
Un mec qui écrit des trucs.
*Respire un grand coup*
Bon, aujourd'hui j'attaque un très, très gros morceau. Du genre que j'aurais aimé chroniquer toute la discographie mais je n'en ai tout simplement pas le courage tellement un unique album est un casse-tête absolu. Parce que : Japon. On connaît les Japonais et leur sens du what-the-fuck aigu, on sait qu'il est appliqué à la musique parce qu'on connaît tous je ne sais combien de trucs de J-Pop colorés, mais figurez-vous que cette extravagance peut des fois être canalisée en quelque chose de très premier degré. Coaltar of the Deepers est un groupe disposant d'une fanbase ÉNORME là-bas mais ayant beaucoup de mal à s'exporter. Et pour cause, la notion de barrière stylistique n'y existe pas. Groupe à la base très typé Rock Alternatif / Shoegaze faisant dériver son style en important des éléments très Pop, parfois un peu électro, des instruments traditionnels, ou des passages Brutal Death, de manière totalement naturelle. Écoutez "Star Love", "Hyper Velocity" et "Aquarian Age" et vous aurez une idée des couleurs des univers qui vous attendent. Cerise sur le gâteau ? Narasaki, maître du projet, est la personne qui a intégralement composé l'EP "Headbanger" de Babymetal. Maintenant que j'ai l'attention de Prout et Schifeul, on peut continuer.
Existant depuis le début des années 90, et ayant livré une bonne plâtrée de sorties, c'est au début des années 2000 que le groupe prend une orientation bien plus musclée et distordue. Balançant coup sur coup deux chefs d’œuvres aussi beaux que prompts à flinguer le cerveau de tous les occidentaux, non habitués à une manière aussi décomplexée de tout mélanger. à savoir la pierre angulaire "No Thank You" et la confirmation "Newave". Le groupe fait finalement un hiatus de cinq ans incluant une tournée aux US avant la sortie de ce dernier opus en date et balançant nombre d'EPs de qualité (qui que vous soyez jetez vous sur le "Penguin EP", énorme boucherie Metal Extrême expérimental). Ce "Yukari Telepath" étant leur dernière sortie en date, et s'imposant clairement dans le paysage comme le plus accompli de tous, mais également l'un des plus complexes à aborder. Sa pochette en forme de test optique chiant pose le décor et l'ambiance, manquant au premier abord d'humanité, mais ne faisant que révéler des subtilités au début cachées et ne cessant de jouer avec nos nerfs. Manquant de couleurs au premier abord malgré ses écarts hors de sens, et se révélant juste profond et multiple. Un énorme pavé presque indissociable qui va demander son lot de patience avant de se révéler.
"Yukari Telepath" part dans tous les sens mais de manière posée et réfléchie. Il a beau ne ressembler à rien quand on prend du recul, une fois plongé dedans chaque chose prend sens. Les mélanges ne sont pas hystériques comme sur "No Thank You" qui n'avait aucun problème à balancer un morceau de Pop niaise entrecoupé d'un énorme blast et growl caverneux. Ici chaque morceau a sa ligne directrice et l’œuvre globale est évidente. On démarre en douceur avec "Zoei" et son introduction, faisant éclater des riffs extrêmement lourds alternés avec des accalmies célestes, morceau en surface simple mais bourré de subtilités, immédiat, et permettant de rentrer dans le vif du sujet. Le son est lourd, physique, et la voix androgyne de Narasaki n'a pas bougé d'un iota (et je comprendrais que ça ne passe pas du tout pour les réfractaires au japonais). Et par la suite ça se met en branle. Au point qu'on ne sait plus où donner de la tête tant la première moitié de l'album est juste ébouriffante dans ses variations d'ambiances, où la superbe "Wipeout" (reprise du "Penguin EP") est revigorante dans son utilisation d'instruments traditionnels japs mélangés à la lourdeur des guitares, où "Aquarian Age" incarne juste l'un des plus beaux morceaux de musique électronique que j'ai entendu de ma vie tant il fait voyager à travers les cieux et envoie des thèmes mémorables à faire pâlir toutes les OST de jeux vidéo. Là où on peut pratiquement qualifier "Hedorian Forever" de shoegaze épique et lumineux, "Water Bird" sonne nocturne et fait une utilisation bien contrastée des mêmes guitares, opposé au fourmillement sonore de l'usine à nuages "Automation Structures". Dans tous les cas, les pistes 1 à 7 sont autant de tubes frôlant la perfection chacun à leur manière que c'en donne le vertige.
