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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

30 Seconds to Mars

This Is War

LabelVirgin
stylePop Rock / Alternatif
formatAlbum
paysUSA
sortiedécembre 2009
La note de
U-Zine
9/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

This Is War

La haine, le combat, la violence et la débauche de brutalité. La guerre. Avec un intitulé de la sorte, il est évident que la matérialisation musicale qui inonde l’esprit est celui d’un art sale, violent, noir et brutal. Le sujet est devenu avec le temps un stéréotype majeur et la vision d’un chaos sonore n’est finalement plus une surprise, qu’il soit violent, lourd ou profondément dépressif.
Dans ce contexte, savoir que le troisième opus de 30 Seconds to Mars portera un tel patronyme a de quoi surprendre, tant l’on sait que l’opiniâtreté de Jared Leto pour sortir des codes est forte. Le groupe a néanmoins littéralement explosé les charts avec son album précédent, "A Beautiful Lie", bien plus que ce à quoi s’attendait chacun, tranchant radicalement avec le très personnel et dissonant premier album éponyme. Leur musique était devenu plus accessible, moins saturé, entre rock et électronique tout en gardant une émotion viscérale et forte que l’on aurait un jour rapproché de Tool ou Deftones. Néanmoins, l’heure des comparaisons est finie…l’heure est à la bataille…

Kingdom of the Eye

Réputé pour être un groupe profondément visuel, notamment dû au fait que son leader soit un acteur reconnu du grand écran (Requiem For a Dream, Fight Club, Lord of War, Chapter 27), et proposant toujours des vidéos d’un sens cinématographique rare, il est une nouvelle fois dépitant, voir consternant, de réaliser l’horreur que représente l’atwork de ce troisième essai. Un titre, vision cru d’un danger certes présent mais néanmoins apathique et vide (tout comme un livret étrangement dépourvu de textes pourtant essentiels...uniquement des ellipses), qui offre finalement une vision bien erronée de l’univers parfois mystique et, osons le, expérimentale des frères Leto.
Expérimental. Un mot fort, trop sans doute, mais peut-être loin d’être complètement absent de la démarche de composition du chanteur / guitariste / bassiste / compositeur qu’est Jared. Dans une enveloppe certes toujours mélodique, parfois grand public mais jamais mielleuse, se cache une volonté profonde d’apporter une innovation sonore, une recherche continue de proposer un monde nouveau et unique, ce qu’il avait magistralement réussi il y a aujourd’hui sept ans…

Welcome to their Universe

Un souffle. "This Is War" s’ouvre sur un souffle, mystérieux. Un rythme tribal se fait entendre au loin, dans le lointain, en toile de fond. "Escape" débute. Un rythme tribal finalement absent du reste de l’opus, mais qui introduit parfaitement, tel un concept, et pour la première fois de leur carrière, de manière non immédiate, un disque. Jared susurre doucement…puis la chorale chantant « This Is War ». Un frisson nous parcoure, l’introduction est bluffante, le son clair, limpide et enfin quelques mots en français et "Night of the Hunter" débute.
La production est d’une limpidité extraordinaire, le mixage clairement électronique, le chant explicitement mis en avant, la batterie discrète mais surpuissante. La voix de Jared résonne, emplie d’effets, toujours aussi belle mais plus mature, envoyant rapidement sur orbite un refrain magnifique, hymnique, sur lequel des nappes électroniques se font omniprésentes. La richesse du titre, pourtant fondamentalement mid tempo, est presque désarmant de richesse. Le chant est d’une émotion impressionnante, le break est intelligent, mixant la basse de manière électronique (un slap électro très original) et surtout 30 Seconds to Mars prouve déjà qu’il s’éloignera, tout au long du disque, des structures trop rigides et courtes qu’ils avaient massivement exploités sur l’album précédent.

