Live reports Retour
mardi 1 novembre 2016

Peste Noire + Sacrificia Mortuorum + Devilspit

Salle polyvalente - Saint-Martin-Terressus

S.

Après avoir essuyé deux annulations consécutives suite à des pressions politiques (le Sinister Howling en Allemagne du 19 novembre 2016 et le Blastfest en Norvège du 24 février 2017), il était légitime de se demander si le concert de Peste Noire, en France qui plus est, allait être maintenu ce samedi 29 octobre. Dans ses déclarations, le groupe paraissait confiant et pour cause. Compte tenu de la sensibilité d’un tel événement, il n’a pas eu d’autre choix que de prendre moult précautions, en n’annonçant que le jour même le lieu exact du rendez-vous en terres limousines. En fin d’après-midi, l’endroit est dévoilé : la salle polyvalente du petit village de Saint-Martin-Terressus, en Haute-Vienne. Nous y sommes accueillis par un service d’ordre, chargé de la sécurité du site, du public, mais aussi de garantir le calme vis-à-vis des riverains, zone résidentielle oblige. En ouverture de Peste Noire figurent deux autres formations françaises : Devilspit et Sacrificia Mortuorum.

Devilspit

S. : Après une longue attente (plus de deux heures après l’ouverture des portes), le premier groupe se met en place à 21 heures. Un premier point positif me marque d’entrée : je craignais que l’effet « salle des fêtes » entache l’ambiance générale par son côté décalé, il n’en est rien. La scène, en surélévation, permet d’être visible par tous, et des spots judicieusement placés permettent un éclairage optimal, y compris les musiciens avec des lumières à l’avant. Enfin, la machine à fumée est abondamment exploitée pour créer une atmosphère de concert, nous faisant oublier que l’endroit est probablement utilisé par les écoliers pour la traditionnelle représentation de fin d’année !
Revenons-en au sujet. Devilspit est une jeune formation créée en 2013 et a à son actif deux albums : « Devilspit » et « Grim, Hateful and Drunk », dont ils vont nous interpréter sept titres, ainsi que deux inédits, à paraître sur leur prochain EP. Le quatuor originaire de Bretagne produit un audacieux mélange de styles, entre Black, Punk, Oï, Thrash et Rock’n’Roll, offrant des compositions survitaminées, où les temps morts sont rares, faisant parfois penser aux vieux Bathory ou Venom. C’est plutôt agréable à suivre sur scène, avec leur esprit je m’en foutiste qui finalement s’avère efficace pour chauffer l’assistance, déjà nombreuse. Un bémol toutefois au niveau du son qui trouve logiquement son origine dans la configuration de la salle, peu adaptée pour ce genre d’utilisation : les basses sont assez fortes et « étouffantes ». Bref, une bonne mise en bouche.

Schifeul :

L’événement dans le microcosme de la scène Black Metal française de cette fin d’année est incontestablement la reprise des concerts de Peste Noire après 8 années d’absence des planches. Que l’on aime ou pas le groupe de Famine, on ne peut renier son importance dans ce paysage musical et ce redémarrage, attendu voire fantasmé par beaucoup depuis quelques années, en a réjoui plus d’un et je ne déroge pas à la règle. De fait, dès l’annonce de leur date française dans le Limousin, ni une, ni deux, je me retrouve en possession d’une prévente pour ce concert que le groupe donne avec Devilspit et Sacrificia Mortuorum. Si à première vue, ça peut faire une sacrée trotte pour voir le concert d’un groupe dont on n'est pas sûr qu’il puisse être à la hauteur de l’attente, il faut se mettre en tête que ce n'est pas non plus tous les quatre matins que l’on aura l’occasion de les voir. En outre, les annulations du Blastfest et du Sinister Howling n’ont fait que me conforter dans mon choix.

Après moultes péripéties d’avant départ, je me tape mon Lille/Limoges et j’arrive sur les lieux du concert tout pile pour le début de Devilspit. Le groupe, originaire de Bretagne, donne dans un Black Metal s’acoquinant avec du punk. Si ce mélange marche évidemment très bien, de mon avis autant sur un titre ou deux, je peux être en surkiff, autant sur un concert complet, je décroche assez rapidement, ce qui est malheureusement le cas ici. D’autant que le groupe n’a pas l’air totalement à son affaire ce soir. À sa décharge, il semble qu’il ait eu des problèmes de line-up récent et qu’ici, le concert se fait avec un nouveau batteur et guitariste. Toujours est-il qu’à la fin du concert le groupe lui-même a l’air assez dubitatif. L’impression de ne pas avoir donné un concert à la hauteur ? Déçu du peu de retour du public ou un peu dég' d’avoir donné le concert avec une moitié de line up ? À revoir en d’autres conditions sûrement.

