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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Ihsahn

angL

LabelCandlelight records
styleMetal Extreme Progressif
formatAlbum
paysNorvège
sortiemai 2008
La note de
U-Zine
9.5/10


U-Zine

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Auguste, Jules Cesar, Constantin 1er, Charlemagne, Charles Quint, Napoléon, Sissi (si si !) et Vegard Sverre Tveitan aka Ihsahn ont tous un point commun : ils ont été à différentes époques des Empereurs.
Il y a une chose qui les caractérisait alors tous : un désir ardent de conquérir le monde, ce qu’ils ont tous réussi à différentes échelles. Ihsahn d’Emperor y est parvenu, et de quelle manière !!
Il y a enfin une autre facette de leur histoire qui les rassemble : après une apogée sans contestation aucune, ils ont tous fini leur vie isolés de ceux qui les ont aidé à arriver tout en haut.
Est-ce qu’Ihsahn serait, avec ce second album solo intitulé AngL, arrivé à la fin d’un cycle musical ? Nous allons le voir à travers cette chronique...

Après un très bon premier opus The Adversary, sorti en 2006, Ihsahn s’est concentré sur le management de son label Mnemosyne productions avec sa femme Ihriel (avec laquelle il joue dans Peccatum). Il a aussi fait quelques piges avec Emperor (et quels concerts !).
Il était temps pour lui de retourner en studio et de composer une seconde galette solo.
Pour cela, il a de nouveau fait appel au batteur Asgeir Mickelson (Borknagar, Spiral Architect, Vintersorg, et même une date en live avec Testament, etc.) et a recruté Lars K. Norberg (Spiral Architect, Satyricon) à la basse (pas des manches quoi...).

La pochette ! Elle est très sombre et quasiment nue. Une statue d’ange (ou de victoire) tombant à la renverse est à peine visible sur la gauche, mais elle est très attirante. Le titre et le nom Ihsahn sont très sobrement disposés au centre de la pochette en blanc, par opposition à l’obscur fond de l’image. Une pochette réussie pour moi !
Le titre ! « AngL »… Prononcez « Angel » ! Que signifie-t-il ? On ne le sait pas, Ihsahn reste mystérieux à ce sujet et il n’a pas encore donné beaucoup d’interviews pour promouvoir son album, donc patience ! (pour info, AngL est le nom d'une province de l'ancienne Arménie de l'an 300 jusqu'à 800, mais j'ignore si ça a un rapport)

Ihsahn, en dépit de sa vie bien remplie au niveau familial et professionnel, est un « Misanthrope ». C’est ce qu’il semble vouloir dire à travers le premier morceau d’AngL. Il nous rassure en quelque sorte en commençant son album avec cette chanson : elle est dans la continuité de son précédent opus The Adversary, avec un black épique très influencé par la musique classique, avec des parties claviers qui renforcent le côté grandiose.
Mais n’allez pas croire que la suite est du même acabit ! Ihsahn a poussé encore plus loin son exploration des genres musicaux, et le tout, avec brio (car il est parvenu à garder une harmonie générale pendant tout l’album, là où dans son premier essai, quelques dérivations étaient perceptibles).
N’allez pas croire de même qu’AngL est bridé !! C’est tout le contraire. Ce que semblent indiquer les textes d’inspiration Nietzschéenne. La bonne production (dans son studio personnel) contribue à renforcer ce sentiment d’exploration perpétuelle : à chaque nouveau morceau on découvre des choses différentes. Le mixage est parfait et on entend très bien chaque instrument (ahhh, ça fait du bien de pouvoir par exemple admirer les compos de basse)

Du black comme dans Emperor et dans son premier album solo ? Oui, il y en a dans « Misanthrope », « Malediction » ou encore « Monolith » (même si un passage progressif au milieu est là pour dire le contraire).
Notez au passage 2 choses :
- Tous ces titres commencent par un M (ce sont les seuls de l’album. Il doit bien y avoir une raison !)
- Ils sont situés à des endroits stratégiques d’AngL : au début, au milieu et à la fin. Un peu comme un miroir qui semblerait refléter les différentes facettes d’Ihsahn.

Ihsahn aurait fait du remplissage entre ces 3 morceaux ? Bien sûr que non !
Les 6 autres sont davantage portés sur la musique progressive qui permet de magnifiquement mettre en avant sa nouvelle guitare 8 cordes (Ibanez RG2228), et que c’est bon !
Parlons tout d’abord de « Unhealer » (3ème piste du CD), qui, comme beaucoup le savent, nous présente un duo remarquable entre Ihsahn et … Mikael Akerfeldt (Opeth, Bloodbath). Après une introduction très mélodique, comme pourraient le faire les frères Amott dans Arch Enemy, le chant clair d’Akerfeldt illumine notre esprit, sur une partie instrumentale purement progressive. Quel régal !
Et on n’en a pas fini, puisque la suite montre un jeu vocal entre Ihsahn et Mikael en voix death du plus bel effet. Puis, oh surprise, on a un peu avant 3 minutes un passage … reggae avec la voix d’Akerfeldt !!! (Vous en avez rêvé ? Ils l’ont fait…) Et qu’il est bon ce passage aussi. Bref, un régal et ce jusqu’à la fin ! Une apparition guest comme on les aime : pas uniquement un coup de pouce commercial, mais plutôt une véritable entente entre 2 musiciens qui se respectent mutuellement.

