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mercredi 8 octobre 2008

Orakle

Achernar

U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Auteur d'un brillant deuxième album "Tourments & Perdition", unanimement salué par les critiques, Orakle ne va pas s'arrêter en si bon chemin !
L'équipe d'U-zine (Hraesvelg et Aghahowa) a eu la chance de croiser Achernar (Chant, basse, clavier & guitare additionnelle) pendant l'une de ses escales philosophiques. L'entretien qui en découle vous est offert. Bonne dégustation !

1) Orakle, celui qui erre :

U-zine :Comment vous êtes-vous rencontrés (Achernar et Clevdh, puis les membres "récents") et qu'est-ce qui fait, selon vous, le ciment de cette union ?

Achernar :Clevdh et moi nous sommes rencontrés au collège, où nous sommes devenus amis vers l’âge de 13 ou 14 ans... Ce qui nous a réunis à l’époque était évidemment un intérêt partagé pour la musique – Metallica, les Guns, Sepultura, etc... –, et c’est d’ailleurs assez rapidement que nous avons décidé de faire un groupe ensemble. Amar Ru (guitares), lui, est arrivé en 2002 pour remplacer le guitariste originel du groupe, qui à l’époque devenait un frein pour nos ambitions; on l’avait déjà rencontré lors d’une date en commun et c’est quelqu’un qui en plus d’avoir un bon niveau, a su s’intégrer rapidement au groupe et prendre part à la composition. Quant à Eithenn, c’est un peu pareil : nous avions sympathisé à l’époque où il jouait encore avec Execrandus et Wargasm; il est d’abord venu en tant que guitariste session pour les concerts, puis avec le temps s’est intégré dans Orakle à part entière. Je crois que le « ciment », comme tu dis, relève de nombreux facteurs dont les principaux sont une amitié et une estime mutuelles, l’expérience que l’on a accumulée ensemble, et le fait que nous ayons des personnalités affirmées.





U-zine :Parlons de votre nouvel album "Tourments & Perdition". Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Achernar : L’idée est surtout venue de Clevdh et de moi-même, qui sommes les principaux auteurs des textes (Amar Ru a également écrit un texte sur l’album). Depuis le début du processus d’écriture, aussi bien textuellement que musicalement, notre inspiration avait été stimulée par des sentiments extrêmement sombres et pessimistes. En tout cas, beaucoup plus que sur notre précédent album « Uni aux cimes », où certaines formes de puissance et de gloire étaient aussi à l’honneur.
Cette fois, pour des raisons plus ou moins évidentes – certains événements personnels, des lectures, un certain perspectivisme nous ayant peut-être aussi amené à prendre le contre-pied de notre premier travail…–, les premiers riffs que j’ai écrits et les textes partaient naturellement dans une direction dramatique, noire. Régulièrement, nous en avons discuté avec Clevdh et nous savions pertinemment que nous nous dirigions vers ce type d’album à l’ambiance très marquée, pesante.
Quand est venu le moment de choisir un titre, nous avons cherché des mots simples pour résumer le contenu et la philosophie du disque : Clevdh a prononcé « Tourment » et j’ai répondu « Perdition ». Les tourments provoqués par la lucidité d’un être qui ne cherche plus à voiler son existence et prend enfin conscience de son extrême fragilité, voire de sa vanité, et l’unique finalité de son existence, c’est-à-dire la mort et la perdition. Le pluriel de « Tourments » et le singulier de « Perdition » est également là pour appuyer l’absence d’issue, le rétrécissement de tout chemin vers une destination inévitable.





U-zine :L'artwork de vos albums est un travail entre les 2 membres originels d'Orakle et une personne extérieure au groupe. Qu'avez-vous voulu exprimer grâce à cette réflexion commune autour de celui de "Tourments & Perdition" ?

Achernar : Effectivement, pour l’instant nous avons toujours gardé la main sur l’artwork : pour « Uni aux cimes » nous avions tout réalisé nous-mêmes, et cette fois-ci c’est surtout Clevdh, moi et ma compagne qui avons travaillé dessus. Sur « Tourments & Perdition », l’idée initiale a été de trouver des illustrations sortant du « trop » figuratif, avec du mouvement, de la profondeur, de l’abstraction pour illustrer notre musique, et une ambiance assez tragique, chaotique, désespérée pour donner une représentation au contenu textuel.

