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mercredi 24 mai 2017

Ragnard Rock Fest 2017 - acte III

Andrea et Franco Giannelli

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Comme vous le savez, le Ragnard Rock Festival sera de retour pour une troisième édition du 20 au 23 juillet, toujours à Simandre-sur-Suran, dans l'Ain. Un festival qui a fait couler beaucoup d'encre l'été dernier mais qui continue à prendre sa place parmi les festivals estivaux français avec une programmation riche et variée aussi bien pour les amateurs de Folk et de musique traditionnelle que de Metal extrême.

Pendant plus d'une heure, j'ai pu échanger avec Andrea et Franco Giannelli, organisateurs du festival, sans tabou dans les bureaux espagnols de Rising Moon Productions sur l'édition 2016, les polémiques, la prochaine édition, l'avenir du festival, les coulisses mais aussi les projets annexes de Rising Moon.

Retour sur l'édition 2016

Nostalmaniac : Pour commencer, sans tout de suite entrer dans les détails, quel est votre état d’esprit avec le recul par rapport à l’édition 2016 et celle de 2017 qui approche ?

Franco Giannelli : Notre état d’esprit est extrêmement positif parce qu’on revient à un élément fondateur: le soutien incroyable qu’on a eu des festivaliers pour nos deux premières éditions. Un soutien qui nous a même surpris et qui a donné un sens des responsabilités par rapport à cet engouement. Ca nécessite bien sûr de professionnaliser l’organisation et d’essayer d’être le plus cohérent possible avec cet engouement. Un état d’esprit donc positif, engagé et enjoué !

Justement, cette édition 2016 parlons-en, quels sont vos meilleurs souvenirs et les plus mauvais ?

Andrea Giannelli : Dans les meilleurs, c’est difficile, il y en a plein. En fait, c’est à chaque fois pareil: le meilleur souvenir qu’on peut avoir, c’est le travail accompli, simplement. Le Ragnard Rock Festival, c’est une année de travail, 24h sur 24 , 7 jours sur 7. Et le meilleur moment, c’est effectivement quand on ouvre les portes du festival et que tu vois les premiers festivaliers rentrer. Tu te dis: « Voilà, on y est ». Une année de travail qui s’accomplit. Et d’ailleurs, c’est aussi le pire souvenir car tu travailles pendant une année pour trois jours au final. En tout cas, c’est comme ça que je vis ça. 

Franco : Meilleur souvenir de 2016, c’est d’avoir pu démontrer à tous que d’aimer l’histoire, d’aimer une certaine vision de la culture païenne, aimer un certain type de musique ne traduisait pas un engagement politique. Ce n’est ni la haine de l’autre ni un rejet de l’autre mais au contraire quelque chose qui allait rassembler 4.000 personnes qui venaient d’horizons différents, de couleurs différentes et certainement de vies sociales complètement différentes. Ces 4.000 personnes ont passé quatre jours ensemble à vivre leur passion. Ça c’est pour moi mon meilleur souvenir. Le pire, c’est nos défaillances de jeune organisation. On ne peut pas nier qu’on a refait des conneries au niveau technique. Heureusement que le warm up était là pour les régler, mais effectivement il y a eu des petits couacs. Le but de la professionnalisation du festival est là aussi pour ça. On veut s’améliorer et on veut donner la meilleure expérience possible à nos festivaliers. 

Justement, parlons des couacs avec le concert raté de Nokturnal Mortum. Je sais que le groupe s’est déjà expliqué mais une bonne fois pour toutes, vous pouvez expliquer ce qui s’est passé ?

Andrea : Ce qui s’est passé, concrètement, ça a été une défaillance collective…

Franco : Ca a été une cascade de petits couacs qui sont dus au démarrage du festival. Nokturnal Mortum avait préparé un show spécial qui avait demandé techniquement un certain nombre de choses. 

Et qui devait être filmé…

Franco : Absolument. Il devait y avoir une captation, il devait y avoir de la projection !

Andrea : C’est pas que pour eux que ça a merdé. 

