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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Devin Townsend

Addicted

Labelinside out
styleTownsend Metal
formatAlbum
paysCanda
sortienovembre 2009
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

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« Chaque album est différent, est une matérialisation de ta vie au moment où tu l’enregistres. C’est pour ça que je ne pourrais jamais te dire comment sera l’album suivant. »
Devin Townsend. 2005.

Devin Townsend : génie autant incompris qu’il n’est adoré des originaux, ne sera inéluctablement jamais comme les autres.
Les temps cataclysmiques et cathartiques de Strapping Young Lad sont bien loin, la démence également, mais le talent demeure, inébranlable et insolent sur cet homme qui ne semble pas vieillir. Cet homme qui semble revivre, renaitre et analyser son existence passée à travers cette quadrilogie qui est en train de voir le jour.
Les errements de jeunesse ne sont plus, la vie où Devin s’engouffrait dans un état second pour composer et où, irrémédiablement, il finissait par se faire dépasser par sa propre création, est désormais révolu. Nous sommes loin de la furie pure d’un Infinity, de la brutalité non canalisée de Physicist ou même de la quiétude volontaire de Terria ou Synchestra.

Si Ki avait surpris par son approche minimaliste et décharnée, éthérée mais néanmoins très sombre et toujours sous tension, Addicted renoue avec l’énergie que Devin décrivait lui-même comme du rock. Car justement, Devin est actuellement en position de décrire l’album suivant, lui qui, dans une créativité luxuriante et inhumaine, composa près de quatre vingt morceaux en quelques mois. Il l’avait prévu, Addicted est la suite logique d’Ocean Machine.
Sans égaler son premier chef d’œuvre sous son nom, cette seconde partie abreuve de qualité et de génie un auditeur qui se demande profondément quand le canadien cessera d’être aussi inspiré.
S’ornant d’un fourreau pour le moins étrange et d’une pochette énigmatique et minimaliste présentant différents crayons, comme pour montrer l’usure du temps, Addicted dévoile un livret tout en couleur, positif, juvénile et délicieusement décalé, en total adéquation avec une musique beaucoup plus accessible et le retour de cette production monstrueusement…dense.

Oui, que de densité dans cet album, probablement le mieux produit depuis Alien, œuvrant dans un maximalisme exacerbé à reconstituer des centaines de couches de sonorités très industrielles dans l’esprit. Ayant octroyé une grande dose d’électronique dans sa musique, plaquée sur des riffs directs, sans fioritures et saccadé tout en incorporant des éléments complètement excentriques et décalés, presque expérimentaux, offrant à des structures simples des merveilles d’interprétation (Universe in a Ball !, Addicted !, Awake !, Numbered !).
Et puis il a y ce chant, ces chants, puisque Devin a expérimenté une dualité vocale quasi continuelle, puisque Anneke Van Giersbergen (Ex-The Gathering) chante sur la majeure partie de l’opus et abreuve les morceaux de ses vocalises spatiales et uniques. Devin a eu l’intelligence de prendre une chanteuse au moins aussi originale que lui pour un résultat qui frôle le divin.

Addicted s’ouvre initialement sur deux énormes baffes, marquées du sceau Townsend tout en offrant un visage vraiment positif, puissant mais bon, souriant, dévoilant un plaisir vraiment immense des musiciens, dont on reconnaitra un certain Ryan Van Poederooyen (The Devin Townsend Band) derrière les futs.
Le morceau éponyme débute sur un riff simple, puis la densité sonore emplie l’espace, des effets viennent de partout, et cette première apparition vocale, de Devin, puis Anneke. La puissance dantesque dégagée par le son et la dualité est impressionnante, avant qu’un refrain rageur et hurlé ne vienne tout emporter sur son passage. Un Devin hurlant mais ni haine ni schizophrénie, simplement de la puissance pure et brute, jouissive, avant un break complètement déjanté, déstructuré, nous plongeant dans les méandres d’un univers littéralement explosé mais tellement attirant. Universe in a Ball ! nous enfonce encore un peu plus dans cette sphère de puissance et de génie, notamment grâce à la batterie de Ryan, véritable poulpe, à la dimension très industrielle, et à ce refrain une nouvelle fois inspiré par les cieux. Un riff rock simple se voit bouleversé par les vocaux infernaux et incroyablement amples de Devin, recouvrant la totalité de l’espace, qu’il soit naturel ou emplis d’effets déformant. Bouleversant à quel point il parvient à rendre la simplicité à ce point jouissive et unique.

Addicted sera plus ou moins à l’image de cette entame presque parfaite dans son genre, sans complexité (quoique…) superflue. Supercrush ! bouleversera par les vocalises traumatisantes de beauté du canadien, semblant chanter de mieux en mieux, d’une sincérité troublante, chantant des émotions et des images, pour un refrain atmosphérique purement magnifique. Anneke, sur un couplet électronique presque trip hop, démontre toute la complémentarité de leurs âmes artistiques.
Art. Comment rester de marbre face à la splendide Ih-Ah !, complètement différente des autres ballades du ‘sieur, très rock une nouvelle fois, mais d’une pureté émotionnelle impressionnante, livrant un Devin à nu, cru et vrai, loin des métaphoriques visages qu’il aimait se créer jadis. C’est donc tout naturellement qui offrit son Hyperdrive ! « Ziltoidéen » à Anneke, pour un résultat certes moins planant et apte au voyage, mais encore plus riche musicalement.

Et pour un Bend it Like Bender ! est un peu plus décevant, malgré son caractère barré salvateur, qui peine à trouver son souffle sur un refrain néanmoins très intéressant, Devin nous offre en guise de conclusion le magistral Numbered ! et le magique Awake !.
Numbered !, d’abord écrasant (ce riff introducteur typiquement indus’), puis enchanteur grâce aux nappes vocales de l’hollandaise. Constamment ponctué par les sursauts industriels de claviers oppressants et mécaniques, Anneke y réalise sa meilleure performance de l’album, pour un titre dont le break évoque irrésistiblement Solar Winds, où Devin y décroche inéluctablement les étoiles dans son envolée clair, doublé par des hurlements brutaux et se rapprochant justement beaucoup des révélations de l’extra-terrestre (Color Your World).

Quand à Awake !, elle annonce ce que deviendra Deconstruction, appelé à devenir selon son créateur son œuvre la plus complexe à ce jour. Tout le long de ses neuf minutes, on ressent une évolution, une montée en puissance, une osmose entre tous ses éléments, la dualité vocale, l’électronique, les riffs lourds et puissants, l’approche martiale. Awake ! s’impose comme un constat, une conclusion de ce que fut Addicted et une ouverture vers ce que sera Deconstruction ("Get Up and Deconstruct" chante t-il), tout en gardant l’aspect foncièrement positif et direct de ce second opus.

Certes, Addicted ne sera pas le plus original, ni plus complexe, ni le plus beau ou le plus atmosphérique ou brutal, mais il respire une authenticité, une fraicheur, une envie et une force de caractère impressionnante. A travers des schémas musicaux simples, mais démultiplié par le talent de Devin, Addicted est un bonheur immense, direct, qui se capte et se retient en une seule écoute, s’apprend en quelques unes et se déguste à l’infini.

1. Addicted !
2. Universe in a Ball !
3. Bend it Like Bender!
4. Supercrush !
5. Hyperdrive !
6. Resolve !
7. Ih-Ah !
8. The Way Home !
9. Numbered
10. Awake !

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