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samedi 1 novembre 2008

Cronian

Øystein G. Brun

U-Zine

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Leur petit dernier tout frais paru il convenait qu' U-zine sollicite Cronian pour obtenir quelques éclaircissements sur "Enterprise" ainsi que sur le passé et l'avenir du groupe. Les réponses apportées par Øystein G. Brun sont à l'image de l'album : tantôt joyeuses, tantôt graves mais en tout point intéressantes.

U-zine : Collaborant déjà au sein de Borknagar, pensez-vous que la création de Cronian ait été facilitée par cette rencontre ou que ce projet aurait de toute façon vu le jour ?

Øystein G. Brun : He bien, en fait, Mr V. et moi entretenions des relations amicales bien avant qu’il n’intègre Borknagar. Nous avons toujours eu beaucoup de points communs en ce qui concerne nos idées, nos pensées et notre vision de la musique ce qui induit que cela n’a toujours été qu’une question de temps pour que nous réalisions une ouevre commune sur ces sujets. On peut donc affirmer que Cronian trouve ses origines dans la fin des années 90.

Comment fonctionne votre duo et termes de compositions, d’enregistrement … ?

Ø. hum, j’écris la majeure partie des structures de bases et des arrangements des morceaux. J’enregistre des samples de pré-production que j’envoie à Mr V. qui pose alors ses parties vocales, quelques arrangements, et complète les morceaux par du synthé, de la programmation et bien évidemment toutes les lignes de basse. Tout au long de la composition de l'album nous sommes en contact téléphonique quasi permanent et nous échangeons bon nombre de démos afin de déterminer la direction adéquate pour chaque morceau. Il s’agit donc d’un long processus sur lequel nous influons tous les deux. Quand arrive le moment d’enregistrer la version définitive de l'album nous sommes en complète autonomie, chacun disposant de son propre home studio … bien que cette fois-ci nous ayons choisi de faire le mix final ainsi que le mastering dans un studio professionnel, ce qui s’est d’ailleurs avéré être un choix payant en terme de production, qui est tout bonnement excellente.

Vous êtes tous deux férus de bandes sons : sont elles la source de votre inspiration ou tendez vous à créer la bande originale de votre propre film?

Ø.Cronian est véritablement un groupe très « visuel » dans la mesure où je considère que la musique en elle même est basée sur les images. Il en a toujours été et il en sera toujours ainsi : Mr V. et moi même avons toujours été inspirés par la musique classique et les bandes originales de films; c’est d’ailleurs cette vision de la musique qui a été la raison principale pour laquelle nous avons créé Cronian. Je ne pense pas que l’image métaphorique d’un film, au sens de long métrage, puisse convenir à l’idée que je me fais de Cronian : il s’agirait bien plus d’un assemblage de courts métrages typés « art et essai », ou de l’illustration sonore d’un documentaire. C’est d’ailleurs une opportunité que nous saisirions si cette chance nous apparaissait ... nous verrons bien ce que le futur nous réserve.

Vous affirmiez par le passé qu’il n’était pas dans vos projets de faire des apparitions scéniques : avez-vous changé d’opinion ? Ne pensez-vous pas qu’une telle performance puisse avoir lieux à l’occasion d’un concert de Borknagar, ou au contraire qu’il s’agirait d’un show particulier pour lequel certaines conditions devraient être remplies ( et d’ailleurs, quelles seraient elles ) ?

Ø. Non, Pas pour le moment. Cronian n’a jamais eu pour ambition de se produire live. Cronian est le havre de paix dans lequel nous pouvons nous consacrer à la musique sans interférence extérieure. Pour être franc j’ai parfois du mal à comprendre l’importante demande des fans à ce sujet ainsi que l’envie irrépressible qu’ont certains groupes ( à moins que ça ne soit leurs label ) de se produire live : c’est comme si il était indiscutable qu’à partir du moment où vous faites de la musique vous devez l’interpréter live. Cela me paraît d’autant plus étranges que ce n’est pas en assistant à un concert que j’ai vécu mes expériences musicales les plus intenses. Quoiqu’il en soit, ne sachant de quoi demain sera fait, les choses peuvent changer mais il n’est pas pour l’instant question de nous écarter de la vision que nous avons de Cronian à savoir un groupe exclusivement studio.

