Chronique Retour

Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Amesoeurs

Amesoeurs

LabelCode 666 / Profound Lore
styleBlack metal / Cold Rock
formatAlbum
paysFrance
sortiemars 2009
La note de
U-Zine
8/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Je me suis toujours méfié des side-projects, des têtes pensantes qui multiplient les sorties sous des libellés chaque fois différents, et encore plus des All-star band, qui visent la plupart du temps à masquer un manque de créativité derrière des patronymes prestigieux.

Et pourtant, j’ai abordé Amesoeurs sans inquiétudes. Ruines Humaines, premier EP de 2007, composé sous la forme d’un duo réunissant à l’époque Audrey Sylvain (Valfunde) et le prolifique jeunot Neige (Alcest, Peste Noire…), m’avait séduit par sa subtile alliance de black metal et de cold-rock, sans être plus transcendant que cela. Ces balbutiements, je les avais excusés sous couvert de premier essai ne demandant qu’à être transformé.

Un split balancé avec Valfunde plus tard et Amesoeurs enfante en 2009 son premier album éponyme, secondé par deux nouveaux musiciens, Fursy Teyssier d’Alcest et de Winterhalter (Peste Noire) pour le matraquage des fûts. Et s’en est allé…

Oui, et pour des raisons qui prêtent plus que jamais à sourire dans le monde si caustique du black metal, les Amesoeurs ont divorcé, leur premier véritable opus rompt le contrat définitivement, et laisse à penser que le tandem Neige/A. Sylvain n’a pas eu vraiment le temps de s’accomplir, de trouver sa voie afin d’exister dans l’équilibre.

Là où Ruines Humaines frappait par la délicatesse de ses mélanges d’influences allant du Black Metal (rappelant vaguement un Peste Noire apaisé) à un amour véritable pour Joy Division et ses comparses de la cold-wave du début des années 80, Amesoeurs les accentuent délibérément au point que l’on se demande encore si la notion de Black Metal peut s’apposer à cet album.

Passé ce constat, auquel il faut se résoudre pour apprécier l’album, force est de constater qu’Amesoeurs est un album assez singulier, voire rafraîchissant et qu’essentiellement, et c’est là son paradoxe, il trouve ses qualités dans ses plus éminents défauts.
La dichotomie du black metal et de la cold wave s’élargit, les compositions de Neige s’adoucissent et s’aèrent en grande partie, Audrey Sylvain quant à elle occupe la quasi totalité de l’espace vocal, choix relativement malheureux, d’un point de vue purement objectif. Effectivement, la demoiselle n’est pas ce que l’on pourrait qualifier de chanteuse née, et marmonne des paroles pseudo-métaphoriques confinant parfois au ridicule, le tout dans une fausseté de tout instant, ce qui, énoncé ainsi, pourrait attester d’une catastrophe musicale absolue.
La science de composition de Neige, quant à elle, s’est légèrement simplifiée, et élague largement la présence autrefois luxuriante des guitares, se contentant bien souvent d’égrainer quelques notes cristallines d’une guitare claire très largement articulée autour d’une basse en charge de la mélodie. Ce mode de composition, cette construction musicale autour de la 4-cordes, ce n’est pas inconnu, loin de là, il y a 30 piges de cela, un certain The Cure manipulait déjà délicieusement ces ficelles.

Et pourtant, c’est peut-être tout cela qui fait qu’en dépit ou en raison de ces errances, j’ai véritablement apprécié la ballade.

Car Amesoeurs parvient à rester inspiré dans son minimalisme, et Audrey Sylvain touchante de naïveté dans son manifeste manque de justesse. Gas in Veins, est selon votre serviteur le meilleur morceau composé par Neige, tous projets confondus, purement instrumental, et est d’autant plus remarquable qu’il est intelligemment placé en début de parcours, construisant de sa mélancolie, de sa constante montée en puissance une atmosphère aux teintes grisâtres rappelant la superbe pochette de l’album. Morceau incontestablement réussi mais qui n’est guère le reflet d’Amesoeurs.
L’opus se bâtira sur une prédominance des influences cold-wave, laissant toute amplitude à la chanteuse, entrecoupées de sursauts de brutalité (l’excellente Trouble (Éveils Infâmes), la splendide Au crépuscule de nos rêves), prétexte à l’apparition d’un Neige qui hausse le ton et accélère le rythme, faisant écho aux envolées agressives dont Audrey Sylvain fait preuve parfois, comme dans ce final apocalyptique de La Reine Trayeuse, où le multi-instrumentiste déroule un tapis noir et rêche à la folie contenue et éphémère de la jouvencelle. De quoi rehausser le capital d’agression de l’album sans en constituer son atout principal.
Et c’est ainsi qu’Amesoeurs parvient à séduire. Par cette expression sincère et adulescente de sentiments un peu mièvres (Faux Semblant reste tout de même bien trop dégoulinante de guimauve) et finalement très communs.

L’harmonie qui unit les deux âmes sœurs dans cette aventure musicale semble dénuée de toute démarche réfléchie, tant et si bien qu’ils n’hésitent pas à exhiber leur défauts, sans fausse pudeur.
Amesoeurs, ce projet mort-né est humble, et de ses défauts émerge un album cohérent, un peu timide, et l’on perçoit, et c’est là sa plus grande force, la fragilité touchante des êtres qui l’ont enfanté.

Le regard tourné vers la lumière, le corps et l’âme toujours dans la torpeur. A écouter l’esprit ouvert.

1. Gas in Veins
2. Les Ruches Malades
3. Heurt
4. Recueillement
5. Faux Semblants
6. I XIII V XIX XV V XXI XVIII XIX – IX XIX – IV V I IV
7. Trouble (Éveils Infâmes)
8. Video Girl
9. La Reine Trayeuse
10. Amesoeurs
11. Au Crépuscule de Nos Rêves