour une jeune formation, mais je leur fais confiance pour y bosser. En live, Absynth est une première partie à prendre au sérieux et assurément un groupe à suivre...

 


 

Décidement, chez Horns Up on vous en parle énormément de Lethvm ! N'y voyez ce soir qu'une coïncidence, mais aussi le signe que le groupe devient de plus en plus inévitable sur les dates Sludge / Post-Metal à Bruxelles, ou en Wallonie. Ce n'est pas vraiment que je me suis interdit d'en parler, mais vu ma proximité avec les membres du groupe avec qui je suis parti en tournée il y a quelques années, l'exercice est un peu délicat et peut avoir l'air faussé, mais il serait malpoli que je n'en touche pas quelques mots. Ce que je ressentais après la release party de leur album au Botanique était un sentiment de fierté et entendons nous bien, je ne suis impliqué en rien musicalement ou conceptuellement, mais c'est plutôt la fierté de croire en un groupe quasiment à ses débuts et de le voir mûrir et suivre son propre chemin (sans se prostituer). This Fall Shall Cease était la chrysalide, Acedia est le papillon qui s'en échappe. Un papillon en noir et blanc bien sûr mais il y a une telle évolution par rapport à une multitudes de détails et bien que This Fall Shall Cease reste un premier album remarquable, je suis admiratif. Le groupe arrive parfaitement à infuser lourdeur et mélodies, mais aussi à alterner désolation et colère. Lethvm dégouline d'émotions et Vincent en est le premier vecteur, de par sa voix très à vif, tantôt hurlée tantôt plutôt claire et apaisée. Un peu comme son personnage qui a l'air fragile et dont on imagine les fissures émotionnelles sur ses lignes de chants mais habité d'une vraie conviction, de quelque chose d'authentique qui ne donne pas l'impression qu'il fait ça "pour le job". Et c'est le même sentiment que j'ai pour tout le groupe : l'authenticité. En live, ce ressenti ne se dissipe jamais. La setlist est sensiblement la même par rapport à la release party et je trouve que les nouveaux morceaux prennent une vraie dimension en live, il aura juste manqué ce petit quelque chose pour que ça décolle vraiment ce soir et ce n'est pas la prestation du groupe qui est en cause, c'est inexplicable parfois. Je suis quand même encore une fois très touché par le morceau final "Acedia" avec son clavier extrêmement poignant joué en chair et en os par Leïla Alev (Atome) à la gauche de la scène et qui donne un épilogue incroyablement intense et émouvant. Lethvm est de ces groupes qui arrivent à donner de l'émotion sans rien d'artificiel, à donner l'impression de refléter quelque chose qui est au fond de nous et que nous évitons d'exposer à n'importe qui.

 


La salle se remplit de plus en plus et c'est bien normal avec la renommée du groupe suivant : Monarch! qui a déjà joué au Magasin 4 (avec Bell Witch et Lethvm en avril 2018) et qui m'avait déjà fait bonne impression. Le groupe bayonnais va prendre un peu plus de temps pour s'installer sur scène et faire ses balances, ce qui n'est pas scandaleux quand on voit l'équipement du groupe à 5 têtes. Par contre ce qui est plus embêtant, c'est quand le groupe (et surtout Emilie Bresson - voix et console) s'ajuste encore pendant le live donnant une bonne partie de set que j'ai trouvé très crispé. Le lieu est pourtant propice au rituel : lumières rouges et bougies blanches autour de la console de la maîtresse de cérémonie Emilie Bresson, mais j'ai du mal à vraiment rentrer dans la cérémonie justement en voyant cette dernière tendue lutter contre les éléments et les larsens. Un public un peu trop bavard autour de moi n'aide pas non plus et c'est ce que je redoute souvent pour ce genre de concert. Ce qui est le cadet des soucis du bassiste Mic Bidegain (qui arbore un cossu longsleeve Hellripper), très démonstratif, et dont le chant guttural rend l'ambiance fétide et plus caverneuse à chaque intervention. Comme je le verrai avec mon comparse Matthias également présent, Monarch!, on aime ou on déteste et il faut mieux être averti. Trop Drone et trop de vibrations, juge t-il. C'est pourtant un des aspects en surface de l'expérience Monarch! qui doit se vivre comme une sorte de rituel obscur et macabre. Qui doit. Je verrai d'autres personnes quitter le concert avant la fin, sans doute faute de patience ou/et de compréhension. Ce que je ne vais pas blâmer, surtout ce soir, mais la musique des Bayonnais requiert quoi qu'il en soit de la patience et quelques clés. C'est l'ensemble qu'il faut pouvoir "digérer". Ce soir, il faudra attendre "Of Night with Knives" issu du dernier album Never Forever pour que je me laisse réellement ensorceler, envoûter. Le morceau me paraît un peu remanié, mais je suis vraiment ensorcelé par ce qui semble être une incantation répétée encore et encore par Emilie Bresson ("le sang des innocents" me reste en tête) sur fond de Funeral Doom et les effets sur sa voix font disparaître son air apaisant pour quelque chose de plus maléfique. C'est là-dedans que Monarch! excelle, séduire pour lentement entraîner l'auditeur dans une sensation de chute inexorable en le perturbant avec différentes voix, masculines et féminines. Ce coté purgatif aussi dans lequel j'ai trop peu plongé ce soir. Pas de quoi me faire bouder Monarch! non plus, réussir ce genre de cérémonie avec toute l'ambiance qui va avec à chaque fois n'est pas non plus prévisible. 

