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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Dissection

Storm Of The Light's Bane

LabelNuclear Blast
styleMelodic black - death
formatAlbum
paysSuède
sortienovembre 1995
La note de
U-Zine
10/10


U-Zine

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Pour fêter les 4 hivers d’U-zine, j’ai choisi de vous replonger dans un passé froid, et quel passé ! C’est le mythique 2ème album de Dissection, « Storm Of The Light’s Bane » qui est à l’honneur dans cette chronique. Rien ne sert de gamberger : cette œuvre de Dissection est un must à avoir dans la discographie de tout amateur de black et de death mélodique, et pour l’éternité.

La pochette, signée par Kristian Wåhlin (aka Necrolord – dessinateur pour Emperor, Bathory, Therion, Tiamat, Mercyful Fate, King Diamond, et tant d’autres), est un premier avertissement lorsque l’on regarde le CD : la Grande Faucheuse est prête à nous emmener avec elle. Elle nous pourchasse sur son cheval, notre fin est proche (le sablier qu’elle tient dans la main droite est en train de s’écouler). Il doit nous rester en durée de vie en ce moment… je dirais... les quarante-quatre minutes du chef d’œuvre.

Storm Of The Light’s Bane est clairement de nationalité suédoise, avec ses relents de death mélodique utilisés à bon escient, comme si Jon Nödtveidt en avait synthétisé le meilleur, pour nous l’offrir. Mais puis-je me permettre de vous rappeler quelque chose ? Allez, oui, je le fais… L’album qu'on est en train d'évoquer a été composé en 1994. A l’époque, le death scandinave était à peine en développement. En extraire aussi bien la quintessence requiert donc d’avoir un génie aux manœuvres ; et ce fut le cas.
Dissection a proposé une pièce homogène de huit morceaux, ouvrant une brèche entre le black et le death. Aujourd’hui, beaucoup de groupes ont tenté de s’engouffrer dans cet espace, mais aucun n’est parvenu à égaler le maître. Nous allons essayer de comprendre pourquoi Storm Of The Light’s Bane est si parfait.

Tout d’abord, comme je l’ai dit plus haut, l’influence du bon death mélodique est bien présente. Celle-ci est renforcée par une ambiance très funeste rarement constatée ailleurs (l’intro « At The Fathomless Depths » en est la parfaite illustration : un jeu à 2 guitares, l’une ayant un jeu mélodique, et l’autre tantôt accompagnant la noirceur des bruits de fond, tantôt jouant en mélodie avec la première guitare). Ce sentiment de malaise suscité avec une telle puissance et une telle intensité tout au long de l’album, tient du miracle (un miracle génial) : Dissection n’a utilisé le clavier qu’UNE seule fois : pour l’outro magnifique qui clôt ce chef d’œuvre.
Vous ne voyez pas où je veux en venir ? Et bien, pensez aux innombrables parties de clavier que doivent mettre certains groupes de black, pour finalement ne pas atteindre un tel niveau d’impression malsaine. Dissection est vraiment au dessus du lot.
Cet album n’est pas seulement une exposition du savoir-faire suédois en matière de death. Vous avez été, ou vous serez étonné de vous rendre compte que par moments, on croirait entendre Morbid Angel (notamment pendant « Night’s Blood »). Ce côté thrashy tranchant est en plus amené avec une voix black, ce qui renforce son attaque sur nous : un peu comme les surfeurs dans les tubes d’eau, nous surfons d’une piste à l’autre en pénétrant de plus en plus profondément dans le tunnel. Mais à chaque instant, le rouleau death menace de nous emporter, et la lame de fond black de nous vaporiser sur place.
La production de l’album est excellente et permet de bien apprécier la prestation de chaque musicien. Ces derniers ont composé des morceaux aux structures différentes (un album riche donc), avec de nombreux breaks, transitions, qui montrent bien aussi que Dissection a d’autres influences moins extrêmes : le Heavy Metal de King Diamond et d’Iron Maiden. « Thorns Of Crimson Death » le démontre bien en étant le morceau le plus dense et complexe de l’album. En plus, on est surpris d’entendre un début à la Cynic, bien appréciable.
« Where Dead Angels Lie » est assez différente des autres titres, avec un côté lancinant, nous menant quasiment à l’obnubilation. Son côté celtique et l’usage d’une voix robotisée au début prouvent bien qu’en plus de vouloir résumer au mieux ce que le groupe aimait, ils souhaitaient en même temps expérimenter (avec réussite).

