Chronique Retour

Album

07 janvier 2019 - ZSK

Festerday

Iihtallan

LabelSeason of Mist Underground Activists
styleDeath Metal
formatAlbum
paysFinlande
sortiejanvier 2019
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Avec le retour en force du Death-Metal scandinave depuis un paquet d’années maintenant, il n’est pas étonnant d’avoir eu affaire à maintes reformations et divers retours de groupe d’époque. Alors quand les Finlandais de Festerday ont annoncé leur retour en 2013, il n’y a finalement rien de bien surprenant. Mais, dans leur cas, si, justement. Car Festerday n’est pas un groupe comme les autres, pas une formation qui signe un bête retour en tout cas. Les musiciens ont bien évidemment eu d’autres groupes entre temps mais dans le cas particulier de Festerday, c’est bien plus compliqué. Car Festerday est en réalité le tout premier nom d’…And Oceans, groupe finlandais qui s’était distingué pour son Black Sympho assez original, qui a viré Electro/Indus par la suite. …And Oceans se nommait donc Festerday entre 1989 et 1992, sortant trois démos et un split. Brièvement nommé Cardinal, puis Peacefrog et Raw Energy, trois noms sous lesquels il n’a rien sorti, le groupe deviendra …And Oceans en 1995 et aura la suite de la carrière qu’on lui connaît (quatre albums entre 1998 et 2002), avant de changer à nouveau de nom pour Havoc Unit en 2005 (même si en réalité …And Oceans continuera à exister en sortant des inédits en 2007), sortant un unique album (h.IV+, 2008) dans un style encore plus dur et industriel que le dernier …And Oceans qu’était Cypher (2002). Et c’est ainsi qu’en 2013, la formation bouclera la boucle en reprenant son tout premier patronyme, Festerday. C’est vraiment une histoire assez singulière même s’il elle se compliquera encore, car apparemment, …And Oceans se serait également reformé en 2017. Vous allez me dire, comment deux groupes qui sont a priori la même incarnation d’une seule formation peuvent coexister, la réponse est toute simple et vous l'aurez déjà trouvée vu qu'on parle de retours de groupes de Death scandinaves : Festerday ne faisait, et ne fait pas, le même style qu’…And Oceans. Les experts auront reconnu en "Festerday" le nom d’un morceau de Carcass sur Reek Of Putrefaction en 1988. Ainsi, Festerday faisait lors de sa première incarnation du Death-Metal bien gras et gore. Et, en 2019, c’est de nouveau le cas.

Nous sommes donc finalement bien loin du Metal assez futuriste qu’ont pu faire …And Oceans et Havoc Unit lors de leur temps d’existence. Pour être complet, précisons que le line-up actuel de Festerday comprend le vocaliste Kena Strömsholm et les deux guitaristes Timo Kontio et Teemu Saari comme « anciens » membres d’…And Oceans (Teemu n’avait pas pris part à Havoc Unit, mais avec ses deux autres compères il faisait partie de O, le mystérieux groupe de Black-Metal qui a officié entre 2000 et 2005). Le line-up est aujourd’hui complété par le bassiste Antti Räisälä et le batteur Jani Kuoppamaa, tous deux membres du groupe de Crust Khaos Nihil avec Kena. Bon, j’arrive au bout de cet historique et il va donc être temps de parler de ce que nous propose donc Festerday en 2019. Il est sûr qu’il ne faut pas attendre du …And Oceans, on va voir si cet « autre » groupe va réellement revenir un jour, d’ailleurs si j’avais été enthousiaste sur le retour de Festerday en 2013 sachant que Havoc Unit n’avait rien sorti depuis 5 ans, j’ai été assez refroidi sachant que ça serait du Death old-school au programme (…And Oceans ayant été un de mes groupes de chevet pendant bien longtemps), surtout que je n’avais jamais écouté les démos de Festerday. L’erreur avait déjà été réparée grâce à Svart Records qui avait sorti en 2015 The Four Stages Of Decomposition, une compil qui regroupait les trois démos, du vieux rehearsal et du vieux Live, mais aussi des morceaux recomposés, réenregistrés et renommés. Une bonne façon de voir ce que vaut cette « reformation » de Festerday, même s’il faudra attendre pour découvrir de nouvelles compos originales. Il faudra encore patienter 3 ans, à moins d’avoir mis la main sur les splits et EPs sortis de manière très confidentielle en 2017 (le groupe poussera même le vice jusqu’à reprendre… "Festerday" de Carcass sur le split avec Cadaveric Incubator), pour que le groupe revienne sur Season Of Mist ex-label de …And Oceans (vous suivez toujours ?) et signe à l’automne 2018 le picture EP 7" Cadaveric Virgnity. Avec en point d’orgue l’énormissime "The One Who Strangle Stars and Suns" qui nous avait été présenté avec un clip, un délicieux morceau gras et boueux, lourd et percutant, qui signe le retour définitif de Festerday dans un Death-Metal old-school de premier choix très prometteur. Alors ce n’est pas du …And Oceans, mais ça va le faire.

