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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Epica

Requiem for the Indifferent

LabelNuclear Blast
styleMetal Symphonique
formatAlbum
paysPays-Bas
sortiemars 2012
La note de
U-Zine
6/10


U-Zine

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La fin est-elle si proche que cela ?
Il semblerait qu’en ces temps troublés, les chantres de l’apocalypse sortent de leur mutisme pour proférer les menaces de l’archange Lucifer. L’humanité est damnée.
Pillant ses ressources, molestant sa terre d’accueil, agonisant son sang, l’espèce humaine court à sa perte...
C’est alors qu’un chant s’élève du chaos à venir. Les trompettes du jugement dernier ? Non, un requiem... le requiem de ceux qui, pendant des années, ont fait fi des mises en garde et ce sont crus l’égal de Dieu. Un requiem pour une espèce en perdition…un requiem pour les indifférents…

Nous connaissions les hollandais de Epica très préoccupés par l’avenir écologique de la Terre. Ils passent aujourd’hui à la vitesse supérieure en livrant un véritable pamphlet contre l’homme et ses addictions, l’homme et ses aberrations, l’homme et ses excès.
Faisant suite au concept plus spirituel des trois premiers opus, "Requiem for the Indifferent" sonne l’heure du jugement là où la prévention est terminée. La guerre est lancée.

Après un "Design Your Universe" renversant de puissance et d’agressivité pour le genre, ceci étant notamment dû à l’intégration de deux ex-membres de God Dethroned, Epica était plus que jamais attendu au tournant.
Car si les hollandais ont depuis toujours suscité l’admiration et ont été porté au pinacle dès "The Phantom Agony" et le génial "Consign to Oblivion", il est clair que "The Divine Conspiracy" avait refroidi les ardeurs. Entre une production en deçà des attentes et un style qui commençait à tourner en rond, la bande à Mark Jansen suscitait les interrogations. Interrogations en partie volées en éclat lors du quatrième album, écrasant la concurrence de sa rudesse et sa rage, et s’offrant une personnalité nouvelle et propre. Sascha Paeth avait réalisé un travail d’orfèvre en matière de son et de symphonies, et la suite ne pouvait dès lors plus imaginer un quelconque retour en arrière.

Et pourtant...

D’un point de vue visuel, "Requiem for the Indifferent" est décevant de par son manque évident de prise de risque. Cette texture grisâtre évoquant la machine, ces éléments mécaniques incrustés dans la nature pour illustrer le pas d’une technologie étouffant l’homme n’est, en plus de ne pas être nouvelle, ici rébarbative et sans créativité. On passera les éléments renvoyant directement au cinéma (Matrix, Time Out, V pour Vendetta) ou le personnage semblant avoir été pompé sur la sublime Nathalie Portman. Bref, nous n’en sommes qu’au visuel...

"Karma" délivre son introduction pleine de richesse, de beauté et de féérie. Les murmures chantés sont d’une grande beauté, et une grande religiosité demeure déjà dans l’ambiance musicale qui se trame. Une ambiance solennelle, sombre et dure, presque inquisitrice. "Monopoly on Truth" déboule avec un riff très rentre-dedans et la première frayeur se fait déjà sentir. Le son. La production, malgré une équipe inchangée, n’est clairement pas à la hauteur de celle de son prédécesseur, et le manque de densité, de puissance et d’impact renvoie directement au travail sonore de "The Divine Conspiracy", c’est-à-dire une coupure nette entre l’instrumentation metal et les parties symphoniques.
Malgré tout, le travail musical réalisé est très fin, et les nombreux chœurs et arrangements sont très beaux, notamment les instruments plus tribaux, faisant ressortir un esprit religieux, presque hindou. Mark partage le chant avec Simone, qui n’en finit plus de faire des progrès tant elle chante divinement bien (rien que les parties lyriques de ce premier morceau sont à pleurer). "Storm the Sorrow" confirme les premières craintes, à savoir un manque de puissance mais laisse surgir une nouvelle désillusion, plus créative ici.
Installé confortablement dans le cocon de l’énorme succès de "Design Your Universe", Epica ne semble pas avoir pris la peine de chercher à innover quoique ce soit avec ce nouvel album, et "Requiem of the Indifferent" se révèle être une « part II » de plus ou moins bonne facture, la surprise en moins bien entendu. Cela se révèle flagrant car jamais deux opus ne s’étaient autant ressemblé dans la construction (13 titres, le 6e et le 13e étant les morceaux épiques, deux introductions en 1er et 7e position, le single en 3e... et ce pour tout le disque), dans le style et dans l’interprétation.