Franco : Et malheureusement, on a peut-être surestimé la capacité d’une organisation qui n’était qu’à sa deuxième édition pour mettre en place un staff technique assez professionnel pour obtenir ce résultat là. D’un côté ça tombe mal car c’est Nokturnal Mortum et que c’était très attendu mais d’un autre côté ça tombe bien... car c’est Nokturnal Mortum et qu’on a des liens d’amitié assez forts. Ca n’a rien entaché entre nous ! 

Quel bilan tirez-vous du Ragnard 2016 ? Quels sont les chiffres que vous pouvez nous donner ? 

Franco : Les chiffres qu’on peut donner par rapport à cette édition, c’est un peu plus de 14.000 personnes sur les quatre jours. En moyenne, on a eu plus de 3.000 festivaliers par jour. La participation de plus de 100 vikings dans les combats. A peu près une cinquantaine de stands et d’artisans.  C’est un Metal Market fourni de distos venus des quatre coins d’Europe et du monde. On avait Sepulchral Productions du Québec. Il y a un chiffre clé qu’on a pas honte de divulguer car c’est le problème de tous les festivals: la difficulté à trouver un équilibre financier. Il faut savoir que le Ragnard n’est pas rentable. La première édition, on a accumulé des dettes. La deuxième édition, on a perdu un peu moins de sous mais on a continué à en perdre. C’est difficile mais on compte vraiment sur cette troisième édition pour trouver un équilibre. 

L’affluence a t-elle répondue à vos attentes ?

Andrea : Oui. Sans faire de fausse modestie, plus que ce à quoi on s'attendait. 

 

 

Difficile de ne pas parler des polémiques auquelles vous avez du faire face. Dès la première édition, vous avez connu ça mais on peut dire que l’année dernière ce fut assez virulent. L’événement a t-il été en sursis à un moment ?

Franco : L’événement n’a jamais été en sursis mais la venue de deux groupes a pu l’être un bref instant. Nous avons du expliquer, avoir un travail didactique avec les administrations et la mairie. Je crois qu’on a eu une chance inouïe d’avoir une administration qui nous a fait pleinement confiance. Qui a cru dans notre sincérité, qui a cru dans notre capacité à démontrer à tous qu’on nous attaquait à tort. Et en ça, il faut rendre grâce à la mairie de Simandre-sur-Suran, à la préfecture de Bourg-en-Bresse et aux gendarmeries. Ils nous ont fait confiance.

Andrea : Et on doit aussi remercier aussi tous les fans et les festivaliers du Ragnard qui ont fait preuve d’une maturité monstrueuse et qui se sont mobilisés pour nous. Que ce soit les premières polémiques sur Internet ou même sur le terrain, les festivaliers sont venus nous défendre. Ils ne sont pas allés dans la surenchère. Nos fans ont joué un rôle très important dans cette histoire.

Franco : Et on va rajouter une couche avec les partenaires, à commencer par vous. Et effectivement, tous les partenaires presse. Tous les partenaires et prestataires du festival. On a eu à comptabiliser aucune défaillance à ce niveau-là et ça, pour nous, c’était à la fois un honneur et une responsabilité. C’était important de ne pas décevoir tout ces gens. Tout ces partenaires. Tout ces webzines qui eux aussi, et vous êtes bien placés pour le savoir, ont subi des attaques car ils nous soutenaient. Et ils ont tenu bon. On vous doit le respect de nous avoir soutenus dans ces moments-là.

Comment vous-avez ressenti cette pression, justement ?

Andrea : On s’attendait à ce que ça arrive. On a d’ailleurs été étonnés que ça arrive aussi tard et ce qui a peut-être été le plus difficile à gérer dans cette histoire, c’est l’aspect instantané qui a rendu les choses assez pénibles. On était à trois semaines du festival avec une masse de travail. On était en plein montage. On n’avait pas la tête à faire de la "politique".

