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mardi 19 novembre 2019

Paris Hardcore Shows (Benoît)

Benoît

Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

En marge du Paris Hardcore Fest (couvert ici et ), j’ai eu l’opportunité de poser quelques questions à Benoît, l’organisateur de cette réunion annuelle du hardcore à Paris.

                                                                                                  

Raton : Salut Benoît ! Déjà merci d’avoir accepté de répondre à nos questions et merci pour avoir organisé ce week-end de folie. Pour commencer est-ce que tu peux te présenter et ton parcours dans la scène hardcore ?

Benoît : Je m'appelle Benoît, j'ai 36 ans et je fais des concerts hardcore à Paris depuis un petit paquet de temps maintenant, mais plus récemment sous le nom Paris Hardcore Shows.

Je ne vais pas parler de parcours car le hardcore n'est pas une école où tu fais des études, mais disons que je suis arrivé dans le milieu vers les années 2000, spectateur d'abord puis ensuite à faire des groupes, partir en tournée. Puis, au fur et à mesure, en voyant des gens faire des shows l'envie m’est venue.

 

Raton : À part toi, qui est derrière le PHF et comment t'es venu l'idée de le créer ?

Benoît : Alors, j'ai décidé de faire un fest l'année dernière suite à la proposition du plateau Turnstile/Incendiary de souvenir. J'avais l'idée déjà depuis quelques années de faire un festival à Paris mais c'est pas si simple. Les grosses tournées coûtent très cher et les salles aussi. Il y a aussi pas mal de plateaux qui ne passent pas en France.

J'ai eu quelques exclusivités ces dernières années et ça c'est bien passé à chaque fois, je pense que prendre des risques et proposer aux gens des groupes qui viennent peu ça les motive.

Du coup avec ces deux groupes là je me suis lancé, j'ai demandé à Birds in Row que je connais depuis des années, j'ai eu Get the Shot et ainsi de suite.

Pour cette année je voulais faire plus gros, j'ai tout de suite eu l'envie de faire un truc sur deux jours, fidéliser les gens tu vois. J'étais pas tout seul car je me suis mis avec Manux de l'asso We Care. De base il fait les gros shows de punk rock sur Paris mais depuis peu il fait de plus en plus de hardcore. On en a discuté et on s'est dit qu'on allait le faire et je crois qu'au final on s'en est pas mal sorti !

 

Raton : Je te le confirme ! La première édition a été un énorme succès : qu'est-ce qui a changé pour cette deuxième édition ? Quelles leçons tu as pu tirer du PHF #1 ?

Benoît : Alors oui, de mémoire, la première édition a été sold out 2 semaines avant le fest. Notamment grâce à la notoriété des groupes : Turnstile aujourd'hui va chercher dans plein de milieux différents et ont une exposition dans plein de magazines différents. Ils ont franchi un très gros cap donc forcément leur nom a fait venir plein de gens. Ensuite, Incendiary ont une grosse renommée dans le milieu hardcore et passe très peu en Europe, c'était même leur première fois ici. Get the Shot sont super populaires en France, ils ont une grosse fanbase et je crois que le côté francophone joue pour beaucoup là-dedans.

La chose la plus difficile je crois pour la deuxième édition était de trouver des groupes avec la même exposition que ceux de l'année dernière et là c'était pas facile car j'avais eu LE groupe qui fait sans doute le plus buzzer. Et surtout, il fallait en avoir 2 pour faire 2 têtes d'affiche.

Quand on a réussi à avoir Terror on s'est dit que c'était pas mal parti et puis ensuite on a réfléchi au lendemain. Moi je voulais vraiment avoir un groupe européen, car je trouve ça important de pas toujours mettre la lumière sur les groupes US. Et en Europe la référence c'est Arkangel, je les ai contactés et ça s'est fait. Avec ces deux-là on était déjà pas mal.

J'ai pas vraiment tiré de leçons de la première édition, je me suis juste encore plus rendu compte que si tu n'as pas de groupe super médiatisé (toutes proportions gardées bien sûr) dans un show ou un fest ça devient très compliqué. Médiatiser ce style reste encore un peu compliqué, surtout bien le médiatiser.

 

Raton : Cette édition a aussi eu du succès donc tu peux confirmer une troisième édition ? Si oui, quels sont tes projets et les directions que tu veux explorer avec le PHF pour le futur ?