Nous sommes donc tombés assez vite sur le peintre William Turner, qui avait cette vision originale des choses, toujours en mouvement, cherchant dans ses toiles à recréer une ambiance plutôt qu’un « arrêt dans le temps ». Il y a de véritables perles dans son œuvre, sur lesquelles nous sommes tombés au cours d’une ou deux visites à la Bibliothèque François Mitterrand à Paris, avec mon amie. Et notamment celle qui a servi pour la couverture (« Snow Storm : Steam-boat off a Harbour’s Mouth »), avec cette embarcation qui se retrouve complètement à l’abandon dans une mer agitée et menaçante, symbole évident de notre place « tourmentée » au sein de l’existence.
De même, l’ensemble de l’artwork a été construit autour des peintures de Turner, certaines très abstraites et sobres (cf l’intérieur du livret), dont nous avons tout de même modifié les teintes afin de donner un aspect automnal de « fin de cycle ». J’ajouterai pour finir que la pochette comporte également un détail issu d’une peinture de Jean-Baptiste Carpeaux : un personnage implorant qui symbolise la détresse et le désespoir du naufragé.





U-zine :Pensez-vous que votre bonne étoile vous a fait croiser le chemin de votre label actuel, Holy Records, connu pour ses choix audacieux et dont les sorties sont suivies par des esthètes rigoureux mais certainement ouverts à votre création ?

Achernar : Je crois au hasard mais cette rencontre n’en relève pas vraiment. J’ai commencé à écouter du Métal extrême en étant un grand fan de groupes signés chez Holy Records tels que Supuration ou Septic Flesh ; c’est donc naturellement que depuis 2002 nous communiquions avec le label, en envoyant régulièrement nos démos.
Effectivement, le fait de travailler avec un label français nous intéressait, et même aujourd’hui Holy reste une référence en termes d’expérience et de savoir-faire. A l’époque d’ « Uni aux cimes », ça ne s’est pas concrétisé car nous avons rapidement signé avec Melancholia Records, mais dès que nous avons envoyé les maquettes de ce deuxième album, la réponse a été immédiate et enthousiaste de leur part. Et puis effectivement, contrairement à certains ils ne signent pas uniquement sur des critères de « potentiel commercial », et font plus confiance à leurs oreilles qu’à leur portefeuille. Je pense qu’aujourd’hui ils sont fiers d’avoir sorti un album tel que « Tourments & Perdition ».


U-zine :Actuellement, nous voyons que vous avez 2 concerts de prévus à la mi-octobre (à Paris et à Lille). Avez-vous d'autres projets de dates sur le point de se concrétiser ? En France et à l'étranger ?

Achernar : Oui, nous sommes actuellement en pleine recherche de dates mais manquons un peu de temps pour nous y consacrer sérieusement. Si des personnes ou associations souhaitent nous faire jouer, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter.
Pour le moment, effectivement nous avons ces deux dates à Paris et à Lille, une présence confirmée pour le Chaulnes Metal Fest en avril 2009, au moins une autre date à Paris en montage pour la fin de l’année, une série de trois dates en prévision en Bretagne, et d’autres petites choses à droite à gauche.
On manque un peu de contacts à force de vivre cachés de l’effervescence de la scène (rires), donc c’est un peu lent à démarrer. Mais j’espère qu’on pourra jouer un maximum fin 2008 et en 2009, que ce soit en France ou à l’étranger.



U-zine :La plupart des gens voient en l'écriture de textes en français, notre langue maternelle, une difficulté supplémentaire pour un groupe qui veut véhiculer un message à travers le monde, et il faut le dire, vendre plus d'albums. Pourquoi avoir opté pour ce choix depuis le début ? Est-ce une "facilité" ?

