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Album

01 octobre 2016 - Dolorès

Darkher

Realms

LabelProphecy Records
styleDark Folk / Doom
formatAlbum
paysRoyaume-Uni
sortieaoût 2016
La note de
Dolorès
7/10


Dolorès

Non.

A vrai dire, soit vous avez déjà entraperçu Darkher et vous allez tout de suite vous remémorer sa chevelure féérique et sa voix précieuse, soit vous découvrez tout en bloc et vous interrogez déjà sur le kitsch du nom ainsi que le genre musical.

Pour faire simple, Darkher est le nom du projet d’une Anglaise et de ses musiciens, bien que Jayn H Wissenberg soit la tête pensante de l’ensemble. On pourrait qualifier celui-ci de Dark Folk, même si les comparaisons qui nous viendraient en tête immédiatement ne conviennent pas forcément. Le projet est très peu lié au Metal, mais l’est tout de même par son esthétique, ou les groupes auxquels il est relié. Cela se rapproche parfois d’un Doom plus léger qu’agressif ou massif.
J’ai vu des sites parfois la comparer à ses soit-disant aînées, Myrkur entre autres… Oubliez, le style n’a rien à voir, autant que l’intention musicale derrière. Darkher me donne d’ailleurs plus l’impression de se rapprocher du Metal par accident, plutôt que d’en partir. Accessoirement, les premières vidéos de Darkher se partageaient déjà sur la toile bien avant le premier single de Myrkur. Sur certains titres, Jayn me fait plus penser à une version « witchy », « dark » de Mazzy Star, qu’à une chanteuse de Doom ou de Post-Black quelconque.

Vous avez peut-être rencontré sa silhouette plus sur Youtube que sur des sites Metal ou sur le site du label Prophecy. En effet, bien qu’elle ait déjà sorti un EP chez eux, la demoiselle est plus connue pour ses enregistrements acoustiques en pleine nature qui, couplés à ses photos promo exceptionnelles, créent une véritable esthétique propre à Darkher, une identité visuelle dont on se souvient irrémédiablement. Pourquoi n’en faire qu’une parenthèse quand cela est assurément volontaire ? L’aspect visuel de Darkher joue une grande part dans le projet, que cela soit dans l’atmosphère de ses vidéos, que tout simplement par le physique peu commun de Jayn.

Ainsi, une majorité de titres présents sur l’album « Realms » avaient déjà été filmés dans un lieu improbable auparavant. Il se compose de ces vieux titres, de « Foregone » déjà présent sur l’EP, et de nouveautés (dont certains ont bénéficié d’une vidéo, mais après la sortie de l’album).
Dans ce contexte, ce n’est pas malvenu de comparer les versions studio et les versions filmées. Sur ses vidéos, les morceaux sont acoustiques, complètement épurés, pour laisser place à une atmosphère qui se crée autour de quelques accords, d’une voix sans aspérité, mais aussi d’autres éléments (ruisseau qui coule, oiseaux qui chantent). Ces vidéos font partie intégrante du projet selon moi, ce ne sont pas juste des clips tournés à l’arrache. Ça montre plutôt que Jayn fait partie de cette « génération youtube », qui n’hésite pas à exploiter la plateforme pour se faire connaître avant des sorties physiques, ainsi qu’une recherche d’identité qui va plus loin que le simple plan musical, et ça lui a plutôt bien réussi.
 
En ce sens, les titres sur l’album ont des sonorités très différentes, et sonnent beaucoup plus lisses. Cette volonté de professionnalisme est louable mais, quand on a été aspiré par la sincérité et la simplicité des versions précédentes, il faut s’attendre à un fossé. Ces nouvelles versions ne sont pas dénuées d’intérêt, Darkher prouve ainsi que les titres peuvent être aussi prenants en version acoustique, où son chant pur s’élève au-dessus des accords humbles, que lorsque les dizaines d’effets se superposent sur album. Il y a comme une idée de pièces qui ne peuvent exister sans les deux versions, comme si dans ce contexte, aucune n’était la véritable version et l’autre la seconde, mais bien les deux facettes d’une même unité.

Je ne peux pas me mettre à la place de quelqu’un qui découvrirait les titres sur cet album sans les connaître auparavant sous leur autre jour. Néanmoins, il faut quand même noter que ce qu’on peut perdre en sincérité et simplicité s’équilibre avec la perte du côté brouillon. On peut le voir comme un défaut ou une qualité, et bien que j’appréciais assez ce côté « à l’arrache » de Jayn et sa guitare, il faut avouer que les titres sonnent plus complets et aboutis à l’écoute de l’album !

« Foregone », déjà présente sur l’EP, n’a pas bénéficié de véritables modifications. A l’inverse, des titres qu’on pouvait bien connaître pour leurs enregistrements en pleine nature, « Hollow Veil » (filmé dans les Salem Woods au Royaume-Uni), et « Moths » (filmé sous un grand soleil sur une plaine) ne ressemblent plus vraiment à ce qu’on connaissait. Hollow Veil prend véritablement une tournure plus lourde et sale, tout en gardant le côté très fantomatique spécifique à Darkher, qui est amplifié sur les enregistrements acoustiques vu son timbre de voix, mais transparaît encore parfaitement sur album. En ouverture, ce titre annonce parfaitement la couleur de l’univers de Darkher, qui combine une noirceur assumée à une légèreté spectrale omniprésente.

Parmi les nouveaux titres qui sont dans cette veine et que j’ai particulièrement appréciés, on trouve « The Dawn Brings A Saviour », et ses lignes de chant mémorables, ainsi que « Buried pt. II » et sa noirceur inédite chez Darkher, cette aura solennelle et éprouvante. Ce dernier est sans doute celui qui sonne le plus Doom, avec ses riffs simples mais écrasants, accompagnés d’une batterie un peu plus présente, et suivis d’une voix à la limite du chuchotement tant ses notes sont éthérées, respirées, et intimes.

A l’inverse des autres anciens titres, « Lament » n’a, selon moi, pas profité tant que ça d’une petite remise à neuf. En fermeture d’album, ce titre qui était pourtant si pur et simple semble maintenant artificiel et peu sincère. Je continuerai de l’écouter dans sa version acoustique, étant pour moi l’un de ses meilleurs.

Darkher a longtemps été comparée à Chelsea Wolfe, ayant fait sa première partie, ayant suivi ses pas pour un style et une esthétique assez proche finalement. J’ai moi-même longtemps présenté Darkher comme « un genre de Chelsea Wolfe mais en rousse », et je me rends compte après toutes ces écoutes que Jayn s’en écarte petit à petit. Là où Chelsea Wolfe expérimente de plus en plus les sonorités, Darkher y reste fidèle, pour le moment en tout cas, mais continue d’évoluer dans sa bulle visuelle et musicale sans trop s’en éloigner. Un projet assez complet à suivre !


1. Spirit Waker
2. Hollow Veil
3. Moths
4. Wars
5. The Dawn Brings A Saviour
6. Buried pt. I
7. Buried pt. II
8. Foregone
9. Lament