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Livre

26 novembre 2016 - Pamalach

Dayal Patterson

Black Metal : The Cult Never Dies Volume 1

LabelCamion Blanc
styleLivre
formatAlbum
paysFrance
sortiejuin 2016
La note de
Pamalach
8/10


Pamalach

"Les vrais savent, les vrais font".

Le black Metal est certainement une des branches du Metal qui donne le plus de matière à débattre et à analyser. Quel autre style musical est en effet plus mouvant, plus difficile à définir et plus insaisissable ? De ses racines britanniques aux influences Sud-américaines, le Black Metal finira par se construira un beau château hanté en Norvège tout en fertilisant le monde entier de sa semence maudite et infectée, donnant ainsi naissance à des milliers de petits rejetons diaboliques avides de blasphèmes et de sensations fortes. Mais creuser un tel sujet, parler d'un si vaste univers sans un angle d'attaque précis, c'est un peu comme tenter l’ascension de l’Everest en claquettes... un peu utopique ! Mais impossible n'est pas Black Metal non ?

Satyricon, Xantotol, Manes, Arkona, Wardruna, Evilfeast, Mgla, Kampfar, Bethlehem, Total Negation, Forgotten Tomb ou Silencer sont parmi les artistes à qui le journaliste Dayal Patterson a donné la parole sur ce premier tome de sa série française "The Cult", le deuxième tome se concentrant sur les groupes et les courants qu'il n'a pas pu traiter de prime abord (à noter que dans sa version originale, les volumes sont inversés).

Dès le départ, l'auteur précise que ses ouvrages ne sont en aucune manière exhaustifs et que tout fan y trouvera forcément des manques et des propos avec lequel il ne sera pas forcément d'accord. Pour des raisons évidentes, il y explique qu'il a d'ailleurs du effectuer des coupes de son récit initial, l’œuvre brute dépassant de plusieurs centaines de pages les éditions qui nous sont proposées aujourd'hui.

Agrémenté de nombreuses photos (émanant parfois de collections privées), de chapitres développant plus particulièrement les cas de la Pologne et de la Norvège ou les chapelles à part comme le DSBM, "The Cult Never Dies" est un ouvrage que j'ai trouvé très intéressant, agréable à lire et vecteur de pistes de réflexions passionnantes. Il est vrai que quand on voit le nom des artistes interviewés, on se dit qu'il va y avoir matière à faire fonctionner les neurones mais Patterson arrive à rajouter une belle plus value à ce terreau de qualité en mettant en confiance les musiciens et en les amenant à se livrer sans compromis.

Il est d'ailleurs intéressant de constater que plusieurs d'entre eux sont ravis d'avoir participé au projet et couvrent de compliments le jeune auteur quand à la qualité de son travail... et on sait bien que dans le monde du BM, le compliment n'est pas le réflexe le plus évident qui soit. Décrit comme quelqu'un de sérieux, d'érudit et d'impliqué, Patterson ouvre donc le micro aux musiciens, laissant les individualités s'exprimer sur leur parcours, leur vision du BM et son histoire, ses évolutions futures et ses forces, ses faiblesses et contradictions. C'est d'ailleurs précisément à ce niveau là que le livre fait vraiment mouche car plusieurs paragraphes questionnent, apportent des lumières sur des sujets controversés (la place de l'argent dans la vie de l'artiste, le lien à la vie civile ou le rapport véritable des artistes avec les idées véhiculées par leur groupe) où certains se livrent sans fard.

" Je suis souvent assez critique sur la Norvège contemporaine mais cet aspect en particulier me rend fier, le fait que la “Norvège officielle” ait accepté notre art et s’en serve comme carte de visite », commente Cornelius. « Je suis tout à fait d’accord avec ça, et si je peux rendre ce service, je le ferai volontiers. Il ne s’agit pas d’être d’accord avec toutes les paroles ou les propos que Gaahl et d’autres artistes ont pu tenir, mais reconnaître leur succès commercial et l’intérêt qu’ils suscitent – et bien sûr la créativité à travers la musique – est une étape logique, très courageuse et professionnelle ».« Bien sûr, c’est un paradoxe pour l’intégrité et l’esprit du black metal. Un de mes amis a, il y a peu de temps, écrit une critique pour un journal allemand, une critique littéraire, et il a écrit quelque chose qui est assez difficile à avaler pour la plupart des puristes : il n’y a plus de place pour la provocation dans le metal norvégien. Tout est respectueux et correct, et personne ne cherche plus à faire une scène de tous les diables. D’abord parce que les gens ont mûri et ensuite parce qu’ils peuvent avoir des partenariats. Les vrais rebelles de la scène black metal viennent d’Europe de l’Est, ou de France, ou d’autres endroits ». C’est un discours plein de vérité, et même les groupes qui étaient à un moment donné considérés comme dangereux, comme Emperor, sont maintenant respectés à tel point que la plupart des groupes grand public seraient prêts à vendre père et mère pour avoir la même reconnaissance. Mais il y a bien sûr des exceptions : Taake, par exemple, est un groupe important qui est toujours assez controversé."

 Cornélius, SOLEFAD

Il est du coup très agréable de voir que les effets de rhétoriques classiques et les déclarations "fin de non recevoir" sont souvent laissées de cotés pour laisser un peu plus apparaitre le coté complexe et finalement si vivant du BM. Complexe car multi facette, vivant car en perpétuelle évolution... et passionnant car imprévisible.

Bien sûr, et ne vous inquiétez pas, large place est accordé aux sentiments négatifs, à la haine, au désespoir, à l'élitisme, l'individualisme, l'importance de la force brutale et de ses convictions personnelles, la fidélité à ses idées mèmes les plus extrêmes, l'occultisme, la politique putride... le voisinage bien connu du black en quelque sorte. De la gouaille de Satyr au récit passionnant de Mgla et de la magie de Wardruna a l'inquiétante entité Bethlehem, "The Cult Never Dies" est un ouvrage qui se lit avec grand plaisir. Plus le degré de connaissance du lecteur sur le style sera important et moindres en seront ses découvertes, mais gageons qu'au vu des commentaires des interviewés eux-mêmes, "The Cult Never Dies" devrait satisfaire pas mal de monde.