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Falling on the edge of the scene : Part III : The Black Dogs

lundi 30 novembre 2015
Balin

Matthieu, 24 ans, basé à Nantes. Ancien membre d'U-Zine et de Spirit of Metal. Vous me retrouverez pour les chroniques et live reports de divers styles musicaux.

Après Deep Purple et Black Sabbath dont la commercialisation des performances scéniques et la longevité de leur carrière nécessitait de prendre chacun de ces deux mastodontes au sein d'articles séparés, deux lives sont au programme aujourd'hui, pour deux groupes phares des années 1970, dont le nom du premier d'entre eux est encore sur toutes les lèvres de nos jours. Quant au second, son héritage scénique est plus sollicité que jamais en cette fin d'année 2015 avec l'annonce pour l'an prochain de trois concerts exclusifs. Vous voyez de qui je veux parler ? 

Led Zeppelin : How the West Was Won (1972) 

Troisième album live officiel de Led Zeppelin, après The Song Remains the Same sorti en 1976 et les BBC sessions sorties en 1997. Curieusement sorti dans les bacs seulement en 2003, ce triple album rassemble deux concerts : le premier fut enregistré au Los Angeles Forum le 25 juin 1972 et le second provient du Long Beach Arena, le 27 juin de la même année. Ces concerts clôturent la huitième tournée américaine de Led Zeppelin, à savoir celle pour la promotion de l’album House of the Holy. Pourquoi ce choix des Etats-Unis ? Et bien parce que fut le premier territoire à avoir ouvert les bras au Zeppelin. Dès 1970 le quatuor entamait une tournée à travers le pays alors même que l'Angleterre était encore frileuse face à la musique qui allait devenir celle de toute une génération, et plus encore.

Qu’y a-t-il au programme donc ? Eh bien la setlist pioche un peu partout dans la discographie des anglais même si l’on trouve étrangement seulement deux morceaux tirés d’House of the Holy, à savoir Over the Hills and Far Away et la magnifique The Ocean (oui je sais, pas de No Quarter, c’est une honte). Mais ne faisons pas le difficile car si les prises furent partagées entre deux soirs, l’objet en lui-même vous offre pas moins de deux heures et demie de concert ! Quoi de plus logique finalement quand on sait que les représentations de quatuor duraient à cette période en moyenne trois heures ? Reprendre chaque morceau un par un n’aurait pas beaucoup d’intérêt, d’autant plus que la totalité du live est désormais disponible sur le net et j’ai préféré m’attarder sur quelques moments qui justifient la présence de ces performances dans cette réunion au sommet des plus subjectives.

Car si Led Zeppelin demeure un titan de studio dont la présence est obligatoire sur toutes les étagères, il n’en fut pas moins un colosse de la scène ayant pour habitude d’insérer nombre d’improvisations au sein de ses titres et de proposer au public un véritable spectacle. Quatre véritables lions sortis de cage durant plus de deux heures. Si l’on trouve la quasi-totalité des tubes du groupe (Immigrant Song, Starbreaker et Black Dog d’entrée de jeu, vous imaginez ?! Stairway to Heaven, classique de chez classique mais dont je ne me lasserais définitivement jamais mais également le fabuleux Bron-Y-Aur Stomp ou encore le très pêchu Rock and Roll), les grands moments de ce live sont pour ma part les improvisations. Nous avons ainsi droit à d’énormes versions de Dazed and Confused (plus de vingt-cinq minutes) et de Whole Lotta Love (vingt-trois minutes). Ajoutons à cela un solo à en tomber par terre au milieu d’Heartbreaker et le traditionnel mais toujours impressionnant solo de Bonham sur Moby Dick.