Achernar : Pour moi, c’est justement tout le contraire d’une « facilité ». La facilité, ce sont les tas de groupes qui chantent en anglais – et encore, c’est un bien grand mot pour qualifier les drôleries grammaticales et stylistiques qu’on trouve chez beaucoup de groupes non anglophones – sans aucune connaissance de cette langue.
La facilité, c’est se dire qu’il vaut mieux chanter « comme tout le monde » et passer inaperçu plutôt que de se risquer à exprimer de vraies choses dans les textes. Attention, je ne suis pas opposé à l’utilisation de l’anglais dans l’absolu, c’est une belle langue, mais il faut juste que ce soit un choix maîtrisé, pas le fruit d’un suivisme stupide. Après, pour ce qui concerne le message à véhiculer ou le potentiel commercial, ce sont deux choses dont nous ne nous soucions pas trop ; la première parce qu’Orakle ne diffuse pas vraiment de message, je le vois surtout comme un groupe autour duquel nous nous construisons en tant qu’individus, en exprimant des sentiments personnels, la deuxième parce que la motivation commerciale arrive très loin derrière nos choix artistiques.
Et il me semble que certains groupes, dont des initiateurs du Black-Metal, ont réussi commercialement tout en chantant en Norvégien qui à mon avis est bien plus exotique que le Français.




U-zine :Donc votre démarche étant tout autre, êtes-vous de ceux qui pensent que s'exprimer dans sa langue natale oblige plus que n'autorise ?

Achernar : Disons que ça oblige surtout à ne pas raconter trop de conneries (rires). Non, sérieusement, c’est dommage mais comme je le disais juste avant, trop de groupes utilisent l’anglais pour éviter d’avoir à comprendre ce qu’ils racontent. Ce n’est encore une fois pas une généralité, mais je crois quand même que les anglophones doivent bien se marrer en lisant les textes de certains groupes, qui ne maîtrisent pas cette langue.
Quand c’est pour écrire des choses très simples, ça passe, mais c’est loin d’être toujours le cas. Bref, nous concernant, le choix du français n’ « oblige » en rien puisque c’est notre volonté d’écrire des textes recherchés et qui véhiculent du sens à nos yeux ; et au contraire, ce choix nous octroie davantage de liberté et de possibilités puisqu’il s’agit par définition de la langue dont nous maîtrisons le mieux les détails et les subtilités.

U-zine :Si nous voulions pinailler un peu, nous dirions que le "&" de "Tourments & Perdition" est éloigné des standards de la langue de Molière. Pourquoi avoir choisi ce "&" plutôt qu'un "et" ?

Achernar : Je ne crois pas que le « & » soit éloigné de la langue française. C’est un symbole qui a été utilisé très tôt par les calligraphes européens pour donner un peu de prestige, utilisé sur des titres par exemple. Après, je t’avoue que nous ne nous sommes pas trop attardés sur ce détail, on trouvait effectivement ce symbole plus joli qu’un « et », plus élancé et assez noble.





2) Orakle, dépossédés, le miroir sans tain :

U-zine :Que pensez-vous du morceau d'Emperor "I Am The Black Wizards", d'Emperor en général et d'Arcturus ? C'est une question qui doit bien vous sembler habituelle... Comment vous démarquez-vous d'eux tout en en étant proches ?

Achernar :Emperor et Arcturus sont deux groupes que nous connaissons bien, surtout Clevdh et moi puisque nous avons passé une partie de notre adolescence dans l’effervescence de la scène Scandinave, au milieu des années 90.
Quant à « I Am The Black Wizards » c’est un titre superbe, un « standard » même si ce n’est pas forcément le titre que je préfère dans la discographie des Norvégiens. Bref, évidemment ces groupes et plus généralement toute cette scène (Mayhem, Burzum, Ulver…) ont eu une influence sur nous, ça me paraît tout ce qu’il y a de plus logique.
Après, je n’ai pas le recul pour me positionner vis-à-vis de ça, même si c’est quelque chose qui revient souvent et qui a donc sa part de vérité ; on partage probablement le même intérêt pour une musique à la fois extrême et raffinée, émotionnelle, un goût pour les orchestrations classiques également. Mais lorsque nous écrivons un morceau avec Orakle, à aucun moment on ne pense à l’un de ces groupes en particulier, c’est uniquement ce qui provient de nous-mêmes qui nous intéresse.
On a même tendance à écarter des riffs, même très bons, lorsqu’ils rappellent trop quelque chose que nous avons déjà entendu… Alors après, que ce ne soit pas d’une innovation absolue, soit et de toute façon ce n’est pas notre prétention, mais je crois vraiment que dans ce périmètre notre musique reste reconnaissable et originale.