Franco : On pouvait effectivement s’attendre à une levée de boucliers mais on ne s'attendait pas à ce qu'elle vienne d'associations aussi sérieuses. Que des webzines du fin fond du Web viennent nous attaquer sur des éléments fallacieux, c’était envisageable. Mais que des institutions aussi sérieuses et aussi respectables que SOS Racisme et la LICRA viennent nous attaquer, ça c’était inattendu. Inattendu et décevant. 

Avez-vous dû rassurer certains artistes ou management ? 

Franco : Non, car les artistes ont un rapport assez charnel et fraternel avec le festival. Les artistes, chez nous, c’est pas des machines à cachets. Ce sont des gens qui s’impliquent dans le festival et qui s’impliquent souvent même en amont du festival en créant des setlists spéciales pour nous. Il s’impliquent réellement dans le festival et à aucun moment ils n'ont mis en doute le festival. 

Andrea : Il y a une confiance mutuelle.

Franco : Totalement. Je vais juste prendre un exemple car il est totalement révélateur de cet état d’esprit: on avait quand même, dans les têtes d’affiche, Faun. C’est un groupe allemand. Et bien, malgré la résonance particulière que peut prendre une telle polémique en Allemagne, malgré les nombreux mails reçus parce qu'ils participaient au Ragnard, Faun a tenu bon et a pu vérifier qu’on n’a pas trahi leur confiance pendant ce festival. 

 


Faun sera de retour à Simandre-sur-Suran en clôture du warm-up le 20 juillet.

 

Un esprit cynique dira que le bad buzz est une publicité quand même…

Andrea : C’est triste mais c’est vrai.

Franco : C’est extrêmement cynique, mais sans le vouloir ces attaques ont fait que le Ragnard a pris une aura nationale et internationale qui n’a aucune mesure avec la taille de l’événement. 

Andrea : Ce genre d’événement amène à la fois ce genre de trucs pas très drôle comme le bad buzz, même si c’est du buzz. Ca a amené aussi des élans de solidarité inattendus. On a eu des personnes qui en avaient vraiment rien à foutre en tant qu’événement du Ragnard. Rien à foutre du Metal, des vikings ou de la musique mais qui par soutien à la liberté d’expression ont acheté des pass du festival. Juste par soutien !

Franco : On a effectivement eu des messages de personnes qui nous ont dit avoir acheté un pass alors qu’ils ne pouvaient pas venir. On a eu un pic de ventes à l’approche du festival qui était certainement lié à cet élan de solidarité. 

Des polémiques qui sont tombées en plein état d’urgence. Comment vous avez géré ce renforcement obligatoire de la sécurité ? 

Franco : On n'a pas eu à le gérer car on a eu un réel soutien, entre autres, de la gendarmerie. Il faut savoir que dans l’état d’urgence, la gendarmerie avait prévu un dispositif pour le Ragnard Rock Festival qui est un dispositif comparable au passage du Tour de France à Bourg-en-Bresse. Pour un festival de 4.000 personnes, c’est ridicule mais l’état d’urgence avait fait que c'était le cas. Les polémiques n’ont fait que renforcer l’idée que ce dispositif devait être mis en place... mais il faut avouer que le samedi matin, le dispositif s’est largement allégé : on avait plein d’intervenants de sécurité qui étaient avec des t-shirts de groupes pour être plutôt au milieu des festivaliers vu l’ambiance bon enfant qu’il y avait.

Vous aviez fait un formulaire à destination du public pour connaître les choses à améliorer. Qu’est-ce qui est revenu le plus souvent ? Comprenez-vous ces remarques ?

Andrea : Oui, effectivement. Ce qui est revenu le plus souvent, ça a été l’accès aux points d’eau. C’était un de nos gros défauts et c’était déjà problématique lors de la première édition. Ca allait un peu mieux en 2016 mais c’était pas encore ça. On a eu beaucoup de critiques pour le prix de la bière mais aussi sur la bière qu’on proposait. Évidemment, quelques couacs techniques ont été relevés. C’est important pour nous et ce n'est pas pour rien qu’on a demandé l’avis aux festivaliers et qu’on continuera à le faire dans l’idée de rester un festival familial et proche de son public. Ca nous permet d’être au plus proches de leurs demandes. Bien sûr , les remarques ont été prises en compte. D’ailleurs, ce sont nos points particuliers de travail cette année.