Que dire de plus à propos de ce live ? La voix de Plant est ici à son paroxysme, à tel point que l’on croirait qu’il a enregistré ses parties en studio ! Assez discret entre chaque titre, il occupe plus que jamais le devant de la scène hormis durant les nombreuses escapades instrumentales de ses compères mais il n'est jamais mis à l'écart (comme l'a pu être Coverdale ou Gillan qui quittaient parfois la scène pendant dix bonnes minutes) et sort l'harmonica à l'occasion. Que dire de plus des trois autres sans tomber dans le piège d’une incroyable succession d’adjectifs qualificatifs ? Si Jimmy Page est incontestablement la star (deuxième meilleur guitariste de tous les temps derrière/à côté de Blackmore ?), constamment mis en avant que ce soit par des soli interminables, des rythmiques entraînantes et des arrangements susceptibles de dégoûter de la guitare un bon paquet de gens, il ne faut pas minimiser l'impact de l'une des plus impressionnantes parties rythmiques du siècle. Bonham, au groove légendaire et à la frappe de forcené et Paul Jones, au feeling monstrueux et aux arrangements toujours plus riches, sont en retrait pour les yeux mais plus que jamais essentiels au dirigeable plombé.

Il faut bien saisir que nous sommes alors à l’apogée de la carrière du Zeppelin. Que ce soit sur scène ou en studio, la grâce semble avoir touché de plein fouet les quatre hommes. Cinq albums qui marqueraient à vif le monde du rock, un rythme de tournée ahurissant (surtout aux Etats-Unis) quasiment toujours à guichet fermé, une demande toujours plus croissante et vivace de la part du public et de la maison d’édition (Atlantic Records).

Tous ces éléments font de la vie quotidienne de Robert, Jimmy et des deux John un défi permanent à relever sous couvert d’une pression difficilement tenable pour de jeunes hommes constamment propulsés sous le feu des projecteurs et dont la position au sommet, incessamment remise en course, date de seulement trois petites années. La drogue et l’alcool sont ces échappatoires auxquels peu échappent dans ces moments mais sachez qu’aucun de ces déboires ne vient parasiter la performance de la formation. Pas durant ces deux soirs où la communion avec le public fut sensationnelle, où l’interprétation fut sans accrocs, où les improvisations furent de véritables étincelles dans la vie de chaque spectateur présent ce soir-là, et pour nous, pauvres auditeurs tentant de revivre ces instants bénis bien après la tempête.

Si d’autres productions live de Led Zeppelin valent clairement le détour (qui n’a pas frissonné devant The Song Remains the Same ?), j’ai trouvé judicieux de m’attarder sur cette conquête de l’Ouest, titre bien trop réducteur selon votre serviteur puisque les quatre Anglais ont incontestablement, lors de ces deux soirs, conquis les oreilles et les cœurs du monde entier.

Rainbow : On Stage (1976)

Premier album live de la formation et dernier disque publié par la formation originale (Jimmy Bain et Tony Carey quittent le groupe juste après cette tournée), On Stage fut enregistré au cours de l’année 1976 à Munich et apparut dans les bacs l'année suivante.

Ce live s’ouvre en trombe, après une courte citation tirée du film Le Magicien d’Oz : « Toto: I've a feeling we're not in Kansas anymore. We must be over the rainbow! » avec une répétition du mot « rainbow », sur l’énorme Kill the King. Pour la petite histoire, ce morceau se trouve sur l’album Long Live Rock’n Roll qui n’était pas encore sorti à l’époque du live et c’est donc la première rencontre du public avec ce morceau (qui réagit d’ailleurs très bien à cette nouveauté, tu m’étonnes).