Setlist :
Alcoholism and decay
Alcoholic Rural Black Punk Metal
Bring back the black
Dead’s curse
What they say
Satanic slaying
You suck
Necrofucking hellride
I am the Roots

 

 

Sacrificia Mortuorum

S. : Si la venue de Sacrificia Mortuorum n’est pas du même niveau que celle de Peste Noire, elle n’en demeure pas moins un événement, puisque les vosgiens n’ont fait que de très rares concerts jusqu’alors, malgré les quinze années du projet et les nombreuses réalisations à leur actif (4 albums, 3 splits, 1 EP, 1 compilation et 1 démo). J’avais découvert le groupe il y a treize ans, lors de la sortie de leur compil’ « Ira Melanox – Dark hymns of war », réunissant leurs deux premiers travaux. Depuis, j’avoue avoir suivi en pointillés toutes leurs productions, leur reprochant de proposer des albums assez inégaux. C’est finalement un peu largué que j’aborde leur set, et vais leur faire la même critique que leur discographie : des titres assez inégaux aussi. Il y a du très lourd avec des riffs qui prennent les tripes, rappelant la vieille scène toulonnaise, et d’autres plus longuets et monotones. Le son n’aide pas à s’immerger pleinement, trouvant les guitares assez brouillonnes dans leur restitution. Les quatre musiciens, grimés, ont malgré tout une bonne présence sur scène, malgré leur inexpérience. Un set intéressant, sans être transcendant non plus.

Schifeul : Après une courte attente, Sacrificia Mortuorum monte sur scène avec un bassiste sosie de Nag de Tsjuder et commence son set par Germe d'un Vortex, issu de leur split avec Orthanc. On se plonge très rapidement dans leur musique, certains sont même possédés au point de vouloir casser la scène avec leur tête, même si certains problèmes techniques ont quelque peu entaché la prestation. Comme le passage en mode Regarde Les Hommes Tomber où c’était le blackout total dans la salle, sans que le groupe ne soit le moins du monde perturbé, continuant à balancer son black metal complétement impassible. Je découvrais ce soir Sacrificia Mortuorum et ce set couvrant leur disco m’a fait une très bonne impression, même si certaines longueurs, çà et là, alourdissent le concert. Groupe à approfondir d’urgence.

Setlist :
Intro – Germe d’un vortex
Caligo tenebrarum
Vanitas vanitatum, et omnia vanitas
Maturum Est
Désert d’ébène
La prophétie (intro Les vents de l’oubli)
La danse écarlate

 


Peste Noire

S. : On ne va pas se mentir, c’est bien Peste Noire qui nous a fait traverser la France ce samedi. On peut parler d’événement historique pour le groupe qui signe là son grand retour sur les planches, qu’il n’avait plus foulé depuis de nombreuses années. Leur parcours était pourtant semé d’embuches, en étant persona non grata un peu partout, et surtout en France ou les opposants -politiques- sont légions et particulièrement tenaces. Le groupe avait promis que la soirée serait maintenue, ils ont tenu parole. Après une interminable attente, les cinq membres montent sur scène sur les coups de minuit, devant un public littéralement survolté (et quel euphémisme !).
C’est sur « Neire Peste » que le groupe lance les hostilités, et Dieu que c’est immersif ! Le quintet enchaine les morceaux qui se transforment en véritables hymnes, tant les paroles sont connues de tous, l’assemblée donnant d’ailleurs constamment la voix. Comme Famine l’avait annoncé en interview, on retrouve en guest Thorwald de Baise Ma Ha(n)che en appui vocal sur deux titres pour apporter du dynamisme (« Payés sur la bête », « Des médecins malades et des saints séquestrés »). Pour leur première représentation en public avec ce line-up, les membres disposent d’une bonne aisance (expérience acquise avec leurs autres groupes respectifs). Famine assume quant à lui pleinement son rôle de leader en canalisant l’attention sur lui par son charisme et son emprise sur la foule, en misant d’ailleurs beaucoup sur la proximité avec celui-ci : poignées de mains, clins d’œil, échanges de paroles… On regrettera cependant les balances un peu faiblardes pour son micro, on avait parfois du mal à l’entendre. Devant un auditoire acquis à leur cause, Peste Noire enchaine les titres un par un avec une fluidité et une justesse très appréciables que nous voilà déjà au dernier titre de la setlist. Celui-ci est particulier puisqu’il s’agit d’une reprise d’un certain Chevrotine, « L’épée en main ». Pour accompagner Famine, le leader de Lemovice vient à ses côtés pour prêter sa voix (Lemovice étant originaire la toute proche ville de Limoges, ce qui explique sa présence ce soir). Le public pousse encore la chansonnette sur cette ultime offrande. Ultime ? Non. Le groupe trouve que le temps est passé trop vite et propose aux spectateurs quels morceaux ils souhaitent entendre en rappel. Certains réclament « Dans ma nuit », d’autres « La chaise-Dyable »…moi-même espère un des titres de « L’ordure à l’état pur », dont aucun titre ne fut interprété ce soir. Mais Famine précise qu’il en faut un présent dans la setlist, puisqu’ils ne savent pas jouer les autres (dans une interview, il avait concédé ne jamais avoir couché sur papier ses compositions, tout a dû être reconstitué à l’oreille). Au final, ce n’est pas un mais deux rappels que Peste Noire va balancer : « Le dernier putsch » et « A la mortaille ! ».
Après 1h30 de show, les lumières de la salle polyvalente se rallument et il est l’heure de dresser le bilan, qui tient en un mot : tuerie. La bande des cinq a tenu toutes ses promesses en fournissant un concert excellent, avec une belle setlist. C’est bien dommage qu’on leur mette tant de bâtons dans les roues lorsqu’ils souhaitent se produire « officiellement », car ils affichent un réel pouvoir fédérateur.
Par ailleurs, je n’ai noté aucun débordement en marge de la salle polyvalente, comme le confirme le communiqué de la Préfecture de la Haute-Vienne, probablement au grand dam des « lanceurs d’alerte ».