L’édition 2017

Comment avez-vous abordé cette nouvelle édition  ? J'imagine que dès l'été 2016, c'était déjà dans vos têtes...

Andrea : On l’a abordé assez simplement, car on a un rythme de travail assez structuré. Effectivement, on avait déjà au moment de l’édition 2016 les grandes lignes de ce qu’on voulait pour l’édition 2017. C’est là où ça rend amusant ce que certains disent sur le fait qu’on devient plus mainstream ou qu’on s’ouvre un peu trop par rapport à leurs goûts : en pleine composition du RRF 2016, on avait déjà en tête ce qu’on allait faire pour cette édition. Et c’est encore aujourd’hui le cas. On réfléchit déjà aux grandes lignes de l’édition 2018.

Y aura-t-il des réajustements pour l'édition 2017 ? Quels sont les points noirs que vous avez spécialement pris en compte cette année ?

Franco : Les points d’amélioration qu’il fallait absolument prendre en charge, c’est l’approvisionnement en eau et, de manière plus globale, il fallait professionnaliser la logistique. Un festival qui a grandi aussi fort et aussi vite que le Ragnard ne peut pas être exploité par une petite association avec trois bénévoles. On a donc engagé un régisseur professionnel. On a associé à l’événement quatre associations, chacune responsable d'un secteur. Ça, c’est la grande amélioration. On n'a pas grands moyens, mais on essaye de donner la meilleure expérience possible à nos festivaliers. 

Andrea : Pour les problématiques d’eau, on reste sur le même terrain mais on a retravaillé complètement la logistique pour pallier ce genre de problème. Tout ça pour dire qu’on tient compte de ce que disent les festivaliers et qu'on fait ce qu’on peut avec nos moyens. On ne peut pas promettre la lune mais je suis confiant : on va s’améliorer.

La billetterie avait été un peu chaotique l’an dernier avec de très longues files d’attente avant et pendant warm-up…

Franco : Oui, et cette année on aura résolu ce problème avec une plage horaire plus grande. Le camping ouvrira plus tôt, ce qui permettra d’avoir un flux de personnes qui pourront être servies en dehors du rush. Dans la mesure du possible, prévoyez les préventes car on fera divers guichets pour que ceux qui ont des préventes puissent accéder plus rapidement au site ; ça soulagera le guichet vente. Le guichet de vente est celui qui va retarder tout. On aura donc plusieurs guichets qui permettront de donner un peu plus de rapidité à ceux qui se présenteront avec une prévente. 

Le site avait légèrement changé l’an dernier. On reste sur le même cette année ?

Andrea : Oui, avec quelques modifications mineures intra-festival qui concerneront surtout l’équipe technique. La zone public restera à peu près la même. 

Cette année vous comptez sur combien de spectateurs ? Les préventes sont t-elles satisfaisantes ?

Franco : On est sur le même rythme que l’année dernière mais on sait déjà qu’on aura un afflux assez massif sur le village pour deux raisons : le côté didactique du village va attirer plus de visiteurs et la scène Heim a une qualité exceptionnelle cette année. On s’attend à avoir au minimum 5.000 personnes. Très probablement, on sera obligé de se déclarer sold-out avant le festival. On a un site qui nous permettrait d’accueillir 15.000 personnes par jour, mais on ne veut pas. On veut se limiter à 5.000 car on veut que les festivaliers puissent se coucher sur le terrain pour voir un concert. 

La Norvège est à l'honneur pour cette édition 2017. Parlons d'abord des groupes, aviez-vous déjà pris contact avec certains dès l'été 2016 ?

Franco : Je crois qu’on peut donner une réponse assez courte. Maintenant, on a déjà vingt groupes pour l’affiche 2018. Evidemment, donc, que l’année passée à la même période, on avait déjà la même quantité de groupes. 

