Live reports Retour
lundi 10 février 2020

Ange - 50 ans @ Paris

Trianon - Paris

Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Sleap : En ce premier week-end de février, plusieurs événements musicaux assez particuliers se déroulent sur la capitale. En effet, alors que Sunn O))) attire un nombre toujours plus croissant de curieux à la Gaité Lyrique pour ses trois soirs de concerts, un autre groupe plus confidentiel mais à la carrière bien plus importante fête ses 50 ans d’existence avec deux concerts au mythique théâtre du Trianon. Ce groupe, c’est Ange. Qualifié par son fondateur Christian Décamps de « plus grand groupe français à être passé inaperçu », Ange est pourtant l’une des figures de proue de la modeste scène Prog hexagonale. Formé fin 1969, il s’agit d’une des formations Rock françaises à la plus grande longévité – aux cotés de Tri Yann ou de Magma. Et, à l’instar de ce dernier, on constate depuis quelques années un vrai regain de popularité pour le groupe. Ainsi, après un concert sold out la veille, ce second set anniversaire au Trianon s’annonce lui aussi plein à craquer. À cette occasion, on nous distribue d’ailleurs gratuitement des totebags Ange remplis de goodies à l’effigie des 50 ans du groupe. Une sympathique attention. Mais venons-en sans plus attendre à l’essentiel…

Alors que les lumières s’éteignent peu à peu et que différents musiciens investissent la scène, la voix de Christian Décamps résonne dans les enceintes. « Une péniche de joie glisse sur mon lacrymal », c’est bien Caricatures, titre éponyme du premier album, qui ouvre la soirée. Et cette fameuse introduction spoken word est d’emblée reprise par le public. Je suis moi-même surpris du nombre de personnes dans l’assistance à hurler « ta gueule, me dit l’apôtre ! » et autres vers de cette trempe. Pas de doute, cette double date anniversaire n’a attiré que de vrais fans. Et lorsque l’iconique frontman apparait enfin sur scène après cette introduction, c’est la liesse générale. Je n’avais pu voir Ange sur scène qu’une seule fois auparavant, mais même certains die-hards de la première heure – qui ont vu le groupe plus d’une centaine de fois – m’assurent que le père Décamps est bien en voix ce soir. Malgré quelques fausses notes çà et là, le bougre possède toujours un coffre impressionnant du haut de ses 73 ans ! Mais celui qui va encore plus m’impressionner ce soir, c’est monsieur Décamps Junior. S’occupant principalement des claviers au sein du groupe, Tristan Décamps – fils de Christian, ai-je besoin de le rappeler – va s’emparer du micro lors de plusieurs morceaux. Et dès l’excellent Dignité, sa puissance de ténor va scotcher absolument toute l’assemblée. Et niveau présence scénique il n’a pas non plus à rougir.

Servi par un son exemplaire – à l’exception d’une basse parfois légèrement trop forte , ce set spécial d’Ange va donc dérouler l’immense discographie du groupe dans l’ordre chronologique. Et c’est lors de Fils de Lumière, extrait du second album Au-delà du Délire – mon favori – que je passe le meilleur moment de ma soirée. Le son des toms de batterie a une ampleur toute particulière, et que dire de l’époustouflant guitariste Hassan Hajdi ! C’est bien simple, une bonne partie de l’audience n’aura d’yeux que pour lui durant la quasi-totalité du concert. Des soli d’exception, une attitude très humble et une décontraction qui force le respect. Quelle aisance ! Les applaudissements seront fournis à chacune de ses performances. Mais à titre plus global, le public de ce soir est totalement acquis à la cause du groupe. L’émotion est partagée de part et d’autre de la scène, et de vives réactions se font entendre au début des différents morceaux. Tout le monde reconnaît chaque titre dès la première note, ça fait vraiment plaisir à voir. Voilà une salle entièrement remplie de passionnés !

Le grand écran en arrière-plan diffuse des animations et illustrations très kitsch qui font référence aux différents albums. Et on a même droit à quelques slideshows d’images des différents musiciens ayant contribués à la longue histoire d’Ange. Mais l’écran ne constitue qu’une infime partie de tout ce qui fait la saveur de ce concert anniversaire. En effet, c’est sur scène que les surprises vont s’enchaîner. En plus du retour de Francis Décamps aux claviers / back vocals / accordéon – le frère de Christian je précise , nous avons droit à une véritable avalanche de musiciens guests tout au long de la soirée. Le culte bassiste Daniel Haas est de la partie, mais également Laurent Sigrist, les batteurs Jean-Claude Potin, Fabrice Bony et Hervé Rouyer, ou encore le guitariste Serge Cuenot. Nous assistons à une vraie partie de chaises musicales – c’est le cas de le dire ! – derrière les instruments. J’émets quelques réserves sur le morceau interprété dans une version beatbox par une troupe de jeunes choristes ainsi que les deux morceaux un peu trop variétoche chantés par Caroline Crozat. Mais mis à part ça, on en prend pleins les yeux et les oreilles !

Les changements de costumes de Christian sont une nouvelle fois de mise. Tantôt grimé en vieux marin avec sa canne et sa bouteille de rhum, tantôt en Père Noël, le frontman n’a rien perdu de sa légendaire bonhomie. Outre l’énorme Réveille-toi, durant lequel nous avons encore droit à une démonstration vocale ahurissante du fils Décamps – quel vibrato ! –, je suis particulièrement séduit par le plus calme À l’ombre des pictogrammes et sa ligne de basse si inquiétante lors du bridge central. Même si j’apprécie bien plus la première moitié de set (notamment les albums des 70’s), cette seconde partie comporte tout de même son lot d’excellents morceaux plus récents. Mais avant que le groupe ne se retire, on revient cependant en 1973 pour la célèbre reprise de Jacques Brel dont la totalité de la salle reprend en chœur les magnifiques paroles. Et, alors que la standing ovation finale bat son plein, l’intégralité des musiciens revient investir la scène une dernière fois pour le tube Hymne à la Vie dans un déluge de lights colorées. La bonne quinzaine de membres et d’ex-membres présents pour cet anniversaire remercie avec émoi la foule qui entonne en retour un enthousiaste « joyeux anniversaire ». On ne saurait mieux terminer une soirée telle que celle-ci ! Merci à Diffusion Prod’, au Trianon, au public, et bien sûr à Ange qui se lance dès à présent dans une tournée française de plus de 30 dates pour célébrer encore plus longtemps ce 50ème anniversaire. Si vous avez l’occasion de croiser leur route, n’hésitez surtout pas !