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Album

28 septembre 2015 - S.

Sapaudia

Furvus Spiritus Ancellus

LabelObscure Abhorrence Production
styleAtmospheric/Depressive Black Metal
formatAlbum
paysFrance
sortieseptembre 2015
La note de
S.
6.5/10


S.

Il est toujours intéressant de se demander, a posteriori, comment on a pu découvrir tel ou tel album/groupe, en retrouver le cheminement, souvent hasardeux, quel a été le déclic pour lui accorder une attention. Pour le présent projet, c’est avant tout le nom qui m’a interpelé. Sapaudia, « pays des sapins », est la racine latine de la Savoie, territoire riche en Histoire et forcément, en montagnard que je suis, je ne pus m’empêcher d’assouvir ma curiosité et me voici ici, à écrire ces quelques lignes.

Derrière cette entité, une seule tête pensante, répondant au pseudonyme pour le moins présomptueux de « Duc de Sapaudie ». Après une démo en 2013 (Une terre jadis immaculée), parue chez Werewolf Promotion, c’est l’excellent label allemand Obscure Abhorrence qui a eu le nez creux pour distribuer le premier album du jeune Français. C’est bien le seul projet musical en matière de Black Metal que je connaisse à être basé dans les Hautes-Alpes, à Ancelle. D’ailleurs, le nom de l’album fait directement référence à son camp de base ; Furvus Spiritus Ancellus -esprits sombres d’Ancelle- nous plonge quarante et une minutes durant dans l’univers de son géniteur, un monde de neige, de solitude et de nostalgie. Bien qu’il s’agisse d’un projet solo, l’individu s’entoure de deux guests qui ont accepté la proposition du Duc, les Suédois Ravenlord (Woods of Infinity) et Pessimisten (Apati), en apportant leur contribution vocale, dans leur langue natale, sur quatre des sept titres de l’opus. Cette particularité va tout de suite donner une consonance nordique aux compositions et quand on connaît le pédigrée desdits invités, on s’attend à quelque chose de pas forcément joyeux. Effectivement, nous ne sommes pas ici en présence de Black Metal violent ou occulte, mais plutôt dans la mouvance dépressive / atmosphérique, dont le premier titre « Ensamtal » en est la parfaite représentation, une introduction acoustique magnifique, dont les notes et le phrasé de Ravenlord délivrent un flot de tristesse, posant rapidement les bases de l’album. Dans les textes, il est essentiellement question de l’hiver montagnard, avec tous les éléments qui en découlent : le froid, la neige, la mort, le vent glacial, l’isolement. A l’instar d’un Peste Noire qui reprend des poèmes d’auteurs Français, Sapaudia a mis en musique les écrits de Guy de Maupassant sur « Nuit de Neige » qui, pour le coup, s’insèrent parfaitement dans la thématique.

L’atmosphère délivrée par les compositions est à l’image des textes, la mélancolie est le véritable fil conducteur de l’œuvre, avec ce sentiment de solitude. On peut même noter un certain esprit ‘Noël macabre’, notamment grâce à un extrait de la célèbre chanson de Tino Rossi en introduction sur « Ett kallt öde, en värme för den döde », sur fond de pleurs, ainsi que quelques chants religieux de saison précédés d’un coup de feu ; la chaleur de la production telle le foyer incandescent de la cheminée, la froideur des notes distillées telle les flocons tombants, et cet individu, là, dans la schizophrénie de l’isolement hivernal. Au niveau des influences, Sapaudia se rapproche des formations scandinaves à la Lifelover ou Woods of Infinity, par la majorité des paroles en suédois, les mélodies lancinantes, le cadre claustrophobique et l’intégration de piano ci et là.

Quelques mots concernant l’artwork ; l’objet se présente sous la forme d’un digipack soigné limité à 500 exemplaires, arborant pour couverture une ancienne carte postale de Noël avec cet enfant-ange, ensanglanté, se présentant devant un oratoire enneigé où la lueur de la bougie éclaire une représentation du Christ. On retrouve d’autres références graphiques à cette fête religieuse au sein du livret, ce qui n’est pas banal pour du Black Metal. Les textes et les photos des protagonistes complètent le tout.

Pour son premier album studio, Sapaudia délivre une œuvre cohérente et un brin onirique, atypique par rapport à ce qu’on a l’habitude d’entendre. Certes tout n’est pas encore parfait, notamment cette boîte à rythme qui a parfois du mal à se fondre à l’ensemble, ou quelques passages pas forcément pertinents. Néanmoins, les bases semblent prometteuses pour la suite, le bonhomme est jeune et a encore le temps de parfaire son art.


Tracklist :
1. Ensamtal
2. Isögd
3. En skogens konung
4. Ett kallt öde, en värme för den döde
5. Enivrante petite colombe
6. Nuit de neige
7. Outro