Benoît : Alors j'ai envie de faire une troisième édition forcément ! Je veux que ça devienne un vrai rendez-vous attendu chaque année, c'est l'objectif. Mais, j'ai pas la prétention de vouloir le faire encore plus gros, je trouve qu'il faut garder une bonne proportion pour ce style.

J'avais une idée pour cette édition déjà (juste après avoir fini le 1er d'ailleurs) : faire un fest 100% groupes français de tous styles différents. On n’a pas 100 groupes super bons dans chaque style mais on a au moins deux groupes super bons par style. C'est toujours dans un coin de ma tête pour plus tard.

 

Raton : À ce propos, l'affiche de cette année est très marquée hardcore tough et old school (metalcore, beatdown). Pourquoi ce choix ? Et est-ce que tu aimerais ouvrir la programmation à d'autres genres à l'avenir (crust, screamo, post-hardcore) ?

Benoît : C'est pas forcément un choix. C'est aussi dû aux groupes qui tournent et à ce qu'on nous propose. Le fest n'est pas assez gros et reconnu aujourd'hui pour pouvoir faire venir des groupes pour une ou deux dates donc faut jongler avec les groupes en tournée et essayer de trouver de bonnes additions à tout ça.

Quant à ouvrir le fest à d'autres genres... je ne sais pas. Je pense qu'il y a assez de ressources dans beaucoup de styles pour faire des fests de chaque genre. Malgré ça, l'année dernière j'avais mixé du black metal avec End of Mankind, du punk hardcore mélo avec Hightower, du "je sais pas comment vous l'appelez" avec Birds in Row [NDLR : post-hardcore ça me paraît pas mal comme étiquette] et tout ça mélangé avec Turnstile, etc. Certains sous-genres vont bien se marier et d'autres non.

 

Raton : Cette année, il y a eu 4 groupes français à l'affiche mais aussi beaucoup de groupes US : c'est encore difficile de faire une affiche sans les US ? Est-ce que c'est toujours eux qui dominent la scène selon toi ?

Benoît : Honnêtement si tu veux rester dans un seul style oui c'est dur. On a des gros groupes français dans plein de styles différents, ils coûtent beaucoup d'argent mais nous en avons. Comme je te disais, ma volonté serait un jour de faire un fest avec 100% de groupes français.

Autrement, oui c'est encore compliqué voire impossible de faire un fest sans des groupes US. Ils monopolisent la scène hardcore mondiale de par leur nombre et leur qualité.

 

Raton : Toujours au sujet de l'affiche, cette année mélange les vieux tôliers de la scène (Terror, Death Before Dishonor, Arkangel) et nouvelle garde. Est-ce que le PHF se veut aussi le porte-parole de ce renouvellement ?

Benoît : J'irai pas jusque-là ! Honnêtement je suis personne pour pouvoir dire que j'aide à quoique ce soit. Si je peux mettre des bons groupes plus petits je le ferai quoiqu'il arrive. Mais je pense qu'avant de vouloir jouer dans n’importe quel festival ou concert, chaque groupe devrait déjà savoir où ils se situent et bien mener leur barque en tant que groupe. Faire un truc solide et que tout soit cohérent dans leur démarche. Si tout est raccord et qu'ils font les choses bien, ils joueront c'est sûr.

 

Raton : En ce moment, le HxC connaît un regain de politisation (retour en force du DIY US, mouvances écolo, anarchistes, etc.). Je voulais aussi te demander comment le PHF se situe par rapport à ça ?

Benoît : Ma position par rapport à tout ça a toujours été claire : je ne mélange pas musique et politique. Evidemment si un mec est dans le public et qu'on sait que c'est un mec d'extrême-droite ou qu'il se fait remarquer on va le faire sortir, mais pour moi c'est juste du bon sens humain. De base, nous devrions tous avoir cette vision des choses.

Mais je ne me suis jamais servi de la musique pour faire passer quelconque message. Quand j'étais dans un groupe ou en tant qu'orga, ça a toujours été l'endroit où je posais mon cerveau et où je balançais ce que j'avais à dire sur ma vie, mes problèmes etc.

Aujourd'hui je vois trop souvent (à mon goût) des shows ou les "à côtés" prennent le pas sur la qualité du festival à proprement parler. C'est de la musique, c'est fait pour se détendre, pour vivre le truc, les gens n’ont pas forcément besoin/envie de messages derrière tout ça.

 

Raton : Merci à toi d’avoir pris le temps de répondre à mes questions et bon courage pour la suite, on suivra tout ça avec une grande attention !