Personnellement, je ne connais pas de groupe qui soit un mélange d’Emperor et d’Arcturus, et si cela existait j’aurais vraiment envie d’écouter (rires) ; mais de toute façon je pense que nous sommes bien plus qu’une simple somme de ces références – toutes prestigieuses qu’elles soient – et avons suffisamment d’arguments musicaux pour nous en démarquer. Orakle est Orakle et pas autre chose, c’est tout ce que nous avons en tête.


U-zine :Vous déclareriez-vous aussi, comme une vision extrême, d'un Carpathian Forest ?

Achernar : Je crains de ne pas pouvoir répondre, car je ne connais pas suffisamment Carpathian Forest





U-zine :Quid de la musique classique dans l'environnement d'Orakle ?

Achernar : C’est précisément cette influence, je pense, qui crée les rapprochements avec des groupes comme Emperor ou Arcturus. Nous ne l’utilisons pas en tant qu’apparat, comme pourraient le faire Dimmu Borgir ou de nombreux groupes à tendance symphonique lorsqu’ils utilisent un « vrai » orchestre – car finalement, ceux-là ont juste tendance à plaquer des sonorités classiques sur une base Métal très simple –, mais au contraire, sur des passages bien précis, dans les fondements mêmes de la composition.
Effectivement j’apprécie énormément la musique classique ; Clevdh (batterie) en écoute beaucoup également, et je crois qu’Amar Ru (guitares) en écoute au moins autant que du Métal… Je ne sais pas si tu avais eu l’occasion de l’entendre, mais quelques temps après la sortie de notre premier album, j’avais réalisé une adaptation d’un titre d’Orakle en version totalement orchestrée, non seulement par goût pour cette musique en tant qu’auditeur, mais également par pur intérêt de compositeur.
Je crois que certaines œuvres de musique classique correspondent bien à la façon dont je crée moi-même des riffs, à savoir en superposant plusieurs guitares parfois très différentes, en cherchant du contraste entre les envolées et les passages plus calmes, en faisant évoluer sur la durée un même motif, harmoniquement ou rythmiquement, etc… Ce n’est évidemment pas une influence exclusive – je pourrais te citer d’autres choses « hors-Métal » – mais elle a tout de même son importance. Pour les plus curieux, ce travail symphonique peut être écouté sur le site www.orakle.fr (ndlr : dans le player en haut à droite).

3) Orakle et les mots de la perte :

U-zine :Vos compositions sont sophistiquées, chaque détail est travaillé. Or votre nouvel opus traite essentiellement de la vacuité des choses et est empreint de Spleen. N'y a-t-il pas une ironie proprement luciférienne à chanter la fin du monde et l'insignifiance de la condition humaine dans une telle expression de rébellion face à la mortalité ?

Achernar : Il y a probablement une ambivalence qui peut évoquer ce type de symbole : malgré toute la déception, la souffrance et la désillusion que provoquent une trop grande lucidité sur son sort, à l’image d’un Lucifer au fond de l’abîme, il y a encore une partie de nous qui souhaite rendre « esthétique » sa propre perdition.
C’est précisément ce qui est exprimé dans un texte comme « Vengeance Esthétique », écrit par Clevdh, ou qui affleure dans la conclusion de « L’Imminence du Terrible », rappelant que malgré l’inéluctable et le tragique de notre condition, rien ne peut nous tenir pour responsables de celle-ci : tous les « gènes » de la tragédie, si je puis dire, sont contenus dans le fait même de vivre. Mais d’une manière générale, sur « Tourments & Perdition », il n’y pas ou peu ce désespoir « absolu », ce Spleen résigné ; une grande partie de la dynamique de l’album réside au contraire dans l’affrontement entre le désespoir et le vouloir-vivre.
D’ailleurs, une tragédie sans « vouloir-vivre » n’en est plus vraiment une. Après, je ne prétends pas que cette idée soit consciemment liée à la manière dont nous avons composé la musique, mais la remarque n’en reste pas moins pertinente : de fait, nous passons énormément de temps à arranger, à travailler les détails, ce qui finalement consiste à rester « esthètes » en toutes circonstances, à apporter de la profondeur et du relief à tout ce qu’on exprime, et peut-être plus encore lorsqu’il s’agit d’aspects sombres.