Andrea : Les gens croient parfois que ça se fait sur le tard , mais en vérité, on doit potasser ça bien l’avance !

La sélection s’est opéré en fonction de goûts personnels ou la demande du public joue beaucoup ?

Andrea : Plus par goûts personnels, j’avoue.

Y a t-il des regrets ? Des groupes qui ont finalement décliné ?

Andrea : On a deux groupes qui ont décliné.

Satyricon sera la grosse tête d’affiche cette année. Doit-on s’attendre à un show spécial ou best-of ?

Andrea : Joker ! (rires)

Quels sont les trois artistes que vous êtes les plus fiers d’avoir à l’affiche cette année ?

Andrea : Saor, Forndom et Shibalba.

Franco : Arkona car il faut savoir qu’au mois de novembre 2014, ça a été le premier groupe qui, les yeux fermés, a signé pour le Ragnard Rock Festival. Cette preuve de confiance et de compréhension de ce que nous allions faire était pour nous un soutien considérable. Donc, Arkona à nouveau au Ragnard avec une nouvelle setlist et un nouvel album c’était important. Kampfar, par goûts personnels et un lien personnel qui s’est crée avec Dolk. Le troisième, ce serait Saor. Malgré mes talkie walkie, même si on me cherche, je vais tout éteindre lors de ce concert qui clôturera le festival. Si je dois ne pas manquer un concert, c’est celui de Saor

Saor est un beau coup…

Franco : Saor est une cible depuis longtemps mais ne voulait plus faire de live. On a pris le temps de faire comprendre à Andy Marshall (frontman du projet) que le Ragnard n'était pas qu'un festival mais que ça va au-delà. Je pense que ça a déclenché en lui une véritable réflexion sur comment proposer sa musique par le biais d'événements authentiques. Non seulement ils seront présents au Ragnard, mais nous allons organiser une tournée en automne pour Saor. On est assez fiers de l'avoir convaincu...
 

Le public a parfois tendance à juger "ce que devrait être le Ragnard", à juger si tel ou tel groupe annoncé (ou même cité dans les commentaires) "correspond" à ce qu'ils croient être l'esprit du festival. Ca vous agace ou ça vous touche, de voir que les gens s'identifient à ce point au festival? 

Franco : Bien sûr, ça nous touche. Que ce soit des remarques positives ou négatives, c’est touchant. Rappelons-nous qu’on est né en même temps que Horns Up. On est des gamins dans le game. Et de se dire qu’il y a une telle appropriation d’un événement aussi jeune que le nôtre, que de gratitude. 

Andrea : Même si ça peut être parfois usant, c’est effectivement touchant car les réactions des fans du Ragnard sont entières et prouvent quelque part que c’est devenu aussi leur bébé. C’est un bel hommage. Ils ont des réactions de gens passionnés, dans le bon comme dans le mauvais. Après, le Ragnard, c’est une idée qui nous est propre, on a une vision extrêmement précise de ce qu’on veut donner. 

En plus de mettre en avant la scène musicale d’un pays, comme l’an dernier vous allez mettre en avant aussi l’aspect culinaire. A quoi peut-on s’attendre cette année comme spécialités et comme stands ?

Franco : Je peux juste te dire pour l’instant qu’il y aura des menus inspirés par ce qui se faisait dans l’an mille.

Ce sera la deuxième édition pour la Heim stage. Vous n’avez pas été chanceux avec quelques annulations (dont the Moon & The Nightspirit en dernière minute) et retards l’an dernier. C’était important pour vous de garder cette scène malgré tout ? 

Andrea : C’est fondamental et on voulait le faire dès la première année. Chaque édition apporte son lot de nouveautés avec des choses qu’on veut intégrer. On est très fier de ce qu’on a fait avec la Heim et c’est quelque chose d’établi pour le festival. 

Franco : Au point que cette année il y aura une grosse nouveauté. On a créé un pass 3 jours aussi au camping pour le village. Cela va donner la possibilité à des non-métalleux qui aiment la musique traditionnelle de pouvoir vivre le festival en entier.

