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Album

09 février 2018 - Thirsty

Loss

Horizonless

LabelProfound Lore Records
styleFuneral Doom
formatAlbum
paysUSA
sortiemai 2017
La note de
Thirsty
8/10


Thirsty

Il faudrait que je pense à stopper le Funeral Doom quelque temps. Je n'écoute que ça ces derniers jours alors que ce n'est pas mon genre de prédilection. Ce style a tendance à affecter mon moral, mais en même temps, j'ai plaisir à y retourner. Je vais m'imposer un quota de soupe Pop-Punk et de Glam entre deux titres de Loss.

Ceci dit, 2017 fut incontestablement l'année du style pour peu que l'on s'intéresse aux musiques extrêmes. Bell Witch, après la mort de son batteur, sort pour moi l'un des meilleurs albums du genre, les Frenchies de Monarch! balancent peut-être l'ultime opus de leur carrière et Loss nous offre un voyage à la fois auditif et visuel bouleversant. Ces albums ont pour premier point commun d'être sortis sous la bannière Profound Lore.

Le groupe est épaulé par l'incontournable producteur Billy Anderson au CV en béton (Neurosis, Swans, The Melvins, Acid King, Sleep, Primordial, Pallbearer...). Loss s'adjoint les services du talentueux Adam Burke qui signe pour moi l'artwork de l'année. Ce Horizonless a déjà tout pour plaire.

Peu importe le style, le critère de la sincérité est primordial personnellement pour juger de la qualité d'un album. Il est inconcevable de descendre une œuvre qui a été faite avec passion. Parfois, on peut être attaché à un groupe objectivement mauvais musicalement mais dont l'honnêteté est incontestable. D'autres fois, et dans le meilleur des cas, on est tout simplement scotché par des artistes techniquement remarquables mais francs et spontanés. Loss en est la parfaite illustration.

Dans la continuité de Despond, le groupe de Nashville délivre une musique fine, immersive et profondément mélancolique. A placer à côté de vos albums de Mournful Congregation, ce Horizonless, vous l'aurez compris, n'est pas une BO d'American Pie.

Il aura fallu six ans à Loss pour accoucher (dans la douleur) de leur nouvel opus. Lorsque les premières notes de « A Joy For All Who Sorrow » retentissent, l'auditeur est happé au vol. Les mecs ne vont pas mieux depuis leur précédent disque. Les accents colorés de la pochette d'Horizonless ne sont que tromperie. Le groupe est encore le boss dans le game pour créer des ambiances nostalgiques, sombres et douloureuses.

Une batterie vient ébranler la planète bleue, réveillant la faune, remuant les océans et balayant les hommes. La voix désespérée de Mike Meachan nous fait visiter les entrailles de la Terre. Ce chant écorché lorgne plus vers celui du Black Metal à l’entame du morceau mais se muera bientôt en growl. Très profond, il est malgré tout empli de lyrisme. Il se lie parfaitement au son lisse et clair des guitares. Le paysage qui se dresse devant nos yeux est interminable, sans limite, sans horizon. La solitude est notre seul amie à l'écoute du disque. De notre propre chef, on ressent le devoir d'accomplir seul une mission de toute façon vouée à l'échec.

Pour Victor Hugo, « la mélancolie est le plaisir d'être triste ». Loss maîtrise à la lettre ce dicton. Le groupe a l'art de rendre les pires sentiments plaisants. Les mélodies de guitare, quoique différentes, me rappellent leurs petits frères de Pallbearer ou les papas de Warning. Sur le principe, le procédé est identique. La simplicité et la lenteur des riffs bâtissent une atmosphère grave et dramatique. Cependant, à l'inverse d'un Asunder, celles-ci nous bercent, nous flattent, nous caressent et nous enveloppent pour mieux nous étouffer. Au début de « Naught », à la fin de « Banishment » ou sur le dernier morceau, j'entends même la pureté des passages calmes d'un Blackwater Park d'Opeth. La basse nous érafle tout de même le visage. Un chant clair fait parfois surface pour nous plonger dans un état léthargique comme sur le premier morceau ou « Horizonless ».

Il serait caricatural de réduire Loss à une simple expression de la dépression. Il s'agit plus d'un voyage soli-taire où une large palette d'émotions puissantes nous accompagne. Seul « The End Steps Forth » arrive à vraiment nous enfoncer. Ses mélodies au piano puis le son d'orgue sont des plus funestes. Ils évoquent réellement la peine. Horizonless est au dessus des petits tracas égoïstes des hommes. L'album revêt une dimension plus abstraite et éminente. Les éléments de l'espace sont volontiers évoqués :« And the stars …the stars have all burned out… » « To all from a starless heaven and a shameful earth »...

L'opus est ponctué de deux interludes : les mystérieux « I.O » et « Moved Beyond Murder ». L'objectif de ces courts morceaux est traditionnellement de nous faire souffler le temps d'un instant. Ici, les Américains nous troublent encore plus avec ces passages, notamment avec les chuchotements et les chœurs du second. Pour ma part, je les trouve dispensables. Sans apporter une réelle plus-value, ils s'intègrent malgré tout sans problème à l'album.

Bien qu'originaires de Nashville (capitale de la country), les musiciens préfèrent incorporer du Black dans leur Doom. Au milieu de « All Grows In Tears » les guitares se font plus véloces et le morceau se « blackmétalise » quelque peu. Cela permet de rendre l'album moins monolithique. Il est vrai que des albums comme Stream From The Heavens me sont carrément indigestes, par exemple. D'ailleurs, Loss avait sûrement peur de paraître encore trop joyeux et a donc demandé à Wrest de Leviathan de passer faire un coucou à la fin de l'album.

Lorsque j'écoute un album, je recherche la noyade et cela quelque soit le style. Je souhaite être englouti. Il peut s'agir de solis de guitare gorgés de fuzz, d'un flow de rap, de notes de violon ou de riffs de Doom, ce critère me fait dire si un album est excellent ou juste bon. Les membres de Loss réussissent à combiner toute l'énergie néfaste en eux pour créer quelque-chose de positif, une œuvre unique et sincère. Respect.

 

1.The Joy Of All Who Sorrow
2.I.O.
3.All Grows On Tears
4.Moved Beyond Murder
5.Naught
6.The End Steps Forth
7.Horizonless
8.Banishment
9.When Death Is All