U-zine :Sur votre premier album "Uni Aux Cimes", vous citiez Nietzsche sur le morceau "Abyssale". Pourquoi avoir mis cette fois-ci une citation d'Albert Camus en prémices de "La Splendeur De Nos Pas" ?

Achernar : Effectivement, c’est un point qui revient et souligne qu’une partie de notre inspiration provient probablement de la littérature. Sur « Uni aux cimes », Nietzsche était évident car Clevdh achevait ses études de philosophie par un long travail sur lui et était depuis un bon moment, tout comme moi, sensible à sa pensée. Une partie des textes collait donc au penseur allemand et notamment le dernier titre, « Abyssale », qui exprimait l’idée de l’ « éternel retour », chère à Nietzsche entre autres.
Sur ce nouvel album, la citation d’Albert Camus est une idée d’Amar Ru, qui est à l’origine des paroles de « La Splendeur de nos Pas » ; il se trouve qu’une partie de son inspiration pour ce texte venait directement de cette phrase du Mythe de Sisyphe : « La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme ». D’ailleurs, Camus poursuit par un « Il faut imaginer Sisyphe heureux », qui est également central pour comprendre la portée de ce titre.
Bref, dès la première version du texte, Amar Ru avait intégré cette citation, et elle reste uniquement liée au thème de ce titre en particulier, pas nécessairement à l’ensemble de l’album.

U-zine :Qui pourrait être le prochain auteur cité en album ? Et plus généralement, quelles sont vos sources d'inspiration dans la littérature ?

Achernar : Et bien, je ne sais pas encore s’il y aura d’autres références, on verra… Ce n’est pas forcément quelque chose que nous avons décidé de faire systématiquement. Clevdh et moi-même, qui sommes les principaux auteurs pour l’instant, avons des goûts personnels et parfois différents : par exemple, je sais qu’il ne lit que très peu voire pas de romans, par contre il connaît une quantité impressionnante de livres de philosophie, et s’intéresse d’une manière générale aux sciences humaines…
Le concernant, je pourrais citer Nietzsche, Schopenhauer, Foucault ou Freud parmi beaucoup d’autres, mais il le ferait beaucoup mieux que moi… Une chose est sûre, c’est qu’il passe beaucoup plus de temps que moi à lire. Personnellement, j’apprécie la philosophie mais à plus petite dose – je citerai Nietzsche ou Héraclite comme penseurs marquants pour moi –, la psychologie avec Jung, et si je devais citer quelques auteurs toutes catégories confondues, je dirais Samuel Beckett, Antonin Artaud, Ferdinand Céline, Georges Bataille, Lautréamont ou Houellebecq… parmi lesquels on trouve donc également des auteurs de théâtre, de poésie et des romanciers.

U-zine :Lao Tseu, dans "la Voie du Tao", exprimait la pensée selon laquelle "Mieux vaux renoncer que de tenir un bol plein d'eau", ne pensez-vous pas que la démarche de l'Artiste soit absolument inverse ?

