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Album

25 mai 2017 - ZSK

Ajattara

Lupaus

LabelSvart Records
styleDark/Black Metal
formatAlbum
paysFinlande
sortiemai 2017
La note de
ZSK
4.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Un petit retour 11 ans en arrière (ce qui me donne d’ailleurs un splendide coup de vieux). Je découvre Ajattara via une chronique élogieuse de Äpäre, leur 4ème album, dans feu-Hard’n’Heavy. Une belle claque et un coup de cœur pour un album qui gardera d’ailleurs pendant un moment le titre honorifique d’« album de l’année 2006 » avant que je ne découvre plusieurs autres choses croustillantes sur le tard. Cet album ne faisait de toute façon que confirmer les bonnes dispositions du groupe de Pasi « Ruoja » Koskinen (chanteur d’Amorphis jusqu’en 2004), Kuolema (2003) était également excellent et pour beaucoup le mètre-étalon du groupe restera Tyhjyys (2004), d’ailleurs Äpäre avait été assez mal accueilli par beaucoup de fans ensuite, ce qui m’aura toujours laissé circonspect vu les tueries comme "Hurmasta", "Raato", "Säälin Koira" ou autre "Tahtomataan Syntynyt" (à vos souhaits). M’enfin. Le Black-Dark-Doom des Finlandais était quand même assez monumental en son genre, agressif et sombre mais direct et accrocheur, et bien plus méchant que bon nombre de groupes gnan-gnan que l’on retrouve sous le sobriquet « Dark-Metal ». Puis si Äpäre a pu être mal considéré par certains à sa sortie, j’ose espérer que la suite de la carrière du groupe leur a fait réviser leur jugement. Car oui, assez tristement, Ajattara a baissé de niveau et est tombé bien bas. Ce qui a d’ailleurs abouti à son split pur et simple en 2012. Pourtant, quatre années après, le groupe est déjà de retour… pour, on espère, un retour à sa vraie gloire, sa meilleure période, celle qui va de Itse (2001) à Äpäre et qui couvre aussi les fameux singles de Noël, peut-être la chose qui restera la plus incongrue chez ce groupe.

Revenons maintenant dix ans en arrière. Ajattara n’avait pas perdu de temps et un peu plus d’un an et demi après Äpäre, proposera son 5ème méfait, Kalmanto. Et là, stupeur : le groupe avait franchement régressé, que ça soit sur le fond et la forme. Envolées, les compos immédiates, le chant en finnois bien méchant et la production bien écrasante. Quelques bons morceaux subsistaient mais c’en était déjà fini du Ajattara de Kuolema, Tyhjyys et Äpäre. Avec un line-up totalement lavé à l’exception de Ruoja, Ajattara semblait s’être perdu. Si le groupe avait ensuite tenté l’aventure de l’album acoustique avec Noitumaa (2009), expérimentation relativement (j’ai bien dit relativement) réussie pour ma part, il n’y avait plus qu’à espérer qu’il retrouve sa verve passée. Raté. Son 7ème album, Murhat (2011), sorti un peu à l’arrache sur Osasto-A s’était avéré franchement nullard. Ajattara y avait définitivement troqué son Black/Doom massif pour une espèce de Dark-Metal déglingué mâtiné de Black’n’Roll peu entraînant. Il fallait creuser pour trouver de bons riffs mais quand bien même, ce n’était plus Ajattara, et il était désormais clair que Kalmanto avec son changement de personnel avait sonné le glas. Un an plus tard, on avait dit au revoir à Ajattara, sans regrets, si ce n’est que le groupe aurait encore pu faire quelque chose de la trempe de Kuolema/Tyhjyys/Äpäre, à l’aise. Mais ce n’était qu’un au revoir vu qu’en 2017, Ajattara repointe le bout de son nez, avec le même line-up qui avait façonné Murhat s’il vous plaît. A partir de là, un retour aux sources n’était pas forcément envisageable mais on pouvait au moins y croire. Puis un premier extrait de Lupaus, 8ème ou plutôt 4ème album du « nouveau » Ajattara, est tombé et là, patatras.

