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Album

02 août 2016 - ZSK

The Lost Sun

Spectral Voice From Newborn Star

LabelAutoproduction
stylePost-Black Metal stellaire
formatAlbum
paysRussie
sortiemai 2016
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Ce sont souvent les découvertes les plus incongrues et les plus inattendues qui sont les plus belles. On ne sait jamais quand et comment on peut être happé par un groupe totalement inconnu et être transporté par un album de grande qualité, souvent pondu dans l’underground le plus profond et l’anonymat le plus total. D’ailleurs, dès que je dois prévoir « l’album de l’année suivante » pour les best-of de fin d’année, je dis toujours « mais comme d’habitude ça sera une surprise ou un groupe (re)venu de nulle part qui gagnera ». Oh, ce stuff de The Lost Sun ne sera pas l’album de l’année, loin s’en faut. Mais il concourt largement au titre de découverte de l’année, de petit projet de l’année, d’autoproduction digitale de l’année. Un groupe russe découvert sur un site russe, quoi de plus normal. Mais ne vous méprenez pas sur la source de la découverte vu que de toute manière, ce premier full-length de The Lost Sun est disponible en téléchargement libre, le fameux « Name Your Price » de Bandcamp. A priori, une version CD devrait arriver cet été, mais ne tardons pas pour découvrir ce petit bijou venu de Moscou, pour une musique qui elle trouve sa source bien loin, au cœur des galaxies, au plus près des étoiles les plus brillantes…

Existant depuis 2015, avec à la clé une première démo en octobre (Lone Wandering Amidst Pale Stars), The Lost Sun est le side-projet du moscovite Unknown, œuvrant au sein de Melankoli qui est aussi un one-man band évoluant dans un Black Metal à tendance dépressif et ambiant. Rien de bien neuf (un one-man band de DSBM c’est tellement commun…), mais ses sorties sont de bonne qualité, on est tout de même au-dessus de pas mal de trucs du genre produits en 4-pistes dans la cave. L’art de The Lost Sun ressemble pas mal à celui de Melankoli mais avec une différence notable, forcément. Basiquement, The Lost Sun est la version épurée et foncièrement plus astrale du DSBM de Melankoli. Les synthés sont même globalement similaires mais ici, le Black-Metal est plus parcellaire, au profit d’un Post-Metal très atmosphérique et autrement plus lumineux. Si l’étiquette « Post-Black » est justifiable, il faut bien avouer que le BM là-dedans se résume aux vocaux arrachés et aux trémolos, et encore ces derniers sont parfois plus proches d’un Post-Rock bien râpeux que de Darkthrone et consorts. Mais avec bon nombre de claviers et des apparats électroniques à foison, ce qu’on retient de The Lost Sun c’est que c’est un projet de Metal légèrement extrême mais surtout totalement spatial, astral, cosmique, stellaire, futuriste même, bref tout ce que vous voulez dans une musique qui évoque les étoiles à chaque instant. Pas mal de projets s’y sont certes essayé sur la base Darkspacienne mais The Lost Sun, lui, est allé encore plus loin, et nous propose avec Spectral Voice From Newborn Star un véritable voyage galactique, enivrant et prenant.

On est pas loin de la performance quand on remarque que The Lost Sun ouvre Spectral Voice From Newborn Star sur un morceau-titre de… 22 minutes ! Et mine de rien, tout l’art du projet est là-dedans. Intro dronesque, duo piano/électro sur montées de synthé, le départ est atmosphérique à souhait surtout que les premières vocalises sont claires (et de très bonne qualité), musicalement et vocalement je pense déjà à AtomA et pas mal de passages de Spectral Voice From Newborn Star vont me donner raison (notamment "Ode to Dead Sun"). AtomA version Black-Metal tout de même, vu que les vocaux écorchés et les trémolos vont vite pointer le bout de leur nez. Passages très atmosphériques (avec un piano très inspiré) et explosions Post-Metalliques s’enchaînent donc de manière assez passionnante, il n’y a aucune forme d’ennui pendant 22 minutes et on en ressort avec des étoiles plein les yeux. Une ouverture grandiose et épique qui se permet même quelques surprises, outre le très beau chant clair on a même le droit à quelques bons growls façon doom/death à mi-parcours, ainsi en 22 minutes The Lost Sun montre déjà qu’il est un projet complet et surtout qu’il va réussir son œuvre stellaire, déjà aboutie pour la plus grosse partie de cet album d’une heure.