S’enchaîne ensuite un des titres les plus cultes de la formation, le monument ouvrant le premier album studio du groupe, Man on the Silver Mountain. Interprété à la perfection par un quintet qui se connait définitivement par cœur, le morceau est entrecoupé par un blues composé par Blackmore lors duquel la guitare de Ritchie et le synthé de Carez se livrent un duel dans une sorte de question/réponse faisant directement écho à Deep Purple et au duel guitare/synthé de la mythique paire Blackmore/Lord ou encore guitare/chant de Blackmore/Gillan (on pense surtout à Strange Kind of Woman) Je regrette seulement de ce moment que Starstruck (seul extrait de l’immense Rising joué) soit simplement réduite à son seul refrain avant que le groupe reprenne sur la fin de Man on the Silver Moutain, mais le tout est tellement transcendant que l’on peut difficilement se plaindre. Je râle par contre en ce qui concerne l’absence inexcusable de Tarot Woman au sein de la setlist ! Cozy Powell, le véritable mercenaire du Hardrock (Rainbow, Robert Plant, Michael Schenker band, Whitesnake, Emerson, Lake & Palmer, Black Sabbath, Yngwie Malmsteem et j’en passe) est comme à son habitude monstrueux derrière les fûts.

Ai-je réellement besoin de parler de cette monumentale version de Catch the Rainbow s’étendant sur plus de quinze minutes avec en son plein cœur un des plus beaux solos (soutenus par le synthétiseur de Monsieur Tony Carey) qu’il m’ait été donné d’entendre ? Non vraiment, il y a-t-il une personne dans l’assemblée qui n’a encore jamais entendu cette version ? Mais cours donc vite y remédier malheureux !

Comme d’habitude avec Ritchie, nous auront droit à une reprise de Mistreated (Deep PurpleBurn – 1974), qui doit être le morceau qu’il a le plus joué en live, ici dans une version de quinze minutes (quoi de plus normal ahah ?) Chanté à la base par un David Coverdale irréprochable en studio, Ronnie James Dio se l’accapare avec brio (pourra-t-on lui reprocher un jour quelque chose, franchement ?) et l’on obtient une interprétation magique de ce morceau si fort en émotions.

Le groupe achève ce live sur une monumentale reprise de Still I’m Sad (déjà reprise sur la version studio du premier album, Ritchie Blackmore’s Rainbow) des Yardbirds qui n’a absolument rien à voir avec la version originale ahah ! Outre la voix bien plus haute et frissonnante de Dio, il faut y ajouter un magnifique solo de Tony Carey (encore une fois, il est en quelque sorte l’héritier de Jon Lord) ainsi que comme d’habitude, un solo de Blackmore à tomber par terre.

Fort d’un line up mythique, d’un son parfait (Martin Birch était incontestablement le meilleur à son époque) et d’une setlist incroyable, il est évident que ce Rainbow : On Stage ait atteint la septième place dans les charts britanniques tandis qu’il obtiendra la soixante-cinquième place au Billboard 200. Je considère ce live comme un des plus grands de l’histoire du genre, d’où sa place ici, et il ne fait nul doute que chaque amateur de cette grande époque, ou tout simplement de musique, saura apprécier ce monument à sa juste valeur. A notez pour les plus chevronnés d'entre vous qu'il existe une seconde version de ce live sortie en 1990 avec en bonus le titre Do You Close Your Eyes (Rising) à la fin de la face B, ajout fort judicieux donc ! 

Mais alors pourquoi regrouper ces deux formations très différentes (l'un est un quatuor où chaque musicien joue un rôle crucial tandis que le second se rapproche clairement plus d'un one man band soutenu par des techniciens hors pair) sous l'unique nom de Black Dogs ? Il s'agit bien évidemment à la fois d'un clin d'oeil presque trop fracile au premier, mais peut-être encore plus évident pour le second si on y réfléchit, Rainbow n'était que le second projet de ce que les chroniqueurs de l'époque ont nommés : l'homme en noir. Le premier au succès encore aujourd'hui quasiment inégalé dans le style, le second mort depuis longtemps mais pas définitivement enterré comme nous le confirme l'actualité. Il s'agit simplement de deux formations ayant grandement contribués à faire des années 1970 un véritable âge d'or de la scène, au même titre que d'autres formations dont nous découvrirons les frasques scéniques très prochainement.