A défaut de concert, avez-vous le projet de réaliser une illustration visuelle de votre musique qui dépasserait la simple ambition de réaliser un clip pour un titre en particulier ? quelle forme pourrait prendre une telle expérience si celle-ci devait voir le jour : un film d’animation traditionnel, digital, un film conceptuel, des plans paysagers ?

Ø. C’est une bonne question. Selon moi il serait vraiment formidable de pouvoir réaliser une telle chose. Comme je le mentionnait précédemment l’idéal serait un assemblage de courts métrages qui seraient en osmose avec l’album. Hélas je ne pense pas qu’il soit réaliste de penser que cela soit possible à brève échéance, mais il nous serait agréable de pouvoir faire quelque chose dans cet esprit. Si la possibilité nous en était offerte il s’agirait certainement d’un panachage de paysages et d’animation. Attendons de voir ce que l’avenir nous réserve …

L’Artwork d’ Enterprise est tout simplement splendide : est–il le résultat d’un dialogue entre l’zartiste qu’il l’a commis ( Marcelo HCV ) ou une interprêtation de votre musique ?

Ø.Marcelo et moi avons entretenu d’excellentes relations tout a long du processus d’élaboration de l’artwork : au début je lui ai soumis des mots clefs pour qu’il se fasse une idée de l’abum, comme le titre de celui-ci, les thémes abordés dans les paroles et ce fut a peu prés tout; quelques jours après il me présentait la cover, dont seul quelques éléments différent de celle que vous avez sous les yeux aujourd’hui : j’ai été stupéfait par l’aisance avec laquelle il avait capté les images que nous avions à l’esprit. Et tout cela sans avoir entendu ne serait-ce qu’une seule note de l’album. Ensuite nous avons beaucoup dialogué au sujet du lay-out et du concept visuel de l’album. Il m’a été donné de travailler avec bon nombre d’artistes tout au long de ma carrière mais aucun ne m’a autant impressionné que Marcelo, c’est tout bonnement un génie.

Votre son de batterie est impressionnant : vous qui utilisiez une boîte à rythme, avez-vous eu recours à une véritable batterie sur cet opus ?

Ø. Merci pour le compliment : nous avons travaillé d'arrache pied sur le son et l'agencement des parties de batterie. Celles ci sont programmées mais à partir de sons issus d'une batterie naturelle que nous avons retravaillés, ajouté un peu de reverb' et d'autres menus détails. Je suis d'ailleurs moi même trés satisfait du résultat final !

Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de la saga "End (durance)"? quelle est la raison de la présence de ce morceau en épilogue de vos deux albums ?

Ø. En effet il s'agit bien d'une saga ! Toute fin est le commencement de quelque chose de nouveau. Le cercle de la vie. C'est le message symbolique que je tente de faire passer par le biais de cette chanson. Ne soyez donc pas surpris que figure à nouveau ce morceau (part III) sur notre prochaine réalisation.

Pouvez-vous nous dire quelques mots à présent concernant votre signature sur le label Indie Recordings ?

Ø. Lorsque Borknagar a signé sur ce label courant 2007 j'ai évoqué la possibilité qu'un nouvel album de Cronian puisse voir le jour. Ils ont écouté quelques titres et se sont tout de suite montrés trés enthousiastes à l'idée d'une collaboration. Nos relations avec notre précédent label étaient éteintes bien avant que cette possibilité ne s'offre à nous et pour ne rien cacher la situation est idéale pour nous aujourdh'ui : c'est un plaisir que d'être signé sur un label Norvégien dont je connais l'équipe depuis des années, tant humainement qu'en ce qui concerne la très grande compétence professionnelle. Et le simple fait de pouvoir se rendre à pied à leur bureaux pour discuter business autour d'un café est un luxe inestimable et un soulagement après avoir été sur un label étrangers pendant des années. Lorsqu'en plus vous rajoutez à cela de meilleures condition contractuelles, bien plus justes que celles dont nous bénéficions auparavant ... que demande le peuple !