De manière générale, le running order est plus aéré avec des concerts jusqu’à 1h. C’était une volonté d’allonger ainsi ?

Andrea : Oui, c’était complétement volontaire pour deux raisons. On voulait revenir à ce qui a été fait lors de la première édition et qui avait été apprécié par les festivaliers, ce running order aéré comme tu le dis, qui permet de tout voir car nous, en tant que festivaliers, nous n'aimons pas faire des choix. Dans les déceptions de l’an dernier, il y avait cet aspect chiant de groupes de la Heim qui chevauchaient des concerts de la Odin ou de la Thor stage, ça parasitait un peu. Notamment certains shows comme ceux de Trobar de Morte et Daemonia Nymphe. On a préféré faire des changements conséquents au niveau du running order pour permettre que tout le monde puisse tout voir sans choix et sans parasitage sonore. 

La Heim stage sera toujours au même emplacement (sur le village viking) ? La partie village viking a t-elle été revue ?

Franco : Non. On a complètement modifié la structure du village pour laisser plus de place dans la fosse de la Heim Stage parce qu’on s’attend à avoir beaucoup de monde devant cette scène. On a libéré de l’espace devant la Heim Stage, parce qu’on pense qu’on peut avoir tous les festivaliers pendant certains concerts.

Le Québec est absent cette année. Pourtant, Monarque et Forteresse faisaient vraiment partie des highlights en 2017. Partie remise? 

Andrea : Partie remise, oui. 

Franco : On peut te dire que le Québec sera présent en 2018 !

Andrea, peux-tu nous décrire ton travail de programmateur du Ragnard Rock Fest ?

Andrea : Je travaille tout au long de l’année avec certains groupes. Il y a des formations qui ont été approchées il y a deux ans et se tâtent a mettre en place un lineup live. Il faut les rassurer. Il y a un tout un jeu de séduction.

Franco : Sache que par exemple,  il y a un groupe allemand n'ayant jamais fait de live avec qui on discute depuis un an. S'il monte un line-up live, le premier live sera au RRF, et ce sera une bombe si on arrive à le convaincre.

En tant que passionnés de musique, n'êtes-vous pas parfois découragés voir même écœurés par le côté music business ? Ou vous vous sentez à l'abri de ça avec un événement comme le Ragnard Rock ?

Franco : Honnêtement, non. On se sent privilégiés, d’une façon incompréhensible car notre approche de ce monde là  est tellement anachronique, tellement en dehors des sentiers battus. Il faut savoir que ça nous est reproché par certains opérateurs connus du marché. 80 % des groupes qui sont sur les affiches des trois édition du Ragnard sont des groupes avec qui on traite en direct. Souvent avec les frontman. Les premières approches se font avec les groupes directement. C’est pour ça qu’on se sent étranger à ce monde du music business. 

Pouvez-vous nous faire part d'anecdotes concernant des riders reçus de certains groupes avec des exigences improbables ou ridicules ? 

Andrea : On a eu le rider de Forndom. Il demande une chaise en bois et de l’eau sur scène. Et c’est tout (rires). Non, on a rien de fou à te raconter à ce sujet-là.

Franco : Après, beaucoup de groupes s’en foutent du rider. 

Il y aura encore des conférences cette année ?

Andrea : C’est quelque chose qui va se développer. Je ne peux pas encore donner trop de détails car on y travaille avec Gregory Moigne. On a tenu compte des remarques et des retours des gens qui ont beaucoup aimé. Ca nous motive à réitérer l’expérience et l’améliorer.

Vous vous êtes rapprochés du festival lituanien Kilkim Žaibu avec qui il y a eu une opération commerciale commune. Vous pouvez-nous parler du but de cette alliance ?

