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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Temple of Baal / Ritualization

The vision of fading mankind

LabelAgonia records
styleDeath / Black
formatAlbum
paysFrance
sortiejanvier 2010
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Il est toujours agréable d’avoir un split entre les mains. Chaque sortie sous ce format présente son propre intérêt car elle véhicule souvent une volonté d’unité entre deux groupes, que ce soit par une certaine fraternité (n’ayons pas peur des mots) unissant deux formations le plus souvent underground, ou par un lien entre deux styles proches en général, mais différents en particulier.

Ici ce sont deux visions du black/death distinctes que nous propose l’alliance de deux acteurs du metal extrême hexagonal. D’un côté nous avons Temple of Baal, formation parisienne active depuis 1998 qu’on ne présente (presque) plus, qui a su faire évoluer son Black metal tout droit issu des incantations funestes d’un Mayhem ou d’un Darkthrone vers des sphères nettement plus teintées de death metal à la prod explosive jusqu’à son dernier enfant du mal, Lightslaying Rituals, au risque de perdre certains aficionados au passage. De l’autre, nous avons le plus anonyme Ritualization, groupe Orléanais de son état, qui a pris les armes en 2007 et qui ne propose jusqu’à présent que 2 démos, d’une qualité variable, mais terriblement gravée dans l’underground poisseux que la fin des 80’s / le début des 90’s n’aurait pas renié.
Le premier, locomotive de l’Art Noir et quasi-unanimement, à juste titre d’ailleurs, reconnu comme une valeur sûre du Black Metal made in France entame la procession macabre avec autant d’énergie et d’agressivité que là où Lightslaying Rituals avait laissé les choses. C’est en place, il n’y a rien à dire, il y en a sous le capot, la technique est au service de la Haine, Temple of Baal se fait plus moderne que jamais, et mâtine son Death Metal de black, tandis que l’inverse était de mise auparavant.

Choix audacieux, qui peut déplaire à la description, mais qui est tellement maîtrisé et vicieusement asséné qu’il convainc dès la première écoute. 4 titres qui cisaillent directement la violence dans la masse Death Metal, les poignets s’essoufflent sur des riffs véloces qui vernissent l’old-school avec déférence, mais qui n’oublient pas d’aller de l’avant, de tourner le regard vers l’avenir. La construction est solide, la rythmique abrasive dans ses mid-tempos et frénétique dans ses blasts donne davantage de corps au breuvage acide délivré par un Temple of Baal au sommet de sa forme.
Intelligent jusqu’au moindre coup de mediator (l’incroyable Heresy Forever Enthroned), le Death/Black corrosif des Parisiens rend parfaitement justice à leur expérience de la scène, et flatte par la conviction qui l’anime, la Flamme est toujours vive, dotée d’une production absolument monstrueuse, mais qui apporte juste ce qu’il faut de crasse pour insuffler le vice nécessaire aux compos qui auraient sonnées trop propres sur elles pour convaincre pleinement. Temple of Baal est brillant sur ces 4 morceaux d’une virulence et d’une pertinence à couper le souffle. Rien n’est à jeter sur cette première partie d’un split qui s’annonce, vous l’aurez compris, plus que prometteur.

Et c’est ainsi que la parole est donnée à Ritualization. C’est là que l’intérêt du split prend toute sa saveur. Car proposer un split ne se résume pas selon moi à poser deux groupes qui cherchent à répandre une carte de visite préfabriquée. Il doit se dégager une cohérence dans l’ensemble sans quoi l’objet ne reste qu’une sorte de compilation un peu frustrante en ce qu’elle serait trop courte et trop diversifiée pour se faire une idée tranchée et suffisamment objective des formations s’exprimant sur la rondelle. Cette cohésion passe aussi par l’agencement du skeud. Et Ritualization pâtit de ce dernier, car après la baffe infligée par la maestria de Temple of Baal, la transition est rude.

Les Orléanais sont loin d’être mauvais ou ininspirés. Ritualization propose un Death/Black largement plus ancré dans les prémices du metal extrême au sens large du terme. Particulièrement véhément, le sens de la composition de Ritualization tape dans ce qu’il se fait de mieux, sans innovation particulière, mais avec honneur et force. Riffs et prod plus conventionnels que ce qu’a pu proposer Temple of Baal, le groupe peine un peu dans les montées du fait du brio de son prédécesseur, mais n’est pas autant indigne d’intérêt.
Sans doute le split aurait-il gagné à être agencé différemment, car Ritualization, une fois positionné en première partie aurait prouvé qu’il avait des arguments à faire valoir, que ce soit dans l’architecture des morceaux, simples mais jamais simplistes, ou dans son hommage respectueux aux figures de proue du metal bien dégagé derrières les oreilles, tendances oldies des familles. Ave Dominus ne manque clairement pas de mordant, et Ritualization signe ici une compo qui devrait ravir quiconque aura porté une fois dans sa vie une veste à patches. Pour le reste, les deux autres morceaux, dont une reprise, officient dans un même format, traditionnel mais pas pour autant formaté.
Ritualization c’est l’efficacité qui prime sur l’inventivité, c’est un fait, mais ça fonctionne, c’est gavé de vices, c’est diabolique et c’est pas donné à tout le monde.

Pour conclure et parce qu’il le faut bien, Temple of Baal écope de la note maximale sur ces 4 titres témoignant de la bonne santé et de la haine toujours intacte des Parisiens, belliqueux aussi techniques que savants, tandis que Ritualization, un peu trop inscrit dans une tradition un peu trop entendue n’obtient ici qu’un maigre 6 ou 7/10.

Et c’est pour cela que le split est intéressant, il s’évalue autant pour ses groupes écoutés avec toute leur individualité, il est freiné presque toujours par la transition entre les deux, et une fois jaugé dans son ensemble, il devient un casse tête de notation.

Temple of Baal a signé quatre titres énormes, dans la droite lignée de ce qu’ils ont pu sortir auparavant, mais toujours avec ce regard désabusé et vindicatif vers l’avenir, tandis que Ritualization reste campé sur sa vision old-school du metal extrême qu’il exprime avec talent.
Deux visions, deux notes, une moyenne, et un split qui mérite toute votre attention. Je me demande encore pourquoi je suis passé à côté de l'objet, pourtant en ma possession en 2011, et si je l'avais chroniqué plus tôt, nul doute qu’il aurait figuré en bonne place dans la liste faisant état de mes claques de l’année.
A se procurer, autant pour ses qualités que pour ses insidieuses faiblesses.

Temple of Baal :

1 Ordeals Of The Void
2 When Mankind Falls
3 Slaves To The Beast]
4 Heresy Forever Enthroned

Ritualization :

5 Ave Dominus
6 The Second Crowning
7 Devil Speaks in Tongue (Mortem Cover)