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mercredi 3 avril 2019

Rosa†Crvx + Treha Sektori + NKRT + Cataèdes

Warehouse - Nantes

Dolorès

Non.

Si on m’avait dit que j’allais me retrouver un dimanche au Warehouse à Nantes pour écouter du dark ambient… Je ne l’aurais pas cru. En réalité, Black Speech Production propose son troisième gros événement dans le coin, et le choix de cette salle n’est pas complètement improbable ! D’habitude, le lieu est plutôt occupé par des DJ sets, jusqu'à 6h du matin, autant dire de l’electro et une ambiance très différente. Mais aujourd’hui, c’est une grande première pour le Warehouse et c’est bien une ambiance dark ambient, ésotérique et macabre qui hante les lieux. La salle, plus grande qu’un Ferrailleur (qui se situe à quelques pas d’ici), avec ses différents espaces dont une large rotonde principale se prête plutôt bien à ce type de grosse soirée et de performances qui s’y dérouleront.

Cataèdes

La soirée débute dès 18 heures et quelques par l’une des raisons de ma présence, avec la tête d’affiche. Nous sommes encore peu nombreux devant la scène et c’est bien dommage : Quentin Foureau est aux côtés de Dorminn pour former le duo-spectacle Cataèdes. Un conteur talentueux et possédé, un musicien et chanteur maniant aussi bien les instruments anciens et lointains que l’art des loops. A part quelques minuscules soucis techniques qu’on excuse largement  notamment car il s’agit de leur première prestation ! – il n’y a rien à redire. La performance est intelligemment structurée, et globalement à couper le souffle, tout s’enchaîne et s’alterne à merveille entre les deux acteurs de ce duo.

J’avais déjà eu la chance de voir Quentin Foureau conter à Nantes et ailleurs, et c’est toujours un plaisir de l’écouter. Ce soir-là auront été mis à l’honneur un cavalier infernal breton, Saint-Nicolas et les enfants au saloir, ainsi qu’une Fille-Vampire des Vosges… Mais aussi la vielle à roue, lyre, hammered dulcimer ainsi que d’autres instruments à cordes, percussions, chants et effets sur les voix ! Un superbe moment et un excellent projet, que j’ai hâte de voir évoluer…

Contes :

"Le Cavalier Infernal", François Cadic dans Contes et Légendes de Bretagne, 1910
"Saint Nicolas et les enfants au saloir" , texte et musique inspirés par quatre versions de 1890 à 1904 (dont Charles Sadoul et Georges Doncieux)
- "La Fille-Vampire", recueilli anonymement à Raon L'Etape dans les Vosges, publié en 1904 dans la Revue des Traditions Populaires




 

 

NKRT

Honnêtement, le dark ambient est loin d’être ma tasse de thé. Je reste curieuse de voir NKRT, mais je n’aurai malheureusement pas assez accroché au style pour rester voir le concert entier. Je reconnais l’intérêt de ce type de performance, mais elle me semble difficile d’accès dans une salle aussi peu intimiste, au-delà du fait que je ne sois pas sensible au dark ambient comme le joue NKRT. Peut-être à réessayer dans un autre contexte.

Setlist :

Psaume 70 (Règle de Saint Benoît, chapitre XVII)
Confiteor : Cantus I, Cantus II
Improvisation

 

Treha Sektori

Je m’attendais à être à nouveau peu emballée par le second groupe de dark ambient de la soirée, et c’est pourtant une surprise qui m’attend. Avant même que le show commence, Dehn Sora est accompagné de deux curieux personnages sur scène : une femme assise dans l’ombre et un géant peint en noir qui semble légèrement anxieux. Cela laisse présager des choses intéressantes sur scène, et moi qui aime particulièrement la place du corps dans le spectacle, je ne serai pas déçue.

Dans un premier temps, la musique de Treha Sektori est beaucoup plus variée et contrastée que ce que je pensais connaître du dark ambient, et c’est un atout pour la spectatrice que je suis qui aurait vite été lassée sans cela. Je ne pense pas que j’écouterais un album, seule chez moi, mais cela passe mieux en live, d’autant que l’ouïe n’est pas le seul sens stimulé ! Ce géant sombre au milieu de la scène attirera les regards durant le concert qui se transforme en véritable performance d’art total. D’une simple respiration, l’homme commencera peu à peu à explorer son corps, dans des mouvements extrêmement lents et simples mais qui évoquent le réveil, l’anxiété, la colère, mais aussi la torsion, le spontané, la douleur, l’étrange dans une énergie primaire et tribale incroyablement contrôlée. Il s’agit de William Lacalmontie, qui est également à l’origine des images qui passent en fond de scène, et quelles images ! Entre la musique et les vidéos qui sont projetées, tout est millimétré, se fait écho et se répond constamment pour créer un spectacle unique.