Mon morceau préféré (choisir est une vraie corvée tellement ils sont tous merveilleux) est « Night’s Blood ». Une sacrée gifle en pleine tête, avec un côté radical nous perforant, et une alchimie parfaite avec un heavy ingénieusement exploité. Ce morceau permet aussi à Dissection d’étaler toute sa dextérité et sa vélocité. L’équilibre parfait a été trouvé entre la mélodie et la brutalité.
Jon Nödtveidt est un génie, mais un génie décrié pour les raisons qui l’ont amené à aller en prison de 1997 à 2004 notamment. Sa voix est l’une des plus marquantes du black metal, et dans cet album, elle a été bien aidée par les reverbs. Je la trouve meilleure que dans The Somberlain, le premier album, avec en plus des murmures envoutants, et l’usage d’une superposition de voix grave par moments.
Ses compositions de guitare devraient être enseignées dans la science du riff si celle-ci existait, tout comme ses parties jouées en acoustique (particulièrement bien choisies, qui font des transitions idéales entre les morceaux ou dans les breaks).
Johan Norman était l’homme de la situation à la guitare rythmique, et il avait du boulot ! Le compositeur, John Zwetsloot, parti avant l'enregistrement, avait bien travaillé. Il en va de même pour Peter Palmdahl à la basse, qui a rendu là une très belle copie. Enfin Ole Öhman (actuellement dans Deathstars, oups, il s’est perdu) est impressionnant derrière les fûts, entre jeu progressif, bourrinage thrashy et blasts supersoniques.
Que dire pour finir ?
Et bien deux choses :
D’une part, j’ai essayé de nombreuses configurations pour écouter l’album. Ma préférée est en position allongée dehors, sur un transat, le casque aux oreilles, à passer Storm Of The Light’s Bane tout en regardant le coucher du soleil et en laissant le froid et le noir s’installer autour de moi.
D’autres part, j’ai eu la chance de voir une fois Dissection en concert il y a quelques années. Malheureusement, à l’époque, ce monument était pour moi un groupe parmi tant d’autres, car je ne le connaissais que très peu. J’ai même été à la fin du show serrer la main de Nödtveidt, ne sachant même pas qu’il sortait de prison pour un crime que j'aurais condamné, mais content d’avoir vu là un concert excellent.
Toujours est-il que Storm Of The Light’s Bane est son œuvre, son chef d'oeuvre. Une savante alchimie musicale qui ne sera jamais plus égalée (ne parlons même pas de dépassée). Le suicide de Nödtveidt le 15 août 2006 apporte un peu plus de prestige au groupe et à son œuvre. Cet acte, les convictions qui l’accompagnaient, je les mets de côté, et je salue ce grand homme.

"Death Is The Orgasm Of The Life" - Jon Nödtveidt (1975-2006) R.I.P.

P.S. : si vous tombez sur la réédition de 2002, en double CD, foncez, vous ne serez pas déçu. En plus, au programme, des covers de Slayer, Tormentor, et des démos appétissantes.

1. At The Fathomless Depths
2. Night's Blood
3. Unhallowed
4. Where Dead Angels Lie
5. Retribution - Storm Of The Light's Bane
6. Thorns Of Crimson Death
7. Soulreaper
8. No Dreams Breed In Breathless Sleep

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