Franco : L’initiateur de cette démarche, c’est Davidas. Il est le patron du Kilkim Žaibu et il était présent en 2016 au RRF. On a échangé sur nos festivals.  Il a été, et je le dis très modestement parce que ça m’a touché, mais il a été impressionné par notre festival, aussi bien l’affiche que l’ambiance qui y régnait.  Une ambiance très proche du Kilkim. C’est très important pour nous car c’est un festival qui nous a beaucoup inspiré dès le début. La rencontre a été fondamentale. On s’est aperçus qu’on va dans le même sens et qu’il y a un respect commun dans cette volonté de proposer quelque chose de différent à nos festivaliers. Il y a eu effectivement une opération commune qui est plus une sorte de warm-up de ce qu’on va faire. L’idée qu’on a avec Davidas, c’est d’élargir ce qu’on a appelé la Pagan Alliance. La Pagan Alliance, ça rassemble des opérateurs, pas seulement des organisateurs, de la scène pagan metal pour œuvrer, collaborer pour donner une plus grande visibilité à la scène. Pour 2018, il y aura des grosses opérations communes. Il y aura d’autres événements qui vont se joindre à nous. On communiquera beaucoup là-dessus à l’avenir ensemble... 

L’avenir du Ragnard Rock Festival
 

Comptez-vous poursuivre avec la formule actuelle (3 jours + 1 warm up) à l’avenir ?

Andrea : La formule actuelle nous convient. Je crois que ce serait plus nocif qu’autre chose d’étendre.

Franco : Trois jours, un warm-up,  deux main-stage et une scène trad. C’est une formule qui va durer plusieurs années. Je pense que c’est plus intéressant de garder ça et de développer ce qu’on a essayé cette année, les Ragnard Winter Nights. Ca permet de poursuivre l’expérience Ragnard Rock. 

Andrea : On a toujours été dans l'optique que le Ragnard était plus qu'un événement mais un concept. Avec ce qu’on a fait avec la Nox Inferna ou les Ragnard Winter Nights, c’est quelque chose qu’on tend à développer encore plus à l’avenir.

Peut-on imaginer une année à thème totalement différent ? Quelque chose de réellement exotique, qui sortirait votre public de sa zone de confort ? 

Andrea : Oui, l’année prochaine ! Je laisse tes lecteurs se creuser la tête... (rires).

De plus en plus de festivals ont du mal à gérer les fuites qui proviennent souvent des community managers des groupes. Dans votre cas, c’est plus embêtant car vous annoncez les groupes au compte-goutte. Vous continuerez à le faire ?

Andrea : Oui. On avait eu un souci de compréhension avec Romuvos mais on continuera à le faire car ça fait partie des spécificités du festival. C’est un événement qui se vit à l’année. C’est vrai qu’on nous le dit souvent, le Ragnard, c’est comme un bon copain. On a même eu des remarques de certains festivaliers qui sont tristes car il n’y a plus d’annonce et qu’ils doivent attendre l’année prochaine. C’était une idée que j’avais eu dès la première édition, je me suis dis que plutôt que balancer comme tout le monde une grosse affiche avec tous les noms,  je trouvais ça plus participatif de teaser avec le drapeau. On commence même à aller plus loin avec un thème. C’est quelque chose qui a beaucoup plu aux festivaliers et ça nous amuse autant à faire que les festivaliers à le vivre. 

Après trois ans de festival et d’organisation, avez-vous toujours la même motivation ?

Andrea : Elle est encore plus forte. Comme je te l’ai déjà dit, avec le soutien qu’on a eu. On n'aurait jamais pensé vivre un tel gain d’intérêt donc forcément, ça motive. Aujourd’hui, à l’aube de cette troisième édition, on a jamais été aussi motivé.

Franco : J’irai encore plus loin. Dès la première édition, on a voulu donner quelque chose de différent avec un événement qui va au-delà d’un simple festival. Notre enthousiasme, c’est de continuer dans cette stratégie. La Pagan Alliance dont ont parlait. Ce sont des projets qui nous motivent. Qui motivent nos partenaires. Notre enthousiasme va au-delà du RRF avec une fraternité européenne qui se tisse autour de valeurs artistiques et culturelles qu’on veut défendre. Je vois le Ragnard comme une partie d’un ensemble et cet ensemble, je le vois dans le monde de la musique et dans le monde de la culture au sens large. 