Allons droit au but : Lupaus est dans la lignée de Murhat. Voilà, emballez, c’est pesé, c’est à prendre ou à laisser. Prod rustre, chant de Ruoja bien arraché, tempo plus expéditif et/ou pataud que lourd, rien ici ne rappelle le Ajattara des débuts même si quelques éléments subsistent. Le groupe finlandais égrène de nouveau le Dark-Metal foutraque qu’il pratique depuis 2007, sorte de Impaled Nazarene en moins rapide et plus gentillet, ce qu’on remarque d’ailleurs dès l’ouverture sur le plutôt vénère "Saatanan Sinetti". Pour la noirceur et les ambiances pesantes, on repassera, ou plutôt on ira voir ailleurs. On sent à la limite le Ajattara v.2001-2006 dans un morceau plus rampant comme "Ristinkirot", mais on navigue plus dans un Black mélodique qu’un Dark/Doom et les riffs proposés sont loin d’être incroyables. D’autant que Ruoja insiste avec ces voix claires assez pathétiques, c’est dingue de se dire que ça vient de la gorge d’un chanteur qui véhiculait un tourbillon d’émotions avec des morceaux comme "Alone" d’Amorphis en 2001. C’est moche de vieillir… et cela sabre d’ailleurs un morceau comme "Suru" qui pourtant n’est pas dégueulasse avec ses riffs râpeux et son atmosphère psychédélique pour un ensemble limite proche d’un Oranssi Pazuzu, l’inventivité en moins, et le groupe fera plusieurs tentatives similaires tout au long de l’album, sans réussite. Difficile d’extirper grand-chose de ce Lupaus si ce n’est quelques riffs corrects, au sein par exemple de "Ave Satana" et du morceau-titre, pistes tout de même assez poussives malgré le final bien perché de la seconde…

Lupaus est même parfois sacrément moche (les riffs baveux de "S.I.N.Ä.", l’ambiance lugubre ratée de "Amen" encadrée de riffs sans intérêt), le fond est même franchement touché avec le nullissime "Uhrilahja" aux mélodies médiocres et bénéficiant (lel) encore une fois de ces voix claires pitoyables. Le final "Machete" essaye encore de nous faire croire que l’on a affaire au vrai Ajattara, avec son Black/Doom si lourd et sidérant, mais non, on a bel et bien encore affaire à un ersatz, quelque chose qui n’a plus d’Ajattara que le nom et le style de base, ici totalement déconstruit et rendu crade dans tous les sens du terme. Murhat avait montré que le groupe était fini et le split tombait sous le sens. Alors pourquoi se reformer pour poursuivre ce vain effort, celui de ressusciter un monstre de Dark-Metal pesant et possédé oui, celui de faire la même soupe que depuis 2007 non. Rendez-nous le vrai Ajattara, celui qui ne souriait pas et vous faisait peur avec les "Haureus", "Rauhassa", "Sortajan Kaipuu", "Raato", "Tahtomataan Syntynyt" (à vos amours)… pas cet espèce de Dark/Black mal dégrossi, mal produit et peu inspiré. Alors qu’un Kuolemanlaakso n’avait pas réussi à confirmer son potentiel de successeur d’Ajattara après l’excellent Uljas Uusi Maailma (2012), on espérait que ledit Ajattara revienne très fort avec un vrai retour aux sources. Peine perdue. C’est plus triste qu’autre chose et au moins Lupaus avec son line-up idoine est cohérent avec ce qui avait été fait juste avant, mais une nouvelle fois on attendait autre chose du groupe géniteur de Kuolema et Äpäre, et voilà encore une reformation formidablement inutile. #cétaitmieuxavant

 

Tracklist de Lupaus :

1. Saatanan Sinetti (3:08)
2. Ristinkirot (3:03)
3. Suru (4:26)
4. S.I.N.Ä. (4:41)
5. Amen (3:43)
6. Ave Satana (4:03)
7. Uhrilahja (3:44)
8. Lupaus (4:40)
9. Machete (3:34)

 

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