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Album

26 décembre 2018 - Nostalmaniac

Knokkelklang

Jeg Begraver

LabelTerratur Possessions
styleBlack Metal
formatAlbum
paysNorvège
sortiemai 2018
La note de
Nostalmaniac
8/10


Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

À force de dire et répéter à qui veut l'entendre que le Black Metal norvégien ne repose plus que sur de vieux os, ce qui devait arriver arriva : un album pour me contredire sèchement ! Dire qu'il ne se passe plus rien d'intéressant et d'excitant au royaume de Norvège n'est pas non plus très honnête de ma part (Dødsengel, Vemod ou encore Nachash plus récemment ont déjà prouvé le contraire) mais au regard de son histoire et en comparaison avec d'autres scènes qui nous abreuvent tous les ans de sorties de qualité, le contraste est plutôt saisissant depuis une dizaine d'années. Du moins, en terme qualitatif... 

On ne peut pas parler de Black norvégien sans évoquer le label Terratur Possessions même si je dois bien avouer que son roster me passionne assez peu justement, tout comme cette scène de Trondheim (Mare, Whoredom Rife, etc) que je trouve surestimée. Je ne m'attendais donc pas à ce qu'un album estampillé Terratur me redonne un peu plus d'estime pour le Black norvégien actuel.

Knokkelklang (qui signifie "le son des os" dans la langue d'Edvard Munch) m'était totalement inconnu jusqu'alors et a surtout publié des démos entre 2006 et 2013 avant de lever le voile cette année sur son premier long format : « Jeg begraver », qui n'a étrangement pas été aussi exposé (même si tout est relatif) que les derniers Mare, One Tail, One Head ou Whoredom Rife et que je découvre un peu par hasard intrigué par cette pochette représentant trois cadavres éviscérés. Pour le reste, la formation se veut secrète, et même si je parie sur des membres d'Askeregn, jouons pleinement le jeu du mystère...

Si au premier abord, leur Black mid/down-tempo n'a rien d'exceptionnel et semble très linéaire, des textures de guitare et d'ambient s'ajoutent au fur et à mesure pour renforcer une atmosphère de désolation, à la fois obsédante et hypnotisante. Le titre éponyme (qui voudrait dire littéralement 'J'enterre"), pièce maîtresse de l'album de par sa durée (21 minutes !), est extraordinaire. Les riffs dégagent un feeling dépressif, mais il y a aussi un vrai sens de la mélodie qui donne un juste équilibre à cette longue pièce, en plus du chant torturé et perçant mais aussi des hurlements judicieusement placés légèrement en retrait dans le mix. Rien de lumineux, même de manière furtive, ne traverse ce morceau qui évoque plutôt une chute inexorable. Dépressif, mais purifiant en même temps comme l'épilogue évanescent du morceau nous laissant entendre ce qu'on peut imaginer être des os s'entrechoquer dans une ambiance pesante. Plus down-tempo encore, "Urstanken" nous entraîne dans les Catacombes avec une odeur macabre omniprésente. Je m'imagine bien dans un lieu froid, austère et humide juste éclairé par des bougies. Chaque vibration installe un peu plus cette ambiance éminemment inquiétante et morose, sans pour autant que le morceau souffre de longueurs. Comme pour le premier morceau, il y a vraiment assez d'éléments, parfois discrets mais importants, pour ne pas décrocher et pénétrer dans cet univers souterrain.

Knokkelklang ne fait pas juste tourner des riffs en longueur ou les distord, il met en place quelque chose que l'auditeur a le choix de contempler ou de fuir. C'est déchirant, mélancolique avec un sentiment tenace d'abandon et d'échec. Le son de Knokkelklang est atmosphérique sans reposer uniquement sur l'atmosphère mais avec des variations lancinantes qui ne sont jamais hasardeuses. On n'est pas vraiment dans la contemplation. "Urstanken" est comme un pendule qu'on fixe pour entrer en état d'hypnose. Il suffit de fermer les yeux quelques minutes et de se laisser porter et retrouver certains repères comme ces mêmes bruits d'entrechoquement qui refont surface pour laisser surgir un passage d'une grande intensité. Ce qui m'a fait à la première écoute frissonner car je ne m'attendais pas à ça. On sent que l'atmosphère et les riffs ont été travaillés et la prod assez rugueuse renforce terriblement l'immersion. "Åndedragenes Hvin" (qui se traduirait par "Des coupures de souffle" selon Google) est un morceau de six minutes totalement ambiant, quasi-méditatif. Une sorte de sas de décompression, tout en restant inquiétant, étrange aussi.

Cet album de trois titres, qui s'écoute comme un seul bloc, m'a procuré des frissons que j'avais en écoutant pour la première fois Burzum, découvrant justement cette facette lancinante et plus torturée du Black Metal qui allait pendant longtemps me fasciner. Knokkelklang n'invente donc rien et n'a sûrement pas cette prétention mais propose un album intense, déchirant, obsédant et sans trop de gimmicks. Sincère aussi je pense, vu le peu de promo autour mais je me devais paradoxalement de mettre un coup de lumière sur cet opus impressionnant avant de me plonger dans les démos. éditées ou rééditées également par Terratur Possessions.

Tracklist:

1. Jeg begraver
2. Urstanken
3. Åndedragenes hvin