L’aspect musical de Treha Sektori finira par me lasser : bien qu’ultra efficace, les petites explosions qui sont censées nous prendre aux tripes finissent par avoir un goût de déjà-vu. Mais la prestation reste captivante et il est difficile de décrocher. Il y a comme un écho aux contes de Cataèdes, en ouverture de soirée, car c’est bien une histoire qui nous est racontée ici, bien qu’elle laisse beaucoup plus de place à l’introspection. En tout cas, l’ensemble est d’un professionnalisme évident qui ne peut pas laisser de marbre.

Setlist :

Eth Sorma
Rejet
Sense of Dust and Sheer (partie 3)
Ah Estereh Komh Derah
Onverth Emh


 

Rosa†Crvx

Je découvrais Rosa Crvx il y a environ dix ans, en même temps que bon nombre de groupes étiquetés « gothiques ». Mais s’il y a bien un projet à qui le terme colle à merveille, ce sont ces Rouennais. Au-delà de l’ambiance médiévale et sombre, des chants en latin, des thématiques abordées et du look des musiciens, ils sont accompagnés en live de nombreux éléments de décor ou de performances visuelles qui ont contribué à créer leur identité.

Leur musique est pourtant peu « goth » au sens habituel du terme, si ce n’est quelques titres dont les structures et les lignes de basse rappellent des compositions post-punk et gothrock (« Aglon » par exemple). Musicalement, on est plus dans un dark rock martial et médiéval, où les instruments et les sonorités rappelleraient une messe de secte ancienne ou un sacrifice chtonien.


Sur scène, on ne sait plus bien ce qui est un instrument ou un élément de décor : Claude Feeny joue du carillon à cloches (l’ensemble pesant 180 kg !), une boîte à rythme d’automates-squelettes pour les percussions… Et on retrouve, à la contrebasse, la tête pensante de NKRT dans un tout autre style !

Dans la salle également, le groupe s’exporte par des performances, qu’Olivier Tarabo appelle les « Jeux de Fers ». La très fameuse « danse de la terre » (sur le titre « Eli-Elo ») en est une, mais elle n’est pas la seule. C’est évidemment celle qui est la plus simple à exporter sur tous les concerts de Rosa Crvx car elle ne demande pas une installation complexe, et il y aura également un élégante danse de grands drapeaux portés par les deux mêmes demoiselles en début de concert, au milieu des spectateurs sur « Adorasti ». Les autres performances sont, malheureusement, plus difficiles à voir en live à cause des conditions logistiques nécessaires, et ne pourront pas être montrées ce soir-là.


Cependant, c’est quand même tout à fait rare de voir ce type de représentations de nos jours, si ce n’est unique. L’identité du groupe est complètement loufoque mais chacun des membres est convaincant, notamment le duo originel Olivier Tarabo / Claude Feeny, et on ne peine pas à rentrer dans leur univers. Toutefois, 1h30 de show était peut-être légèrement long avec une soirée sur 4 groupes. Terminer sur « Eli-Elo » aurait permis de clore en beauté par ce que beaucoup de spectateurs attendaient ! Néanmoins, je suis extrêmement heureuse d’avoir enfin pu voir Rosa Crvx après toutes ces années, de « Terribilis » à « Omnes Qui Descendut »… A revoir auprès de « vieilles pierres » comme ils le disent si bien.

Setlist :

Sumunt Mali
Adorasti
Terribilis
In Tenebris
Vielles
Proficere
Sursum Corda
Nescit Nox
Qui Non Cessant
Valle Miseriae
Hel Hel
Aglon
Tonitrui
Ante-A
Omnes Qui Descendut
Eli Elo
Vil
Incendere

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Un grand merci à Black Speech Production et au Warehouse pour l'invitation.
Crédits photos : Dolorès Anapeste

 

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