Faut-il alors jeter des pierres à Epica ? Évidemment non car un énorme travail d’orchestrations et d’arrangements a été fournis mais il est décevant de remarquer que la base musicale des hollandais sentent autant le réchauffé. Nous pourrons parler du titre éponyme, merveille de huit minutes trente, aux aspects arabisants et au refrain magique renvoyant directement à "The Last Crusade" de "Consign to Oblivion". Le travail mélodique y est magistral même si certains regretteront le parti pris bien plus brutal de l’opus précédent, les interventions extrêmes semblant bien plus téléphonés sur ce nouvel opus (comme une réédite des chutes de "Kingdom of Heaven" par exemple...).

Il est néanmoins confondant de se retrouver, quand on s’appelle Epica, avec des compositions aussi molles et banales que des "Guilty Demeanor" (au riff bateau, orchestrations simplistes et ligne vocale des plus traditionnelles), un "Delirium" rappelant trop fortement "The Divine Conspiracy" ou encore "Stay the Course" à la mollesse affligeante, comme si le groupe s’ennuyait lui-même sur sa musique, ni incorporant ni tripes ni volonté. Seraient-ils si pessimistes qu’ils en seraient devenus démotivés (démotivant ?) ?
On pourra retenir un très joli "Deep Water Horizon" mais le niveau est si loin des merveilleux" White Waters" et "Tides of Time" que sa qualité en pâti énormément, sa force d’évocation aussi (frisant finalement le zéro). "Deter the Tyrant" retrouve un peu l’esprit death technique si cher à l’opus précédent pendant que "Serenade of Self Destruction", le dernier long titre (dix minutes), retrouve la magie tant oubliée des néerlandais. Epica y regroupe ses chœurs si caractéristiques et mystiques, un couple de voix antinomiques faisant mouche et une qualité d’interprétation les mettant au-dessus du lot. Les riffs redeviennent enfin originaux, créatifs, techniques... Simone y chante une fois de plus avec une douce pureté (le refrain est une perle de mélancolie) mais il va sans dire qu’il est malheureusement trop tard. Les courageux retrouveront le sourire tandis que les autres auront de toute façon arrêté le massacre pour ressortir l’opus précédent ou les premiers essais des hollandais.

La déception est grande car Epica, en jouant la carte de la simplicité et en voulant s’assurer son public, vient de réaliser son album le plus décevant. Non pas qu’il soit mauvais, mais le niveau affiché sur le précédent forme un gouffre bien trop grand pour que "Requiem for the Indifferent" puisse rivaliser.
L’album n’est pas encore sorti que votre serviteur attend déjà le suivant pour retrouver le groupe plein de fougue et d’envie qu’il croyait connaitre. Cet opus sera l’un de ceux que l’on ne sortira presque jamais, coincé entre, il faut l’espérer, deux œuvres inéluctablement supérieures. Il est de ceux que l’on préfèrera oublier ou tout au moins ne pas s’appesantir dessus pour ne garder que le meilleur d’un artiste.

1. Karma
2. Monopoly on Truth
3. Storm the Sorrow
4. Delirium
5. Internal Warfare
6. Requiem for the Indifferent
7. Anima
8. Guilty Demeanor
9. Deep Water Horizon
10. Stay the Course
11. Deter the Tyrant
12. Avalanche
13. Serenade of Self-Destruction

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