Logiquement inspiré, à l’époque (vu que c’était à peine le début des années 90…) par les deux premiers albums de Carcass, Festerday pratique donc un Death-Metal assez gore, pas spécialement Grind, surtout glaireux et même plutôt lourd. C’est bien évidemment ce qui ressortait des réenregistrements présents sur The Four Stages Of Decomposition, mais depuis les choses ont forcément changé. Le Festerday v.2019 se laissera donc désormais inspirer par l’ensemble de la discographie de Carcass, des deux premiers méfaits très cadavériques au plus mélodique Heartwork en passant par Necroticism (et faisant bien évidemment l’impasse sur Swansong, ça va de soi, et demeurant plus old-school que Surgical Steel). Ça ne s’arrête pas là et on peut encore retrouver des touches de Death suédois (Dismember en tête) voire celui, plus dark, de leurs compatriotes finlandais. L’aspect gore est toujours prédominant, des paroles jusqu’au chant même s’il sera ici globalement moins grave que celui qu’on avait pu déguster jusque-là. Les vocaux n’en seront qu’encore plus Jeff Walkeriens, tout en repiquant des influs Crust au passage, mais si Festerday sonne dans tous les coins comme un hommage à Carcass, il n’en sera pas qu’une vulgaire copie. Avec une production digne de tous les standards Death old-school remis au goût du jour, Festerday ne peut que cartonner dans sa forme actuelle. Voilà donc Iihtallan, le premier véritable full-length de Festerday, 30 ans après sa formation initiale ! Au programme, il ne faut ainsi attendre rien d’autre qu’un Death-Metal bien gras et gore. Mais ce qui va surprendre dans cet album, en tout cas ce qui m’a personnellement sauté aux oreilles, c’est que lorsqu’on chasse le naturel, il revient au galop… Après l’intro bien glauque "The Last Night of the Earth" qui met dans l’ambiance, Iihtallan se lance déjà de manière bien grasse et baveuse (et avec un nom de morceau déjà exquis) sur "Edible Excrement", avec un chant criard à l’unisson. On sent déjà le groove de Carcass, mais sur certains riffs appuyés… eh bien on sent carrément le touché d’…And Oceans, enfin celui de la fin de sa carrière donc du plus direct Cypher. Et c’est encore plus le cas sur les mélodies qui se pointent au fur et à mesure du morceau, qui renvoient elles aussi à certains moments de Cypher et de manière encore plus évidente. Donc même si on fait le deuil du style …And Oceans devant ce pur Death-Metal, eh bien on en retrouve quand même un peu. Et ça fait grave plaisir !

Après tout c’est logique, vu qu’il s’agit des deux gratteux d’…And Oceans et que leur propre background et leur propre touché est forcément présent. Mais cela nous donne du Death Carcassien avec des petits bouts d’…And Oceans et Havoc Unit dedans et ça donne un mélange sympathique. On retrouvera donc encore bon nombre de riffs appuyés typiques ("Kill Your Truth", "Dreaming for the Dead", "Gravelove" notamment) et encore des mélodies ("Tongues for Rotten Kisses", "Dreaming for the Dead" par exemple) qui me renvoient toujours à la bonne époque des fantastiques morceaux comme "Debris : The Magenta Harvest : Liquid Flesh". Mais bon, trêve de nostalgie tout à fait personnelle, parlons plutôt du pur Festerday qui se démarque quand même nettement du style d’…And Oceans et c’est le moins que l’on puisse dire. Iihtallan est un des albums de Death-Metal old-school bien achalandé et bien équilibré, dans le sens où le rythme n’est globalement ni trop lent, ni trop rapide. Certes, cet album comporte son lot de morceaux assez rampants (le boueux "Tongues for Rotten Kisses", "Dreaming for the Dead", le bien lourd "Flowers of Stone"), mais Festerday reprend toujours la main pour ne jamais devenir barbant. Iihtallan collectionne donc les moments bien gras, et mouline souvent bien sans en faire des tonnes (l’excellent "Kill Your Truth", le remuant "Vomiting Pestilence" avec de super riffs à la clé, "Into the Void", "Constructive Decomposition", le plus punchy "Gravelove", l’incisif "The Human Race Disgrace"). Le groupe en profite tout de même pour se lâcher en pondant des compos plus rentre-dedans et efficaces de temps à autre (le mortel "Control Not Your Soul", le plus cru "Flowers of Bones"). Et influence revendiquée de Carcass oblige, et remise au goût du jour, les mélodies seront forcément présentes, que ça soit pour des leads ("Tongues for Rotten Kisses", "Flowers of Stone", "Into the Void") ou pour venir se mêler aux riffs même ("Vomiting Pestilence", "Flowers of Bones"), le paroxysme étant atteint sur "The Human Race Disgrace" avec des mélodies assez torturées et sombres. Bref, Festerday fait ici bien le tour de tout ce qu’on peut faire en matière de Death old-school assez gras, très gore et un peu mélodique, le Death old-school façon Carcass donc.