Mais on peut d'ores et déjà balancer un défaut à cet album : sa longueur. 1h07, c'est long. Très long. Les gros concepts épiques cinématographiques s'y prêtent, mais quelque chose d'aussi barré est dur à encaisser et on a parfois du mal à suivre la deuxième moitié qui se fait encore moins évidente, moins tubesque, encore plus cottoneuse. L'ambiance est toujours aussi tournée vers la lumière, revigorante, et tout simplement belle, mais "AOA" a tellement une allure de fin d'album avec sa longue structure et son air entêtant qu'il sonne comme un générique de fin alors qu'il reste pratiquement 25 minutes à suivre. Surtout que la doublette entre le titre éponyme et "Carnival" prend un tournant de musique d'ascenseur assez navrant. On a fort heureusement "Evil Line" qui vient s'imposer en hit de fin de parcours, relançant tout dans une veine bien Rock galopant et frais correspondant à l'idée qu'on se fait d'un hit en puissance au Pays du soleil levant (Visual Kei dans le bon sens du terme en somme), mais autant la suite est cool si on la prend à part, autant dans la logique de l'album on commence à vraiment saturer pour de bon. Ce qui serait dommage et nous ferait passer à coté d'une "Ribbon no Kishi" qui semble démarrer de manière simpliste en rock alternatif de base mais progresse de manière plus que surprenante (son passage cabaret déglingué totalement incongru). Enfin vous avez compris ce que je veux dire : oui cet album est une tuerie, mais passées les 40 premières minutes on commence à plus du tout arriver à se focaliser sur les univers développés, ce qui rend le one-shot difficile alors que la toute fin vaut amplement le détour.
Voilà, Coaltar of the Deepers est exactement le genre de groupe que tout le monde a en tête en mentionnant l'excentricité Japonaise. Mais sans les connaître. C'est le groupe par excellence qui incarne les frontières brisées, démontre que l'essence même de la musique se passe d'étiquette, et qu'on peut incorporer des éléments Metal Extrême de manière naturelle sans en pratiquer, prouvant par là même à quel point la culture alternative est infiniment mieux assimilée là bas que chez nous où jamais une telle formation ne pourra voir le jour et encore moins rester indépendante stylistiquement. Et noter cela est compliqué, parce qu'autant la première moitié de l'album explose les compteurs de points, autant l'écoute complète reste peu évidente, alors je vais me baser sur le postulat qu'une telle formation doit être mise en valeur, servir de modèle, et que je n'aurais pas la force d'en chroniquer d'autres. Ainsi, en vampirisant les autres chefs d’œuvres pondus plus tôt on gonfle tout ça à un 9,5 bien attrayant qui forcera bien des gens à s'y intéresser de près. Et au pire, si ça suffit toujours pas, je rappelle qu'il a composé pour Babymetal...
Tracklist :
1 – Introduction of Zoei
2 – Zoei
3 – Wipeout (retake)
4 – Water Bird
5 – Hedorian Forever
6 – Aquarian Age
7 – Automation Structures
8 – Interlude
9 – Lemurian Seed
10 – AOA
11 – Yukari Telepath
12 – Carnival (oumagatoki mix)
13 – Evil Line
14 – Ribbon no Kishi
15 - Deepless