Outre ce duo fracassant (on croirait entendre Eugène Saccomano…), nous avons droit à un joli voyage entre la musique progressive mélodique, atmosphérique, le jazz et la musique classique (notamment sur « Emancipation » et « Scarab »). Je dois dire néanmoins pour la première des 2 chansons que je n’aime pas le refrain qui me fait vraiment penser à du metal swedish melodic habituel, sans inspiration.

Le morceau le plus orienté Jazz est « Alchemist », sans aucun doute. Il est construit sur l’histoire vraie de Goethe Faust (célèbre alchimiste allemand du 19ème siècle, qui a notamment parlé du démon Mephistopheles à travers ses écrits). On peut noter une forte influence de Dream Theater / Liquid Tension Experiment je trouve au niveau expérimental dans ce morceau, pour le solo de guitare ainsi que de la rythmique qui l’entoure. Tout ça pour dire aussi qu’outre la très bonne qualité de cette piste, ces messieurs les bassiste et batteur ont été au top niveau derrière !

Les autres morceaux sont de très haut calibre eux aussi ! Je vais citer « Elevator » qui, lorsque vous l’écouterez, débute par une superbe harmonie musicale antithétique. Quoi ? Kezako ?
Pour expliquer sans le son, je vais dire que le titre « Elevator » commence par un jeu de guitare tout en descente infernale (ça y est ? Vous avez compris l’opposition ?). Et là où elle est énorme cette chanson, c’est que c’est celle qui a le côté épique le plus prononcé ensuite, avec des effets de guitare et des sons ajoutés magnifiant la musique planante.
Pour en terminer avec les morceaux, il y a « Threnody ». C’est un morceau avec une grande partie en guitare acoustique (vous croyiez y échapper ?), qui me fait penser à Opeth… Le tout est accompagné de lignes de violon de temps en temps qui amplifient cette impression qu’on a de musique atmosphérique.

Pour terminer, je vais parler de la voix du maître et faire 2 remarques : Ihsahn a posé sur cet album une voix parfaite ! A la fois empereur du black (mais pas aussi criard que dans les albums d'Emperor), romantique noir et envoûteur mélodique. Sur son duo avec Akerfeldt, sa voix death moins caverneuse que le maestro d’Opeth est néanmoins bien en osmose avec. Une réussite donc !
J’en viens à ma première remarque : lorsqu’on écoute l’album, on entend une chose très rare dans le monde de la musique (c’est même un euphémisme) : Ihsahn a laissé toutes ses phases d’inspiration sur les pistes ! Ce qui fait qu’avant un grand cri death par exemple, on l’entend très fortement aspirer l’air. Moi ça me plaît car ça met en avant un côté naturel ! Je sais néanmoins que certains n’aimeront pas entendre au fil des 47 minutes 19 secondes ses incessantes prises d’air… Chacun ses goûts.
Ma deuxième remarque ne parle pas de la voix d’Ihsahn, mais des titres d’AngL : vous avez remarqué ? Ils sont tous composés d’un mot. C’est donc différent de son premier album solo, et ça entre en contradiction avec la complexité de sa musique. Là encore, nous devrons attendre les interviews pour savoir pourquoi ?

En définitive, Ihsahn, à travers AngL, nous montre à quel point retrouver une liberté artistique peut être prolifique, après tant d’années au sein d’Emperor. Il a rendu là un opus encore meilleur que son premier essai et fait la part belle à l’exploration musicale. Cet album est quasiment une réussite totale (à part ce refrain mélo qui m’agace dans « Emancipation » et quelques petites autres choses anecdotiques). Les fans de black pur et dur bouderont bien sûr AngL, mais tout dépend de l’angle suivant lequel on l’aborde.
Les mécontents retourneront écouter leur In The Nightside Eclipse, et ils auront à la fois raison, ... et tort.
Moi je vois ça comme une ouverture personnelle à des choses qui lui étaient inaccessibles dans Emperor. Qui sait, reviendra-t-il dans le groupe légendaire et y incorporera-t-il ses expérimentations magnifiques ?
Je terminerais en disant que je suis incapable de déterminer quel est mon morceau préféré, car c’est tellement bien fait qu’à chaque nouvelle écoute , je me dis : « c’est celui-là que je préfère. Ah non, c’est celui-là maintenant, etc. ». Ce qui veut dire que je ne suis pas près d’enlever AngL de mon lecteur CD…
Une sortie d’album à ne rater sous aucun prétexte !

1. Misanthrope
2. Scarab
3. Unhealer
4. Emancipation
5. Malediction
6. Alchemist
7. Elevator
8. Threnody
9. Monolith

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