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dimanche 30 juillet 2017

Saor + Gjeldrune + Nytt Land + Udyr @Chambéry

Brin de Zinc - Chambéry

S.

C’est l’histoire d’un concert qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Tout du moins pas ici, pas dans ces conditions. Replaçons le contexte. Nous sommes le samedi 15 juillet 2017, peu avant midi. Les organisateurs du Ragnard Rock annoncent de façon invraisemblable l’annulation de la troisième édition du festival, à seulement cinq jours de l’ouverture des portes, entrainant dans leur chute bon nombre de groupes ayant tout préparé pour se rendre dans la région (sans parler des artisans et du public, eux aussi mis sur la paille). Après cette incroyable nouvelle, des forces locales se mettent en ordre de bataille pour sauver les meubles. L’association Ondes Noires Atra Bilis réussit à trouver en urgence une salle pour monter une affiche, avec des groupes qui devaient se produire ces samedi et surtout dimanche à Simandre-sur-Suran, notamment la tête d’affiche très attendue de tous, Saor, pour son premier concert en France. Les Ecossais sont accompagnés de Gjeldrune, Nytt Land et Udyr. L’événement de secours est donc délocalisé dans la petite salle du Brin de Zinc près de Chambéry.

La réaction du public est immédiate, les quelque 150 places sont vendues en l’espace de seulement 24 heures. Seulement voilà, un nouveau rebondissement apparait, digne d’une saga de l’été. Andy Marshall, leader de Saor, publie un communiqué hallucinant : les organisateurs du Ragnard Rock ont entre-temps purement et simplement annulé leurs billets d’avion. Le concert se voit alors amputé de son groupe phare. Vraiment ? Non. Contre toute attente, le groupe a décidé de prendre à ses frais le déplacement en avion, en guise de pied-de-nez à ces incompréhensibles péripéties, mais également pour honorer le soutien du public. C’est donc à perte que les Ecossais se rendent ce soir ici, mais probablement animés d’une hargne féroce. Notons qu’une cagnotte a été mise en place par les organisateurs, pour couvrir une partie des frais supplémentaires engagés par les musiciens.

C’est donc dans un contexte tout à fait particulier que va se dérouler le concert de ce soir.

Les hostilités sont lancées par les lyonnais d'Udyr, que je commence à bien connaître, pour les avoir vus une bonne poignée de fois. Les six individus nous ont préparé une setlist composée de six morceaux, inédits. Enfin, cela est relatif, Udyr n'a rien sorti d'autre que sa démo de 2011, on peut vraisemblablement penser qu'il s'agit de titres de leur prochain album (j'ai l'impression d'avoir déjà dit cela il y a deux ans ?). En tout état de cause, ils prennent leur temps et gagnent en maturité, en proposant un show carré et diablement captivant. Un Black Metal violent, malsain, qui frappe là où ça fait mal, avec un son compact, relevé par un clavier discret mais essentiel pour peindre une atmosphère troublante et oppressante. J'ai noté également l'excellente performance du vocaliste, jouant pleinement son rôle, avec son attitude possédée et ses hurlements glaciaux, parfois même schizophréniques. C'est sûrement la meilleure prestation que j'ai pu voir d'Udyr, groupe bien trop sous-estimé à mes yeux.

Setlist :
My own blood
Ce qu’il reste
In flight
Autumn
Défaites
Armée

 

 

Changement radical d'ambiance, avec l'installation des russes de Nytt Land. Et pour cause, on passe du Black Metal sans concession à du Nordic Folk profondément intimiste. Rien que par leur posture, leur regard vide et inhumain créé par des lentilles blanches et le jeu de lumière tout en nuance, on ressent tout le caractère solennel qui s'annonce. Un ressenti qui se concrétise en musique, avec des compositions inspirées des forces naturelles, traduites par des vocaux chamaniques, qu'ils soient féminins ou masculins, atteignant l'état de transe. Les instruments folkloriques sont également de la partie, on retrouve la flûte, la guimbarde, la tagelharpa, le tambour et, plus insolite, un simple rondin de bois. Le fond sonore est assuré par un synthé samplé, pour donner du corps. L'association de l'ensemble de ces éléments est tout à fait cohérente et efficace, pour dépeindre une atmosphère ritualistique. Le quatuor est souvent comparé à Wardruna, à juste titre, à la différence près que Nytt Land produit une musique plus sombre et mystique.
Un show très envoûtant tout au long de l'heure qui leur a été consacrée. Une bien belle découverte.