Un voyage d’une heure où Unknown choisit aussi de varier les plaisirs autour de sa musique spatiale. Ainsi, The Lost Sun alterne les morceaux metalliques et d’autres plus orientés ambiant, ou plutôt orientés sur les aspects les plus stellaires de sa mixture. "Embraced by the Black Void" et "Pillars of Creation" sont donc deux pièces instrumentales où rien ne vient troubler la symphonie cosmique proposée par l’artiste russe. Si le premier morceau cité reste majoritairement calqué sur de l’ambiant/drone spatial, le second en revanche permet la mise en exergue des synthés dans une clôture d’album assez jubilatoire. "Ode to Dead Sun", lui aussi sans Metal, est en revanche mené par l’électro astral et surtout le chant clair de Unknown pour un résultat superbe et saisissant. Restent alors les deux autres morceaux orientés Metal, "Lone Wandering Among Pale Stars" et "Supernova Remnant", tous deux particulièrement épiques avec force trémolos mélodiques libérateurs, et toujours avec ces chants bien menés et très convaincants, c’est même dommage qu’il n’y ait pas plus de growls (on en recroise juste à deux moments de "Supernova Remnant"). Après il est vrai que tout était dit sur le gargantuesque morceau-titre et que le reste de Spectral Voice From Newborn Star est parfois un peu répétitif voire redondant, mais le jeu en vaut la chandelle et au bout cet album est tout simplement magnifique.

Ce premier album de The Lost Sun reste réservé à un public friand de sonorités astrales qui sont présentes à foison ici, mais tout amateur de Black ambiant devrait jeter une oreille à ce projet (ainsi qu’à Melankoli si ce n’est déjà fait, mais il fallait creuser l’underground russe…). Pas assez Black-Metal peut-être, même si on peut déceler des touches de Black cascadien à la Wolves In The Throne Room dans les instrumentations les plus extrêmes, mais Spectral Voice From Newborn Star sonnerait presque comme une version Post-Metal de l’album ambiant Celestite des américains (avant qu’ils ne s’en chargent eux-mêmes ?!). Un Post-Black très épuré, encore plus que ce qu’avaient fait les italiens de Progenie Terrestre Pura pour ceux qui connaissent, The Lost Sun se plaçant finalement entre eux et AtomA avec un background DSBM plus que convaincant. Un album qui se distingue avant tout par la performance de son morceau-titre de 22 minutes et par les écarts ambiants et épiques assez somptueux, mais un bel et excellent album, en attendant quelque chose de plus varié de la part du projet russe. Mais les qualités sont là, presque insoupçonnées pour ce projet inconnu au bataillon cantonné à un simple Bandcamp (avant un pressage probablement confidentiel), puis les bons projets de Metal purement stellaire ne sont pas légion, et ce voyage d’une heure au plus près des étoiles est une expérience à tenter, surtout quand ça ne coûte rien. Un splendide album de Metal spatial, pour un Soleil Perdu qui par sa brillance se pose comme une des révélations de l’année.

 

Téléchargez l'album au prix de votre choix sur Bandcamp.

 

Tracklist de Spectral Voice From Newborn Star :

1. Spectral Voice From Newborn Star (22:01)
2. Embraced by the Black Void (6:32)
3. Lone Wandering Among Pale Stars (11:01)
4. Ode to Dead Sun (6:09)
5. Supernova Remnant (7:57)
6. Pillars of Creation (7:30)