Achernar : Je t’avoue que je ne suis pas très familier avec les enseignements de Lao Tseu ! Ce que j’en comprends, c’est qu’il privilégie le détachement plutôt qu’une attention trop grande portée au monde, attention symbolisée par ce bol d’eau… C’est drôle parce que je dis peut-être une connerie énorme (rires) ?
En tout cas, si c’est bien de cette façon qu’il faut le comprendre, effectivement je vois l’artiste comme un opposant qui se doit d’être présent au monde afin de le sublimer à sa manière. L’abandon de toute passion, le détachement, le renoncement, toutes ces postures conduisent au vide, or l’ambition de l’artiste tel que je le perçois est précisément de créer au sein de ce vide, quitte à ne jamais trouver ni paix, ni soulagement.




U-zine :Dans une récente interview pour Metallian, vous exprimiez le fait qu'il soit plus facile de se divertir devant TF1 que de tenter l'expérience Arte. Mais ne pensez-vous pas que la démarche artistique qui est la votre, procédant d'un effort, il faille que l'auditeur d'une telle musique ne soit récompensé, en quelque sorte, que parce qu'il y a eu quête de sa part ?

Achernar : C’est Clevdh qui faisait ce parallèle pour illustrer la facilité d’accès ou non à la musique, ou à toute autre forme culturelle d’ailleurs ; et il allait complètement dans ton sens : les gens se complaisent souvent dans leur manque d’effort et de curiosité. C’est vrai que d’une manière générale, moi qui apprécie les musiques fouillées, fortes émotionnellement, je suis toujours consterné de voir à quel point les gens ont un goût douteux, avec leurs passions calculées pour des chanteurs niais qui servent et resservent la même soupe tiède.
Et ce n’est pas une chose qui me fait spécialement « plaisir », car nous n’avons absolument pas l’ambition d’être « élitistes », de réserver notre musique à quelques personnes récompensées, ou je ne sais quoi… Notre musique reste très accessible du moment qu’on ne reste pas coincé dans de stupides standards formatés. Mais c’est un fait : les gens préfèrent s’avachir devant quelque chose de simple, qui ne leur demandera pas un effort trop conséquent, plutôt que de se pencher sur une expression plus profonde et surprenante. Et ça vaut aussi pour le Metal, malgré ce qu’on peut croire !
Donc nous n’avons pas d’autre choix que de faire avec, et de continuer à créer ce que nous aimons. Et de toute façon, je pense que chacun prend ce qu’il veut dans notre musique, on peut très bien écouter ce disque sans se pencher des heures sur la compréhension des textes.

U-zine :Croyez-vous que l'interrogation soit plus importante que la réponse ?

Achernar : Non, elle n’est pas plus importante en soi, mais le fait est qu’aucune réponse n’existe sans question préalable. Dans Orakle, il est vrai que l’interrogation existentielle est centrale, mais les réponses que constituent les paroles ne sont pas absolues ; Orakle est avant tout un reflet de notre construction personnelle, nos textes sont donc des points de vue, un ressenti « du moment » qui ne relève que de notre propre perception en tant qu’individus et artistes. Chacun peut ensuite profiter de cette prise de parole initiale, pour mener à son tour sa propre réflexion, s’il le souhaite.




4) Orakle, l'imminence du Terrible :

U-zine :"Sur le fleuve éternel, à l'identique nous reviendrons" vers vous Orakle. Mais qu'avez-vous à nous dire pour sceller la fin de cette interview ?

Achernar : Tiens, ces mots me sont familiers, ils sont de toi (rires) ?

Je te remercie pour cette interview originale et intéressante, qui je l’espère éveillera la curiosité des lecteurs de U-Zine… Je les invite à venir découvrir concrètement la musique d’Orakle sur les liens officiels que sont www.orakle.fr et www.myspace.com/orakleband, et lors des concerts que j’espère nombreux dans les mois à venir.
Et dernière chose, si vous appréciez, merci de nous soutenir plutôt que de télécharger les titres en mauvaise qualité… Les albums sont disponibles facilement chez Holy Records, la plupart des VPC françaises ainsi que directement sur la boutique de notre site.
A bon entendeur… Salut ! Et à bientôt.

L'équipe d'U-zine vous remercie, Achernar et Orakle, pour cette interview très instructive, passionnée et passionnante. Elle prend encore plus son sens lorsque l'on écoute Tourments & Perdition.