Votre groupe se nommait initialement Ion mais, pour des raisons de droits ce me semble, vous avez été contraints de modifier votre nom pour finalement adopter celui de Cronian : cela a-t-il affecté votre vision et le message délivré ?

Ø. A vrai dire la raison pour laquelle nous avons décidé de changer de nom n’est pas celle que tu mentionne. Comme je te le disais l’idée de ce groupe et de son orientation musicale infuse en nous depuis la fin des années 90. Nous étions alors intimement persuadés que nous collaborerions à se projet tout en ne sachant pas encore quelle forme adopterait cette combinaison de volontés. Entre 4 et 5 années se sont écoulées avant que nous n’ayons finalement organisé nos idées conceptuelles et musicales sous une forme "exploitable". Dans la mesures lesdites idées ont mûries durant ce laps de temps, Ion ne nous est plus parut comme approprié à ce que nous proposions désormais. Nous avons alors opté pour Cronian qui est bien plus adapté a pareille entreprise.

Justement, quelle est-elle cette « Entreprise » ? une idée, un concept qui régirait cette album comme le concept de froidure régissait le précédent ?

Ø. A vrai dire « Enterprise » est un titre permettant plusieurs niveaux de lecture : au sens premier il s’agirait de ce qui touche au fait d’être visionnaire, audacieux et aventureux non seulement au niveau physique mais également au niveau intellectuel; mais également, de manière sous-jacente, cela à trait au fait d’avoir transformé la Terre Mère en une entreprise. Ce titre met en exergue le dévoiement intellectuel opéré par le genre humain qui, d’explorateur, s’est transformé en un insatiable destructeur de son propre environnement : l’humanité se comporte de nos jours comme si la planète était un immense supermarché qui peut être pillé sans être inquiété. Peu de gens ont le recul nécessaire pour percevoir les conséquence d’un tel comportement à une échelle supérieure et la nécessité qu’il faille que nous payons pour obtenir le fruit qui nous a fait envie … nous ne voulons absolument pas être considérés comme un groupe politisé ou écocentrique mais il s’agit là d’un thème désormais universel, et bien plus effrayant à mon sens que le plus négatif des « liturgical black metal ». Il s’agit là d’un risque d’apocalypse bien réel et « Enterprise » est le mot qui englobe tout cela.

Enterprise est emplie d'émotions qui vont de l'enthousiasme pétillant au résignement le plus désespéré : devons nous nous fier à l'une ou l'autre de ces impression ou préférer un état de constat neutre ?

Ø. En tant que musicien je ne suis pas en position pour édicter comment l'auditeur doit recevoir la musique, ni dans quelle mesure il peut ( ou doit ) être influencé par elle. Notre intention est de créer une houle musicale qui transporte l'auditeur vers des impressions et un ressenti, en espérant bien sur qu'elle ait un impact sur lui. Les thèmes abordés dans l'album sont tout à la fois trés personnels et universels : l'humanité se trouve dans une situation trés préoccupante ... si seulement notre musique pouvait donner à l'auditeur une raison, ou renforcer son intention de changer son état d'esprit en quelque chose de plus protecteur et respectueux envers la Terre Mère. Nous vivons dans un monde où seul l'argent a droit de cité; par le biais de notre musique nous voulons donner la parole aux émotions, seules les émotions sont à même de rendre les gens attentifs ...

Tous nos remerciements à Øystein G. Brun pour son temps et ses réponses.