Avec "This Is War", Seconds to Mars réalise ce curieux paradoxe qui consiste à rendre son art plus ouvert et facile d’accès tout en le rendant par la même occasion plus sensible et personnel. "Kings and Queens" le démontré avec ses chœurs splendides, ses couplets superbement mélancoliques et dans le même temps un refrain capable de faire chanter tout un stade, facilement assimilable et à la portée quasi symphonique, notamment dans l’approche des claviers. L’aspect également ambiant et planant, évoquant le titre "A Beautiful Lie", refait surface sur un break d’une pureté sans égale, à l’interprétation impressionnante d’un chanteur résolument au sommet de son art, parvenant à vivre littéralement ses textes, et à les rendre audible sans même que l’on se penche sur le contenu purement lyrique.

Cette maturité vocale est parfaitement retranscrite dans le final du titre éponyme, "100 Suns", où, tel un soldat fatigué, vidé et complètement mort intérieurement suite à la guerre (le syndrome des soldats après la guerre irakienne) se contenterait d’une longue litanie répétant inlassablement qu’il ne croit plus en rien, ni à la guerre, ni à la paix, ni à l’espoir, la mort, les pêchés, Dieu ou Satan…plus rien…une détresse se retrouvant dans ce chant écorché et terriblement humain, simplement accompagné par quelques arpèges clairs.
L’émotion est fortement prédominante, sur la totalité d’un disque particulièrement calme mais qui se vit, que ce soit dans les éruptions électroniques d’un "Closer to the Edge", les chœurs martiaux d’un "Vox Populi" dont les mélodies vocales évoquent le grand et regretté Queen ou d’un "Alibi" minimaliste. On mettra entre parenthèses la splendide "Hurricane", initialement chanté avec un Kenny West effacé du mixage, au texte viscéral. La mélodie de piano, centrale, se mêlant à de multiples effets électroniques, Jared y paraissant plus possédé que jamais, chantant un appel à l’aide vers la personne aimée, un cri d’alarme pour savoir enfin quoi faire, sur un beat se faisant parfois techno mais jamais choquant, et toujours étrangement émotionnel, à l’instar des battements inégaux d’un cœur à vif.

Stranger in a Strange Land

A l’écoute du disque, on peut relativement facile dire qu’il y a l’album ET "Stranger in a Strange Land", qui clôt le disque sur un coup de théâtre aussi surprenant qu’il n’est musical et parfait. S’influençant assez ouvertement du travail de Clint Mansell en ce qui concerne l’atmosphère minimaliste, ambiante et industrielle. Le morceau s’ouvre sur un beat martial, froid, lourd qui tranche radicalement avec le reste de l’opus. Une dimension religieuse presque, solennelle, en émane…puis le noir, complet, quelques pulsations minimalistes et malsaines et un Jared effacé, vide, vivant un texte terrorisant, fantomatique parfois, complètement brisé. Seul face au monstre industriel qu’il semble affronté, il parait au bord de la rupture, effondré et fatigué alors que la pression augmente. Une pression qui monte tout au long des sept minutes du morceau, se terminant sur un "L490" acoustique, comme le symbole d’un massacre passé, d’un monde en ruine se fermant sur un mantra tibétain emplie de mystères.

The war will never end

Un album ambitieux, différent, à la fois personnel et très ouvert, abreuvé par le talent d’un Jared Leto livrant trois albums complètement différent, trois albums aussi simples que complexes, aussi puissants qu’ils ne sont minimalistes mais toujours sous le signe d’une certaine créativité, d’une constante recherche sonore. 30 Seconds to Mars signe un grand disque…oui…un grand disque…qui s’incrustera probablement bien plus profondément en vous que vous ne voulez bien le croire…

1. Escape
2. Night of the Hunter
3. Kings and Queens
4. This Is War
5. 100 Suns
6. Hurricane
7. Closer to the Edge
8. Vox Populi
9. Search & Destroy
10. Alibi
11. Stranger in a Strange Land
12. L490

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