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mercredi 30 novembre 2016

King Crimson @ Marseille

Le Silo - Marseille

Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Sleap : Il y a un peu plus d’un an, j’effectuais mon énième voyage à Paris pour assister au retour de King Crimson en France. Le guitariste et fondateur Robert Fripp ayant une nouvelle fois – et pour mon plus grand plaisir – retourné sa veste, les papas du Rock Progressif étaient donc de retour sur scène pour une tournée mondiale. Cette première rencontre avec la légende anglaise s’était faite à l’Olympia pour l’une des trois dates organisées par Gérard Drouot Productions. Et ce concert s’était avéré être l’un des plus mémorables de ma vie de fan de musique. Mais à peine quelques mois plus tard, voilà que le groupe annonce sans crier gare une seconde tournée européenne, passant cette fois – en plus de Paris – par Marseille ! Ni une ni deux, me voici donc en possession de mon ticket pour un second round, cette fois-ci dans le sud de la France.

Étant arrivé assez tôt à Marseille, nous en profitons pour aller à l’exposition sur l’Orientalisme qui se tient au musée Regards de Provence, à deux pas de la salle de concert. Une brève mais fort intéressante visite qui fait office d’excellent préambule au show qui s’annonce.
Aux alentours de 18h, je découvre donc, non sans émerveillement, le Silo. Ancien bâtiment industriel reconverti en salle de concert il y a à peine 5 ans. Sa façade divisée en plusieurs ‘‘colonnes’’ lui donne un aspect d’usine début-vingtième assez plaisant, surtout sous les éclairages nocturnes du port. Après être allé rejoindre ma place au niveau du balcon droit, je constate que la salle d’environ 2000 places est quasiment remplie, et certains fans ont l’air tout aussi impatients que moi. La scène est une fois encore occupée par les 3 batteries au premier plan, et les nombreux autres instruments et consoles sont disposés en surplomb à l’arrière. Fidèles à eux-mêmes, les anglais diffusent un message interdisant la prise de photos / vidéos pendant le show, en plus des deux grands panneaux « no photos » disposés de part et d’autre.

Après une liesse générale à l’arrivée des musiciens sur scène, les lumières s’éteignent et un silence solennel s’installe pour l’intro du concert. Cette fois, pas de Larks’ Tongues in Aspic en ouverture, mais une surprenante improvisation à la flûte suivie de roulements progressifs à 3 batteries qui s’enchainent avec l’ultime Pictures of a City. Je suis déjà conquis ! Dans la lignée de la tournée de 2015, le groupe continue de nous interpréter de nombreux titres de la première moitié des 70’s (certains non joués en live depuis presque 40 ans). Quel bonheur de réentendre les immenses classiques issus de Red, Larks’, In the Wake of Poseidon, Lizard, Islands, Starless et bien sûr Court of the Crimson King… Ce premier set est d’ailleurs quasi-entièrement consacré à cette première partie de carrière du groupe. La qualité d’exécution est exemplaire et la voix de Jakko Jakszyk est tout simplement bluffante. Le chanteur guitariste – auparavant membre du groupe de reprises 21st Century Schizoid Band – fait une nouvelle fois honneur aux lignes de chant des illustres Greg Lake ou John Wetton. Son timbre est parfaitement juste et sa voix se fait tantôt douce et suave, tantôt puissante (mention spéciale au somptueux Easy Money). Une fois encore, pas de lightshow particulier. Les spots changent de temps en temps de couleur de manière très subtile, mais c’est tout. King Crimson altérant déjà magnifiquement bien notre perception, il n’y a pas besoin de jeu de lumière. Malgré les nombreux autres classiques des 70’s interprétés, c’est une nouvelle fois l’atemporel Epitaph qui constitue pour moi le point d’orgue de ce premier set. Et au vu des réactions de la foule en entendant les premiers arrangements, je ne suis pas le seul. Je mentionne tout de même la Part.2  de Lark’s Tongues in Aspic qui clôture cette première partie de soirée de la plus belle des manières.

Eh oui, contrairement à la date parisienne de l’an dernier, nous avons ce soir droit à deux sets de King Crimson, pour quasiment 3 heures de concert ! C’est donc après un entracte d’environ 20 minutes que le groupe réapparait pour le second set de la soirée. En plus d’autres titres du début de carrière, le groupe nous interprète cette fois-ci des morceaux plus ‘‘récents’’ comme le saccadé Indiscipline mené d’une main de maître par Tony Levin. Membre de la seconde incarnation de King Crimson au début des 80’s, Levin joue principalement de la basse, de la contrebasse électrique et du Chapman Stick (grand manche mi-basse mi-guitare d’une dizaine de cordes se jouant au tapping à deux mains). En plus de son charisme indéniable, il est l’un des musiciens les plus intéressants à regarder sur scène pour la qualité de son jeu rythmique et la diversité de ses instruments. Cette fois-ci pas de One More Red Nightmare dans la setlist, mais un enchainement titanesque In the Court of the Crimson King / Red qui me transporte à des années lumières de mon siège. Cette seconde partie de soirée est également plus propices aux improvisations. Je suis toujours aussi impressionné par les nombreux soli de flûte et de saxophone du fantastique Mel Collins (musicien du groupe au tout début des 70’s mais également ex-membre de Camel et d’Alan Parsons Project). Mais, en bon maniaque de batterie, ce sont évidemment les nombreux passages rythmiques des trois batteurs qui me rendent fou. Gavin Harrisson à droite sur sa Sonor possède un jeu plus ‘‘Metal’’ et impressionne surtout par ses roulements et son jeu de toms à couper le souffle. Jeremy Stacey au centre, avec son chapeau melon, joue sur batterie Tama et nous gratifie de nombreux passages de synthé en plus de ses parties de batterie. Enfin, le plus ancien des trois, Pat Mastelotto à gauche, dispose d’un kit DW très fourni en cuivres. Son jeu de cymbales est clairement le plus remarquable des trois, et ses expérimentations aux gongs, bells et autres cuivres sont délectables. On peut au départ douter de l’utilité de trois batteries différentes pour un groupe de ce type, mais la diversité des jeux et surtout leur complémentarité semble convaincre au final toute l’assemblée. En effet, les trois musiciens ne jouent presque jamais les mêmes patterns en même temps, sauf lors des passages marqués, ce qui rend le tout encore plus puissant. Je pourrais faire tout un article sur ce trio de batterie, mais j’en ai déjà assez dit.

Ce second set est admirablement bien clôturé par le culte Starless avant un rappel sur l’indispensable 21st Century Schizoid Man repris en chœur par la foule. Ce dernier titre est également l’occasion de dernières improvisations de la part de presque tous les musiciens pour un final encore plus explosif. Les lumières se rallument sur une magnifique standing ovation de plusieurs minutes avant que les anglais ne se retirent. Sans aucune surprise, le groupe vient une nouvelle fois de m’offrir l’un des concerts les plus mémorables de ma vie. Je le préfère presque au précédent. C’est un insigne honneur de pouvoir, pour la seconde fois, assister à un show des pionniers du Rock Progressif. Il y a encore quelques années, jamais je n’aurais pensé pouvoir voir King Crimson en live. Et je vous invite évidemment à faire de même, tant que vous le pouvez encore. Une expérience magique !