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jeudi 12 mars 2020

Batushka + Malevolent Creation + Konkhra @ Paris

La Machine du Moulin Rouge - Paris

S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Drôle de plateau que celui qui nous est proposé ce soir : la dernière grosse hype Black metal à capuches des années 2010 conclut une soirée ouverte par deux formations Death metal tout droit venues des années 90. Car oui, ce soir à la Machine du Moulin Rouge, les légendaires seconds couteaux du Brutal Death U.S Malevolent Creation sont en première partie de Batuhska, pour un ordering que certains qualifieraient de hold-up.

Konkhra

Pour bien commencer la soirée, ce sont les Danois de Konkhra qui posent leur Death metal mid-tempo sur la scène de la Machine. Je découvre totalement le groupe ce soir, de leur nom à leur musique, et pour un premier contact, c'est plutôt agréable. Sans être une révélation, leur musique est efficace à coup sûr, un Death metal assez lourd et groovy, lorgnant vers le côté n'roll de la force avec quelques plans bien sentis qui font immédiatement secouer la tête. Même si le public est encore assez peu dense pour leur set, les Danois semblent passer du bon temps ; le chanteur sourit régulièrement après des échanges de regard avec les membres les plus investis du public. Le son est un poil désiquilibré (et malheureusement le restera sur une grosse partie de la soirée) en défaveur des guitares, masquées par une batterie trop en avant. Ce qui n'empêche pas Konkhra de dérouler son set sans accroc, avec un final clairement Dqui donne envie de bouger façon chimpanzé (oui, ce genre de son a cet effet-là sur moi, chacun ses problèmes). Une première partie pas inoubliable, mais clairement intéressante.

Setlist de Konkhra :
01.Floodgates
02.Warmonger
03.Alpha and The Omega
04.Parasite
05.Eye of Horus
06.Heavensent
07.Spit or Swallow
08.Babylon
09.Thoth
10.Religion Is a Whore
11.Facelift

Malevolent Creation

Malevolent Creation fait typiquement partie de ces groupes dont je connais l'existence, dont j'ai une vague idée de la musique, que je sais être culte mais que je n'ai jamais vraiment écouté sérieusement. Actif depuis 1987 (!), toujours mené par le guitariste Phil Fasciana, le combo américain vient défendre son nouvel et treizième album ce soir. Assez peu connaisseur du groupe, je ne savais pas que le line-up était aussi instable, seul Fasciana restant indéboulonable ; tellement instable que le batteur du soir a rejoint le groupe seulement deux semaines auparavant, ce qui ne l'empechera pas d'être impérial sur tout le set, malgré la vélocité et la relative technicité du groupe. Et nous voilà donc partis pour cinquante grosses minutes de Brutal Death solide et belliqueux mais desservi par ce son de batterie définitivement sur-mixé qui mange une partie des riffs. Cela n'empêche toutefois pas la violence inhérente au groupe de faire vibrer la salle. Le frontman, Lee Wollenschlaeger, a une carrure d'ours, avec des mains tellement énormes que sa guitare ressemble à un jouet lorsqu'il la tient. Avec un physique comme le sien, les regards se posent sur lui. Le public est toujours un peu clairsemé, la faute sans doute à cette affiche un peu bancale : le public de Batushka n'est sans doute pas très sensible à la musique des Américains et réciproquement. On se retrouve donc avec des situations un poil embarrassantes, comme quand le chanteur demande un circle pit sur un titre et que quatre types se lancent dans une farandole au milieu d'un pit à moitié vide sur les samples de l'intro du morceau...

Doyen de la soirée, Phil Fasciana reste un peu en retrait mais on sent que c'est lui qui tient la baraque. Avec ses cinquante berges passées, il joue de son instrument avec une économie de mouvements que j'avais rarement vu : c'est à peine si sa main droite attaque les cordes ; pourtant l'intensité est bien là. Violente et sans concession, la musique de Malevolent Creation en live donne de beaux moments de meulage de face, notamment sur quelques blasts à la rapidité démoniaque ou quelques riffs plus mid-tempo écrasant à souhait.