 

 

Je peux vous dire que ça fait des années que Year Of No Light est dans la liste - pas si énorme - des formations que je veux ABSOLUMENT voir un jour. Je ne pense pas être le seul, le public est bien garni. Autant dire que mes attentes sont grandes, à la hauteur de leurs albums que je réécoute tellement année après année (Nord et Ausserwelt en tête) et je regarde sagement le collectif s'installer. Ce n'est pas triste : deux batteries, un clavier, une console et ce qu'il faut d'amplis. On sait tous que plus on a d'attentes, plus on risque d'être déçu surtout avec des projets comme celui-ci où il y a énormément d'instruments et de bidouilages techniques, mais dès les premières notes, je vais être très vite rassuré et je n'ai pas envie de vous faire un stupide track by track technique tant ce concert m'a paru cinématographique. C'est pourtant un ressenti qu'on peut déjà avoir sur l'album, mais en live j'ai trouvé le rendu encore plus atmosphérique et donc immersif. Ce que je trouve totalement fascinant chez YONL, c'est cette capacité à créer de véritables paysages sonores et nous embarquer dedans. Les instruments suffisent à être autant de pinceaux sur une fresque qui se réalise sous nos yeux et ça m'a totalement fasciné du début à la fin surtout qu'aucun couac sonore ne viendra gacher ça (YONL est un habitué des lieux puisqu'il y joue pour la cinquième fois si j'ai bien entendu). Des paysages pas toujours lumineux mais émouvants et passionnants qui laissent aussi place à notre imagination, à nos sensations et nos émotions, comme le font les maitres incontestés de Godspeed You ! Black Emperor et tout comme les Canadiens, on sait le collectif emmené par une vision et c'est leur grande force. Ce qui en fait un des groupes les plus respectables et intéressants de l'Hexagone. Les passages avec les deux batteries sont vraiment captivants et à chaque morceau on atteint un sommet d'intensité inégalable. C'est plus que des frissons, je n'arrive pas à vraiment expliquer ça. "Hiérophante" sera pour moi le Climax de ce set époustouflant surtout quand le morceau s'accélère, mon cœur s'emballe aussi et je me sens vraiment en communion avec cette incroyable fresque sonore. Avec autant de musiciens sur scène (certains passant d'un instrument à l'autre), c'est impressionnant bien sûr mais il règne une harmonie imperturbable et ça donne une profondeur ahurissante à leur musique, bien plus qu'en studio. Jérôme Alban introduira l'inévitable et monumental Stella Rectrix, point d'orgue d'un set inoubliable, pour annoncer que le nouvel album sera prochainement mixé et devrait sortir l'an prochain ! Difficile de retranscrire un set de Year Of No Light qui se vit plus qu'il se décrit mais je ne m'attendais pas à une telle puissance au niveau de l'intensité et de l'immersion, surtout en live. Ce n'est pas simplement un concert, c'est un peu une expérience sonore, un peu une catharsis. Certes ils ont les arguments pour côté instruments et équipements mais avoir les bons outils ne suffit pas, il faut une âme d'où une flamme peut jailir et enflammer le reste. Celle des Bordelais m'a immolé. 

 

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