Les projets annexes

Il n’y a pas eu de Nox Inferna cette année, pourquoi ? L’édition 2016 a été une réussite je pense ?

Franco : On a envie de faire de Nox Inferna un concept itinérant. On veut que Nox Inferna visite des lieux atypiques en Europe. Ça a été le monastère de Brou la première année. On réfléchit à un Nox Inferna hivernal cette année dans un lieu assez étonnant.

Rising Moon est devenu une plate-forme à part entière. Certains projets ont pris forme comme la tournée de Khors / Selvans et de The Moon and the Nightspirit / Trobar de Morte dans un style différent. Comment ça s’est passé ? C’est tout à fait différent de l’organisation et de la logistique d’un événement annuel…

Franco : C’était une grosse expérience. On a appris beaucoup de choses. Ces trois premières tournées et les groupes avec qui on a démarré, on est très proches d’eux. On a donc commencé avec des potes, pour être très sincère. On leur a fait subir, d'une certaine façon, notre inexpérience de ce type d’événement. Il y a des choses qui ont été très positives, on a fait des salles combles, et des expérience lamentables. On a eu un gros débriefing. On a volontairement programmé que trois tournées et pas une de plus et on a tout stoppé actuellement, car toutes les forces sont dédiées au Ragnard, bien sûr. Mais on va redémarrer à partir de fin septembre/début octobre avec des tournées. On aura l’expérience en plus cette fois et on est absolument persuadés tous, qu’il y a une grosse attente du public pour des groupes de musique folk / trad comme Trobar de Morte ou The Moon and the Nightspirit qui nous ont fait des salles combles à Paris comme à Barcelone. On a très peu d’offres de ce type de groupes pour le public. On va beaucoup travailler dans cette offre là.

Avez-vous d’autres projets ? Une partie label va t-elle se développer ? 

Franco : On ne sera jamais un label avec Rising Moon Production. Par contre, on sera un réel business angel  de certains groupes. Par exemple, Sanatana pour lequel on va donner toute notre force professionnelle et notre appui en commençant par la prod jusqu’au management du groupe. On le fera de manière ponctuelle sur des groupes pour lesquels on pense avoir un rôle à jouer et qui sont dans la philosophie du Ragnard Rock.

En plus de Sanatana, vous avez Selvans, Darkend, Enisum aussi dans votre roster…

Franco : Sanatana est un cas un peu particulier. Rising Moon a son siège ici à Barcelone, mais dispose aussi d'un bureau à Kharkov et c'est Iuri (guitariste de Nokturnal Mortum et Khors, fondateur de Sanatana) qui s’en occupe. Ce bureau est destiné à coordonner nos relations avec l’Est. Donc Sanatana est un cas particulier car Iuri travaillant pour Rising Moon, c'était logique qu’on prenne à cœur son projet personnel. Il y a Khors et KZOHH qui font partie aussi de la stratégie de Rising Moon. Dans la partie musique traditionnelle, on a un groupe très intéressant que tu pourras voir au Ragnard Rock: Nytt Land. Ils ont un gros potentiel. Il y a Saor et j’en oublie peut-être. On aura quinze-vingt groupes maximum dans le roster mais voilà, on ne veut pas être des bookers, ça nous intéresse pas. C’est pas notre savoir-faire. Le groupe qui rentre dans Rising Moon, c’est parce qu’il y a une vraie volonté collaborative avec nous. 

Je vous laisse le mot de la fin... 

Andrea et Franco : On te remercie et on remercie toute l’équipe car j’ai le sentiment que, et on est nés à la même période en plus, vous êtes l’exemple même de ce que devrait être un partenariat. Une confiance mutuelle, une entraide intelligente et une critique constructive.  Je tenais à remercier toute l’équipe sans distinction du soutien que vous avez donné au Ragnard. Je vous considère comment faisant partie intégrante de l’esprit « Ragnard » ! Rendez-vous à Simandre-sur-Suran en juillet !

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Interview réalisée à Barcelone en mai 2017.

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http://www.ragnard-rock.com/