Schifeul :

On y arrive enfin, le moment tant attendu, le truc qu’on attendait depuis les premières rumeurs de 2011 et qu’on désespérait de voir un jour, le Kommando Peste Noire en concert ! Alors que les musiciens entrent en scène, une Marseillaise sortant du public commence à retentir jusqu’à ce que le morceau Neire Peste, qui entame Ballade Cuntre Lo Anemi Francor ne lance les hostilités. Les paroles de l’unique vers de cette intro sont hurlés, scandés comme un slogan pendant que l’on agite le poing (et pas autre chose). Puis BIM, le groupe pose d’entrée sa virilité sur la table et balance 666 Millions D’Esclaves et de Déchets. Choix couillu, car le titre étant issu de leur démo Macabre transcendance, ce n’est sûrement pas le plus connu de leur discographie et faut vraiment être dans la confiance pour entamer son set là-dessus. D’ailleurs, certains dans le public ont l’air un peu perdu…

Mais directement derrière le groupe envoie Le Dernier Putsch, tout le monde reprend ses repères et c’est juste la folie dans le pit, la guerre ne s'arrête que lorsque le chant commence pour voir tous les premiers rangs hurler les paroles comme un seul homme. Ça y est, le concert est définitivement lancé et jusqu’à la fin, Peste Noire va dérouler avec une énorme maîtrise. Sans même un temps de silence KPN enchaîne sur Le Mort Joyeux issu lui de La Sanie des siècles - Panégyrique de la Dégénérescence, l’album qui sera le plus représenté ce soir. Si dans le pit, c’est toujours la folie, sur scène, on a du mal à croire que c’est ici le premier concert de Peste Noire depuis 8 ans, surtout avec un line-up tout neuf ! Mais c’est surtout Famine qui m'impressionne, oubliez les vidéos un peu nulles et sans lumière trouvables sur Youtube avec un Famine qui se peinturlure la tronche, ici pas de maquillage, juste un apparat de blackeux sale et si les featurings que le frontman a pu faire sur scène avec Shining m’avaient peu convaincu et me laissaient dubitatif sur sa capacité à tenir un show, ici, il tient très bien la scène ! Se concentrant sur le chant, il ne se munit de sa guitare que pour jouer tel ou tel intro/partie/soli, le reste du temps, il n’hésite pas à se confronter au premier rang pour serrer des mains, les faire chanter avec ou encore nous tape des coups de boule à la Phil Collins ! Les tocards peuvent crier au “suce Famine”, bas les couilles frère, le gaillard se transforme ici en un excellent frontman.

