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Album

28 mai 2016 - Dolorès

Darkestrah

Turan

LabelOsmose Productions
styleBlack Atmosphérique / Epique
formatAlbum
paysAllemagne
sortieavril 2016
La note de
Dolorès
7/10


Dolorès

Non.

Darkestrah et moi c'est une grande histoire d'amour. Une vraie, avec des hauts et des bas, de la passion, et de la difficulté. Il y a des années, je suis tombée par pur hasard sur « Epos » alors que je cherchais à assouvir ma soif de Black à petites touches folk et épiques, et c'était le coup de foudre. Depuis, je place cet album ainsi que « The Great Silk Road » très haut dans mon estime, et je suis même une des rares à bien apprécier « Embrace Of Memory ». C'est leur effort précédent, « Manas » qui m'a fait remettre en question notre relation. Très déçue par le groupe en 2013, par ses transformations assez soudaines (chant clair, compositions très différentes et plus monotones...), cela ne m'a alors pas étonnée que la chanteuse Kriegtalith quitte Darkestrah peu de temps après. Pourtant, l'album avait été assez bien reçu par l'ensemble de leurs fans, j'ai dû être une des rares déçues, mais ce groupe qui était si particulier, aux atmosphères poussées, chamaniques empruntées à leur terre d'origine, le Kirghizistan, ce chant féminin si prenant, tout cela s’essoufflait sur Manas et perdait de la crédibilité, perdait de l'entrain. Sans oublier que le principal guitariste était déjà parti avant la sortie de celui-ci.

On se retrouve donc avec « Turan » (pas de blague, ici c'est serious business), en 2016, toujours chez Osmose Productions, avec un tout nouveau line-up. Un chanteur allemand, un bassiste russe, et un petit roulement entre l'enregistrement et aujourd'hui au niveau de la guitare puisque deux individus se sont succédés, pour laisser aujourd'hui la place à une demoiselle. Du noyau originel, ne restent qu'Asbath (qui a porté le concept depuis ses origines, ainsi que la batterie, d'autres percussions et les textes) et Regermus (claviers et guitare à l'occasion depuis un certain temps dans le groupe).

Certes, en mars sortait leur split avec Al Namrood, proposant côté Darkestrah une nouvelle version, avec les nouveaux membres, d'un de leurs anciens titres, « Akyr Zaman » (plus lente, moins rentre-dedans et perdant le charme de la production du deuxième album). Mais ce split, il faut avouer qu'on n'en a pas beaucoup entendu parler. A l'inverse, la sortie de « Turan » était bien plus attendue et médiatisée (enfin, utiliser le terme de « médiatisé » pour un groupe de Black Atmo/Epique originaire du Kirghizistan ça semble un exagéré dans l'idée). Mais, pour résumer, « Turan » c'était le grand retour officiel du groupe, avec ses nouveaux musiciens, et de nouvelles compositions, pas juste une réinterprétation rapide pour un split.

Le groupe a eu le temps, depuis leurs débuts en 1999, les changements de line-up, le départ du Kirghizistan et leur implantation récente en Allemagne, de se détacher de ce qui s'est fait auparavant et de leurs influences d'Asie centrale. Qu'est-ce qui change avec « Turan » ? C'est assez difficile à expliquer en réalité. On a à la fois un retour aux sources, avec un Black beaucoup plus noir, violent, et plus complexe que ce que proposait « Manas ». Cependant, en parallèle on perd beaucoup d'éléments folkloriques et d'ambiances chamaniques, les compositions sont plus épurées, on joue plus sur l'atmosphère liée aux riffs que celle liée aux instruments peu communs. Cela n'enlève en rien le caractère épique du groupe, qui se présente juste sous un autre angle. Quelquefois, les instruments traditionnels ou un brin de violoncelle viennent s'ajouter, par touches, servant le propos général sans devenir l'élément central.

Peut-être est-ce plus simple, mais qu'est-ce que c'est efficace ! Le chant de Merkith, bien qu'il soit différent de celui de Kriegtalith, est loin de constituer une rupture entre l'ancien Darkestrah et sa nouvelle facette. En réalité, c'est à peine si on remarque un changement, il est moins criard mais finalement, la différence se fait plus au niveau de la production et des effets sur le chant, sa valorisation dans l'ensemble, que sur le timbre de voix en lui-même. Notons également que l'anglais est omniprésent dans cet album, sans doute parce que la majorité des membres s'est imprégnée des origines du groupe mais qu'il n'y sont pas directement liés. On a mis à la porte le chant clair, si ce n'est sur l'intro de « One with the Grey Spirit », bien plus discret et plus à propos, puisqu'il s'agit de l'ouverture de l'album. Le reste de l'album est rythmé par des hurlements enragés qui pimentent bien les riffs et la batterie qui forment souvent cette impression de boucle, ronde et lisse, d'un Black Atmo à la Drudkh.

Le seul défaut de cet album est que, même si dans son ensemble il est plutôt excellent, on n'en retient aucun moment véritablement fort. Je parie que dans chacun de vos albums de Black Atmo/Epique/EtCompagnie favoris, il y a toujours un ou plusieurs instants clés, telle montée en puissance majestueuse, tel bloc fédérateur aux élans héroïques. Même si « Turan » a quelques passages bien intenses, ça manque du moment spécifique dont on se souvient après l'écoute. L'album s'écoute plus dans la longueur, comme un ensemble. Sans être un véritable défaut, si vous appréciez « Turan » vous aurez du mal à lui donner une place à part entière dans vos écoutes.

Je ne peux m'empêcher tout de même d'avoir une petite préférence pour « Conversations of the Seer », qui sort un peu plus du lot car plus rentre-dedans, et « Gleaming Madness » qui est le morceau le plus proche de ce que Darkestrah proposait sur « The Great Silk Road », dans le genre mélodieux à souhait et ancré dans une thématique plus traditionnelle. Sans oublier la pièce finale « The Hidden Light » qui a un feeling beaucoup plus ancré dans les traditions de Black Atmosphérique, un son glacial, des riffs lancinants, avec presque des échos à Lunar Aurora.

Ce que je pensais être la mort de Darkestrah est en réalité une belle petite renaissance. Tout n'est pas perdu, et bien que la majorité des membres d'origine ne soit plus présente, l'univers est resté le même, réinterprété sans trop en faire, en lui donnant un souffle nouveau. J'avais reproché à l'album précédent de manquer de tranchant, d'ambiances noires, de touches épiques, car il semblait un peu monotone. Ce n'est absolument pas le cas de ce nouvel opus, qui est assez varié pour proposer des rebondissements, de la surprise et de l'efficacité.  


1. One With The Grey Spirit
2. Erlik-Khan
3. Conversations Of The Seer
4. Gleaming Madness
5. Bird Of Prey
6. The Hidden Light 

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