Iihtallan est d’ailleurs un album assez généreux, avec pas moins de 50 minutes de musique pour 15 morceaux dont une intro. Cela peut faire beaucoup sachant que nous avons des compos au standard Symphonies Of Sicknessien, entre 3 et 4 minutes en général. Cet album va donc s’essouffler un tantinet sur la fin, des longueurs et redondances finissant par apparaître sur l’enchaînement de morceaux "Into the Void" (la plus longue piste du disque) - "Constructive Decomposition" - "Gravelove". Mais Iihtallan est quand même relevé par bon nombre de compos très inspirées et assez monstrueuses, en particulier l’enchaînement des trois tueries que sont "Tongues for Rotten Kisses" - "Kill Your Truth" - "Control Not Your Soul". Et tout à la fin on se retrouve encore avec un gros hit au nom encore exquis, "Your Saliva My Vagina", qui balance encore des riffs ultimes et présente en sus un parfait équilibre entre gras, mélodies et lourdeur, à l’image d’un album complet et souvent efficace, tout autant qu’aéré pour ne pas non plus étouffer sous les couches de graisse. Iihtallan se termine enfin par une dernière curiosité, le morceau "Let Me Entertain Your Entrails", qui semble être un inédit tiré d’une autre session, avec un accent plus old-school et des touches Black-Metal et même des voix quasi-claires (!), d’autant qu’il est aussi présenté en bonus en version « Redux », façon démo rehearsal. La petite énigme de l’album, pour le reste tout sera clair, c’est du Carcass worship à presque 100% qui plaira ou pas, mais l’expérience des musiciens acquise pendant les années …And Oceans fait clairement la différence. Les Finlandais se font vraiment plaisir avec ce retour de Festerday, pour achever ce qui avait été commencé au tout début des années 90, avant que les musiciens ne choisissent une autre voie musicale chez …And Oceans puis Havoc Unit. La boucle est donc bouclée avec Iihtallan, un délicieux album de Death-Metal gore, qui aurait peut-être du être moins long pour être encore plus efficace, mais on pardonne les quelques moments un peu plus bof tant le Death Carcassien de Festerday cartonne, et est bien exécuté en plus d’être parfaitement équilibré. …And Oceans reviendra, ou ne reviendra pas, en attendant on retrouve une partie de son touché riffique et mélodique chez Festerday, où on ne l’attendait pas spécialement mais ça fait plaisir. Et si on attendait juste du Carcass, eh bien on sera largement servi en termes de cadavres putrescents encore sanguinolents. Hyvä Ruokahalu !

 

Tracklist de Iihtallan :

1. Intro - The Last Night of the Earth (0:53)
2. Edible Excrement (4:08)
3. Tongues for Rotten Kisses (3:57)
4. Kill Your Truth (3:18)
5. Control Not Your Soul (3:01)
6. Dreaming for the Dead (4:11)
7. Vomiting Pestilence (3:27)
8. Flowers of Bones (1:45)
9. Flowers of Stone (1:51)
10. Into the Void (4:56)
11. Constructive Decomposition (3:54)
12. Gravelove (4:15)
13. The Human Race Disgrace (3:22)
14. Your Saliva My Vagina (3:55)
15. Let Me Entertain Your Entrails (3:02)
16. Let Me Entertain Your Entrails (Redux) (3:03)