Setlist :
Opnun
Drakkar
Hitusk Aesir
Fenris Kindir
Voluspa
Snow
Surtr ferr sunnan
Bróðurbana sínum
Sal sér hon standa

 

 

On reste en Russie avec le troisième groupe de la soirée, Gjeldrune. La jeune formation officie dans le registre Folk Metal. Autant dire que ce n'est pas ma tasse de thé, étant assez allergique à ce style, sauf rares exceptions. La prestation des moscovites ne va toutefois pas demeurer inintéressante, grâce à un frontman particulièrement impliqué, n'hésitant pas à haranguer la foule, exprimant une joie très communicative d'être là ce soir, pour le premier concert de Gjeldrune en France. Il échange beaucoup avec le public, on y apprend d'ailleurs que le vocaliste principal n'est pas là ce soir, puisqu'il va être papa tout prochainement. L'individu a donc un rôle multitâche, entre la guitare, la flûte et le chant.
Pour en revenir au contenu musical, leur Folk se veut chantant et sautillant, le chant tirant parfois dans le Heavy, ça sonne parfois comme du Finntroll, grâce notamment à la présence du clavier, avec toutefois cette saveur propre aux formations russes (Arkona, Grai, Kalevala... ne tombons cependant pas dans des comparaisons trop faciles).
À défaut de m'avoir conquis, par son esprit Folk trop enjoué et dansant, le show de Gjeldrune m'aura néanmoins interpellé, par sa capacité à mobiliser le public, qui a d'ailleurs répondu aux appels du leader.

Setlist :
Оберег
Палец на спуск
Молотом битв
Проклятие
В парусах цвета зари
Боевая
Новый мир
Ермолов
Схоронили мы свой край
Головы с плеч

 

 

Le Brin de zinc s'est transformé peu à peu en un sauna géant, avec cette date sold out dans ce si petit espace, pour accueillir de façon triomphale Saor. Et cela est bien mérité. Outre les rebondissements évoqués en introduction, les Ecossais ont dû faire face à des retards d'avion pour se rendre jusqu'ici. La fatigue se voit sur leur visage au moment de monter sur scène. On se demande si celà va avoir un impact sur la performance des britanniques. La réponse est tout simplement non. Pendant une heure, la bande menée par Andy Marshall va donner tout ce qu'elle a dans le ventre pour mettre à l'honneur sa musique. Le set est essentiellement articulé autour du dernier album, Guardians, ainsi que le morceau éponyme d'Aura. Seuls cinq titres sont interprétés, mais tous dépassent les dix minutes, le quatuor prenant son temps pour développer les ambiances. Celles-ci se veulent épiques, conquérantes, mais aussi touchantes, sinon poignantes lorsqu'on se laisse transporter par les mélodies. J'en veux pour preuve ces thèmes sur The Declaration et Tears of a nation, qui en appellent directement aux tripes de l'auditeur. Devant une assemblée acquise à leur cause, Saor enchaîne les morceaux sans faux pas, l'exiguité de l'endroit accentue le côté intimiste assez différent de ce qu'on aurait pu avoir en festival. On y trouve beaucoup de proximité avec les artistes. Ajoutez à cela une acoustique parfaite et un jeu de lumière aux couleurs de Guardians, dans les tons bleus, vous avez la recette pour un show mémorable.
La première du groupe sur les planches françaises, dans les conditions que l'on connait, fera date. C'est épuisé mais manifestement satisfait que le combo remercie son public, qui lui répond sous des ovations nourries.

Setlist :
Guardians
The Declaration
Hearth
Tears of a Nation
Aura

 

Un grand merci à Ondes Noires et le Brin de Zinc pour avoir organisé cette date dans l'urgence, mais quelle date ! Merci également aux groupes pour avoir effectué des prestations de haute volée, ainsi qu'au public venu en masse.

Revivez une partie de la soirée avec 8 vidéos :

Photos