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Album

28 novembre 2017 - Raleigh

Below The Sun

Alien World

LabelTemple Of Torturous
styleDoom Progressif
formatAlbum
paysRussie
sortieavril 2017
La note de
Raleigh
8.5/10


Raleigh

Il y a parfois des albums qu'on découvre par hasard et dont on ne pense pas pouvoir en retirer quoi que ce soit de bien particulier. Au-delà de surprendre, la première écoute pique l'intérêt immédiatement. On peut se dire que ce n'est qu'une exagération dûe au fait qu'on ne pensait vraiment pas tomber sur quelque chose d'original. Et pourtant, écoute après écoute, on continue à découvrir des choses, à trouver l'opus réellement intéressant, à aimer ses ambiances, jusqu'à finalement l'adorer. Pour moi, ''Alien World'' tape justement dans cette catégorie.

Below The Sun est une formation de doom progressif russe. Plus tôt dans l'année, en mai pour être précis, sortait leur second opus. Au-delà de leur style de prédilection, on retrouve dans ce dernier des touches électroniques, de l'ambient et même du Post-metal. Je suis tombé dessus purement par hasard grâce au clip du titre ''Mirrors''. Voyant les membres du groupe porter des masques blancs lors de leur prestation live, je dois bien avouer avoir eu une première remarque médisante du type "Tiens, c'est original de faire ça". Je préfère dire de suite que le morceau m'a fait ravaler mes mots très rapidement. Je me suis précipité pour écouter l'album, et dire que je n'ai pas été déçu relève de l'euphémisme.

Avant de parler directement de la musique, il va tout d'abord falloir aborder l'idée derrière cette dernière. Car ici, on a un album-concept, rien que ça. Réjouissez-vous, amateurs d'exploration de l'inconnu, de mondes étranges, de questionnements existentiels et de science-fiction en tout genre, cet album est directement inspiré d'une des œuvres de l'écrivain russe Stanislas Lem. Le nom de ce roman est Solaris, qui n'est rien d'autre que l'astre central étudié dans l'histoire de ce dernier. Pour faire un rapide résumé, ici, il est question d'une planète entourée de deux soleils et recouverte d'un gigantesque océan de matière protoplasmique. Elle est non seulement capable de créer diverses formes à sa surface, mais aussi de sonder les pensées et la personnalité des scientifiques l'observant. Avec ses données, la planète matérialise des entités et des apparitions issues de l'inconscient des protagonistes, les confrontant en quelque sorte à eux-mêmes.

C'est dans cette optique-là que se dévoile l'opus. Le groupe balance efficacement entre des passages très lourds, voire oppressants et des passages bien plus aériens et planants. Tantôt usant de cris déchirants et de chants clairs, on enchaîne continuellement ces différents aspects. Tout au long de l'album, il y a régulièrement cette dualité au sein même des titres, un coup nous offrant le sentiment d'être dans un rêve, parfois agréable, parfois inquiétant, et un coup nous ramenant brutalement à la réalité, avec l'effet d'un véritable choc inattendu. Cependant, l'enchaînement de ces diverses ambiances ne se fait jamais de façon forcée. Cela arrive naturellement. Sans tentatives maladroites (ou très peu), l'opus dévoile tour à tour ses facettes, allant d'un Doom écrasant à un Metal progressif plus léger, tout en passant par des passages ambient permettant de rythmer le tout.

On peut aussi noter ce sentiment de désolation, évoquant les étendues vides de Solaris. Par exemple, le premier riff apparaissant dans le morceau ''Dried Shadows'' m'a personnellement fait penser à des passages de ''Tekeli-Li'', des français de The Great Old Ones. La comparaison devrait donner un aperçu de la froideur et de l'hostilité que peut dégager l'album.

Cependant, même si ''Alien World'' est très solide dans son ensemble, il y a quelques moments où il échoue à atteindre la portée de ses ambitions, que ce soit avec des passages trop ''vides'' ou alors moins mémorables. Mais rien de bien grave, ces fameux passages sont si espacés et peu nombreux que cela ne gêne nullement l'écoute. Si je devais vraiment être de mauvaise langue, je dirais que le titre ''Giant Monologue'' est légèrement en deçà des autres, étant pour moi le titre le moins marquant.

Après l'écoute et la digestion de l'opus, on peut en ressortir une idée particulière. Celle de la confrontation a quelque chose qui est décidément au-delà de notre propre compréhension, et surtout de notre incapacité à pouvoir faire quoi que ce soit face à ça. Que ce soit avec des ambiances contemplatives et oniriques, ou encore avec des montées en puissance inarrêtables, dégageant un véritable sentiment de fureur cataclysmique. En écrivant ça, je pense particulièrement à la conclusion de ''Dawn for Nobody'' qui donne le sentiment d'une explosion dévastatrice, menée par une basse lourde, simple, répétitive, mais ô combien efficace. Ce n'est pas étonnant de retrouver ce sentiment d'impuissance et d'inutilité, tant ces thèmes sont présents dans la littérature russe. Au final, le nom de l'album résume parfaitement ce qu'il y a dedans. ''Alien World'', c'est le récit de là où l'on ne devrait pas être, dans un environnement qui n'est pas le nôtre.

Je ne peux que conseiller cet album, même si ce n'est pas votre genre de prédilection. Il est tellement happant, tellement prenant que je trouve difficile de rester complètement de marbre lors de son écoute. Pour peu que vous aimiez l'aspect hostile de la science-fiction, en plus de tout ce que j'ai cité précédemment, vous y trouverez votre compte. Below The Sun est une formation avec du potentiel, que je compte bien suivre de près à partir de maintenant, et ''Alien World'' est définitivement l'un de mes coups de cœur de l'année.


Tracklist :

1. Blind Ocean
2. Mirrors
3. Giant Monologue
4. Dawn for Nobody
5. Release
6. Dried Shadows
7. Black Wave
8. In Memories