Après un Paysage Mauvais dédié à tous les bleds paumés de France, La France Bouge s’entonne spontanément dans le public, Famine indique que ça sera pour plus tard avant de se transformer en Jacques Martin des enfers pour demander des applaudissements afin d'accueillir Thorwald de Baise Ma Hache qui vient nous interpréter Payés Sur la Bête et Des Médecins Malades Et des Saint Séquestrés, qui parle des heures les plus sombres de notre Histoire. Le gaillard est littéralement acclamé par le public, preuve que le groupe savoyard est très populaire chez les fans de Peste Noire. Perso, j'avais compris à la base qu’il serait sur scène tout le long du concert, m’enfin bon… Les deux titres sont donc joués en duo, avec un jeu de question réponse entre Famine et Thorwald et je tiens à souligner la performance de ce dernier, car il assure vraiment, ce qui rattrape la fois où j’ai pu voir son groupe en concert lors de son premier live et où il était un peu rongé par le stress.

Après quoi, Famine annonce que ceux qui veulent chanter La France Bouge, c'est maintenant !.. Avant de se rétracter, un de ses guitaristes signalant qu’il y a d’abord Spleen à jouer. Bah oui les mecs, faut faire un peu attention sur ce genre de choses et rester vigilant comme un antifa ! Manquerait plus que de se faire sucrer un aussi bon morceau. On arrive donc au fameux chant de l’Action Française, en version courte et édulcoré, repris par la totalité de la salle avant que ne déboule le très Rock’n’Roll A La Mortaille ! qui lui est tiré d’un chant militaire. Là ça crache, c’est tellement rock que le bassiste et le guitariste à côté lèvent leur instrument à chaque “tutum”. LE titre entraînant de la soirée ! L’esprit festif est vite cassé par le Deuil Angoisseus qui prend suite, où le prêche de conclusion est récité par Famine avant que le public entonne les Alléluia.

Après avoir rendu hommage à la bière qui coulait à flot sur scène et dans le public (moi, j’étais au river cola nul) avec le très punk La Blonde, Peste Noire remercie l’organisation de ce soir et demande au principal intéressé, le chanteur de Lemovice de monter sur scène. Là du coup, comme en gros le line-up de Peste Noire est issu de ce groupe, on avait plus l’impression de voir le groupe limougeaud feat Famine pour voir cet ultime titre, une reprise de L’Epée en Main de Chevrotine. J’écoute assez peu de RAC, mais ce titre-là, je le connais, ce qui me permet de donner de la voix sur son refrain ultra fédérateur tandis que sur scène ça rigole bien avec Nico qui fait mine d’étrangler Famine avec son fil de micro. On est arrivé au bout du set, mais comme le concert leur paraît un peu court, Famine demande à l’assistance quels titres ils voudraient entendre, tout en précisant que ceux-ci doivent figurer dans la setlist. Les autres morceaux n’ont dû être encore appris par les musiciens. Ce sont donc Le Dernier Putsch et A La Mortaille ! qui sont rejoués en guise de rappel. Ce qui m’arrange plutôt bien, car c’est ceux que je voulais réentendre puisque pour moi, ils furent les plus efficaces. Les lumières se rallument et c'est le moment de faire le bilan tandis que la chanson des Lopez de Stormy passe dans les enceintes.

En conclusion, excellent concert, Je ne savais pas si le jeu en valait la chandelle et au final, ce fut bien mieux que ce à quoi je m’attendais avec un groupe hyper pro qui en impose sur scène. Ça manquait peut-être un peu de communication entre les morceaux, mais rien de bien méchant. La setlist très équilibrée, qui remonte très loin dans la discographie du groupe, et dont chaque morceau passe admirablement bien en live, ne laissant ainsi aucun temps mort dans le set. Dommage qu’il n’y ait pas de morceaux de L’Ordure à l'Etat Pur, normal au vu de la teneur musicale pleine de samples et de la longueur des titres, mais je reste persuadé qu’un bon Casse, Pêches, Fractures et Traditions serait très bien passé et aurait foutu un feu pas permis ! Plus étrange est l’absence de Dans ma Nuit, mais pour être honnête, ça c’est plus de la réflexion post concert, car durant ledit live, je ne m’étais même pas fait la remarque. Peste Noire vient de donner l'un des meilleurs concerts de 2016, et je vous dis ça alors que cette année, j’ai vu Slipknot et BABYMETAL, c’est pour dire le niveau du machin !

Setlist :
Neire Peste
666 millions d’esclaves et de déchets
Le dernier putsch
Le mort joyeux
Paysage mauvais
Payés sur la bête
Des médecins malades et des saints séquestrés
Spleen
La France bouge
A la mortaille !
Dueil Angoisseus
La blonde
L’épée en main (Chevrotine cover)
Le dernier putsch (rappel)
A la mortaille ! (rappel)

 


Merci aux organisateurs et aux groupes pour cette soirée.

 

Photos