Setlist de Malevolent Creation :
01.Infernal Desire
02.Living In Fear
03.Blood of The Fallen
04.Maniac Demié
05.Release the Soul
06.Mandatory Butchery
07.Alliance or War
08.The Will to Kill
09.Eve of The Apocalypse
10.Coronation of Our Domain

Batushka

Petite mise au point concernant le Batushka qui foule les planches de la Machine ce soir : il s'agit de celui de Krzysztof Drabikowski, créateur du groupe et compositeur du premier album, et dont le second album s'intitule Panihida (tout est en cyrillique normalement, mais pour plus de clarté je reste sur l'alphabet latin). Et si toutes les histoires autour du nom, des égos et des histoires de pognons qui ont fait l'actualité du groupe l'année dernière ont éclipsé la musique, force est de reconnaîre que ce deuxième effort était à la hauteur du premier.

Ceci étant dit, le decorum du groupe est installé sur scène, avec les deux pochettes des albums posées comme des idôles autour d'une bière couverte d'un tissu. Les porte-enscensoirs et les chandeliers sont installés mais ces derniers resteront... éteints pour des raisons de sécurité. La scéno en prend un coup mais on fera avec (ou plutôt sans). Le noir se fait dans la salle et les premiers échos de chants liturgiques résonnent dans la salle. Le groupe entre en scène avec cloches et encens. Les cymbales scintillantes qui annoncent le début de Песнь 1 se font entendre et nous voilà parti pour la grand messe de la soirée. Et cette fois encore, la batterie mange tout ! Sur le début du set, impossible de distinguer clairement les riffs lorsque ça blaste ou double-pédale en tapis, et c'est extrêmement frustrant. Bizarrement, les choeurs religieux parviennt à ressortir (tout comme le chant black) mais les guitares souffrent terriblement sur le début de set. Heureusement, le mix s'améliorera au fil du concert.

L'ambiance solennelle et mystique du groupe imprègne petit à petit la salle et le public, à tel point que sur les derniers morceaux, il y aura un silence total sur les accalmies, chose suffisament rare pour être signalée. J'avais vu le groupe au Motocultor et, clairement, la dimension introspective prend (sans surprise) plus d'ampleur en salle. Les riffs froids et hypnotiques (lorqu'ils sont enfin passés par-dessus la batterie dans le mix) s'enchaînent et on se laisse porter par la vision spirituelle et théologique dont use le groupe. Côté setlist, on aura tout simplement droit au dernier album en entier et dans l'ordre, plus le premier titre de Litourgiya. Et là vient peut-être ma seule critique vraiment négative : un set de cinquante minutes (la durée du concert du soir si l'on retranche l'intro et la sortie) lorsqu'on a qu'un album au compteur, OK, normal. La même chose avec deux, ça la fout mal. Batushka fait le strict minimum en terme de durée et c'est bien dommage. Certes, le temps du concert est intense, prenant et dépaysant, mais quand même, ça sent un peu la facilité, la flemme ou les deux. Et c'est donc après la Litanie I que le groupe de Krzysztof Drabikowski quitte la scène, non sans que ce dernier ne distribue les bougies éteintes à un public conquis.

Setlist de Batushka :
01.Песнь 1
02.Песнь 2
03.Песнь 3
04.Песнь 4
05.Песнь 5
06.Песнь 6
07.Песнь 7
08.Песнь 8
09.Ектения I: Очищение

Un son moyen sur une partie du set, une scéno amputée de certain de ses atouts, un set assez court... Tout ça donne un bilan mitigé de cette date. Néanmoins, lorsque sur les derniers titres, les étoiles se sont alignées, il est clair de Batushka n'est pas simplement une petite hype opportuniste. Un sérieux et une authenticité planent sur les ambiances construites et le développement des morceaux ; un savoir indéniable résonne dans les riffs. Aucune idée de ce que les déboires légaux réservent au groupe pour sa carrière à venir, mais il est d'ores et déjà clair que Batushka version Krzysztof Drabikowski sait se montrer pertinent et immersif, même dans des conditions pas forcément optimales.

Toutes les photos ont été prises aux concerts de  Bruxelles et de Essen par Hinvernal.