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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Shaman

Ritual

LabelNothing to Say
stylePower progressif
formatAlbum
paysBrésil
sortiejanvier 2002
La note de
U-Zine
9/10


U-Zine

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La carrière de André Matos rassemble une richesse que peu de musiciens contemporains peuvent se vanter de posséder, notamment lorsque l’on parle de heavy metal.
Ayant repoussé les limites du speed mélodique en y incorporant des éléments classiques dans Angra (bien qu’il ne soit pas le principal compositeur d’"Angels Cry", revenant de plein droit à Raphael Bittencourt) ou ethniques dans l’aujourd’hui culte "Holy Land", la passion animant l’homme aura probablement parfois déteint sur un caractère pas toujours flexible, et une humeur qui lui aura fait quitter un navire pourtant bien amarré, un navire qui produira cependant son plus grand chef d’œuvre suite à son départ. Paradoxe ?

En aucun cas, car loin de se reposer sur ses acquis, André n’a jamais cessé d’avancer et, loin d’utiliser sa formation symphonique à outrance, c’est avec son album le plus heavy jamais enregistré qu’il revient en 2002, avec comme patronyme l’évident Shaman.
Avec tout le recul nécessaire pour analyser cette œuvre, il est évident que "Ritual" est le seul et unique opus contenant un esprit chamanique et spirituel, loin des errances dépouillées et dépressivement humaines du splendide "Reason" lui faisant suite en 2005.

Orné d’une pochette symbolique de leur nouvelle direction, et d’un nouveau guitariste en la personne d’Hugo Mariutti, le frère de Luis, "Ritual" représente un nouvel aboutissement dans la carrière du prodige, une approche enfin totalement heavy d’un art allant bien plus loin que le simple métal proposé par tant de groupes sans âme ni personnalité, la musique devenant le support d’une quête spirituel nous emportant loin, très loin à travers les contrés désertiques d’un monde aux contours plus aventureux que jamais.
"Ancient Winds", introduction de plus de trois minutes, nous plonge dans les vastes plaines des cheyennes, larges étendues désertiques aux paysages aussi arides que superbes, idéal d’une envie d’évasion psychologique. Un panorama sonore aussi calme qu’il ne dévoile, en filigranes, une tension latente, nous faisant attendre l’explosion, sachant qu’elle arrivera, tôt ou tard…"Here I Am" déboule ! Et la première chose qui saute aux oreilles, c’est ce son absolument énorme (ô mon dieu ce riff !) produit de main de maître par un Sascha Paeth une nouvelle fois en état de grâce (le producteur aux mains d’or actuel en matière de heavy). D’une puissance inouïe, sans perdre une once de clarté et avec une basse défonçant tout sur son passage, la production aux petits oignons nous mets littéralement dans des conditions d’écoutes optimales.

Si cet introducteur se veut bien plus violent que ce à quoi nous avait habitué par le passé André et Ricardo (Confessori, batterie, lui aussi compositeur), il ne sera que la clé vers un monde résolument différent, empreint d’une inspiration de tout les instants (ces lignes de piano déstructurées en plein milieu de "Here I Am" sont assez impressionnantes). Prenant à la gorge autant qu’installant confortablement dans du velours un auditeur n’en croyant pas ses oreilles de voir un groupe revenir avec un tel potentiel (n’oublions pas que "Rebirth", come back d’Angra, s’il est très bon, ne tient pas la comparaison avec Ritual !).
D’une variété presque insolente, et faisant preuve d’une maitrise artistique immense, Shaman nous abreuve d’idées, de riff, de créativité et d’innovations à chaque morceau, sans jamais se répéter ni rien faire de travers.

L’ambiance plus mystique de "Distant Thunder", presque médiéval, alourdi une atmosphère déjà bien établie, avec un riff autant énorme que très mélodique. Mais ce qui surprend, c’est ce timbre, cette voix. André est reconnaissable oui, mais son chant s’est considérablement durci, à gagné en noirceur et ce titre en est l’exemple dans les envolées bien plus éraillées qu’à l’accoutumée, sans pour autant perdre de sa maitrise. Comme si le candide enfant dévoilait enfin sa personnalité d’homme, dure et simplement humaine.
Inspiration ! Maitre mot de ce disque, "Ritual" sent l’inspiration, le respire. Non pas que ce soit foncièrement nouveau, mais plutôt que chaque éléments soient tellement transcendés que Shaman nous offre une vision inédite d’un genre que l’on croyait perdu, un style gagnant en une multitude de facettes, de breaks, de cassures rythmiques et dévoilant une richesse d’une intensité peu commune.

"Time Will Come", s’ouvrant sur une ligne de piano magnifique de sensibilité, mue peu à peu en une entité tribal et s’épanouissant dans un climat de recherche musicale constant, particulièrement dans une partie de batterie très inspiré (Confessori offrant son meilleur album d’un point de vue créatif, comme le démontre le pont de ce titre, incroyable break tribal innovant à chaque roulements de toms) et un vocaliste poussant vers le haut une musicalité déjà énorme. Quelques interventions ethniques, des flutes de pan agrémentent un titre pourtant très direct et efficace.

N’oubliant pourtant pas totalement son héritage, la longue composition "Fairy Tale", sublime litanie de sept minutes, évoque le "Lasting Child" d’un premier album d’Angra paraissant aujourd’hui bien loin. Mêlant prière poignante, vocaux solennels d’André et instruments traditionnels (beaucoup de percussions), le titre n’est que beauté et lyrisme. Comment ne pas succomber à ce refrain immortel, liaison furtive de chœurs et de poésie ?
Sur des bases plus progressives, le phénoménal "Ritual" achèvera définitivement un auditeur qui ne croyant probablement pas tant en découvrir. L’intro samplée, étrange, énigmatique, nous happe à travers un riff écrasant et simple. Voguant au rythme d’une mélodie enivrante, l’extraordinaire solo plein de feeling assomme complètement pour l’un des meilleurs titres de l’album, l’un des plus créatifs et novateurs.
Un tempo bien plus heavy qui trouvera sa révérence sur "Pride", partagé avec Tobias Sammet pour un final speed hallucinant (putain, mais ces riffs, cette épaisseur, cette puissance…). Archétype d’un heavy destructeur et technique, "Pride" envoie un coup de poing dans la tronche énorme, mis en scène par deux des meilleurs chanteurs actuels du heavy, chacun montant dans des aigues impénétrables et néanmoins très distincts.

"Ritual" culte ? Il ne le sera probablement jamais, pour x raisons de l’inconscient humain. Mais il restera l’un des brulots les plus créatifs d’une carrière extraordinaire n’ayant pas encore dit son dernier mot ("Time To Be Free" étant un opus décevant). Ce premier Shaman, si je lui offre 18, faudrait sans problème la note maximale, tant il m’a inspiré et m’inspire encore, à chaque nouvelle écoute, un album qui aurait sans doute déchainé plus de passion s’il était sortit quelques années auparavant.
Que cela ne nous (vous) empêche pas de profiter de l’un des meilleurs disques du genre, toute générations confondues, parfaite symbiose de puissance et d’imagination. Vous appelez ça de la musique, non, c’est de l’art !


1. Ancient Winds
2. Here I Am
3. Distant Thunder
4. For Tomorrow
5. Time Will Come
6. Over Your Head
7. Fairy Tale
8. Blind Spell
9. Ritual
10. Pride

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